n°170 - janvier / mars 2023

Des animaux OGM autorisés… sans formalités

Par Inf'ogm

Publié le 22/03/2023

    
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L’Argentine et le Japon ont autorisé trois poissons génétiquement modifiés en utilisant l’outil moléculaire Crispr/Cas9. Pour ces deux pays, ces OGM n’en sont pas.

En décembre 2018, en Argentine, un tilapia génétiquement modifié (GM) produit par AquaBounty a été exempté de l’obligation d’autorisation de commercialisation [1]. Victoire pour cette même entreprise, qui avait mis presque vingt ans pour obtenir l’autorisation de commercialiser un saumon transgénique. Et une aubaine pour contourner l’opposition internationale aux animaux GM. En 2021, au Japon, une daurade et un poisson-globe tigré, modifiés génétiquement par Crispr/Cas9, ont été autorisés à la commercialisation [2].

L’Argentine et le Japon ont décidé que ces OGM n’en étaient pas car, selon eux, ils ne contiendraient pas d’ADN étranger, contrairement aux OGM issus de la transgenèse. Ces pays ont adopté une nouvelle définition des OGM, qui permet de limiter les OGM aux seuls organismes transgéniques, et ce sans avoir totalement vérifié l’absence d’ADN étranger [3]. Ces pays font une lecture volontairement erronée de la définition d’un OGM, qui n’a jamais fait référence à l’insertion particulière d’ADN étranger. Dans le protocole de Cartagena, texte adopté largement au niveau international (mais pas ratifié par l’Argentine) [4], un OGM est défini comme « tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne » [5] . Dans ce même Protocole, « biotechnologie moderne » s’entend comme « l’application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison [de l’ADN] et l’introduction directe d’acides nucléiques dans des cellules ou organites ».

Des législations laxistes sur les nouveaux OGM

Pour réaliser ce tour de passe passe, le Japon a dû changer sa législation. Le 1er octobre 2019 entrait en vigueur une décision qui définit l’encadrement minimaliste des produits obtenus par « édition du génome ». Une expression instaurée par les entreprises et reprise par les autorités, pour différencier les nouveaux OGM des OGM transgéniques. La nouvelle procédure japonaise implique une pré-consultation. Le Bureau de politique sanitaire sur les nouveaux aliments décidera, sur la base d’un dossier relativement léger et rédigé par l’entreprise, si une simple notification de commercialisation est suffisante ou si, au contraire, une évaluation préalable des risques est nécessaire du fait de la présence d’ADN étranger. Le Japon ne prévoit pas d’en vérifier techniquement le contenu. Ainsi, si une entreprise dépose un dossier dans lequel elle affirme qu’aucune séquence d’ADN étranger n’est présente dans le génome, aucune vérification par séquençage n’est prévue. Pourtant, les dernières actualités montrent qu’une telle absence absolue d’ADN étranger est techniquement difficile, comme on l’a vu avec les taureaux de Recombinetics [6] . La situation en Argentine est globalement la même.

Et surtout, aucune technique de modification génétique n’est actuellement parfaitement maîtrisée. De nombreux scientifiques ont montré que ces nouvelles modifications génétiques présentaient des modifications non intentionnelles et hors-cibles loin d’être anodines [7], comme par exemple l’intégration de morceaux d’ADN issus des divers réactifs.

Dans l’Union européenne, ces poissons doivent obtenir une autorisation préalable pour pouvoir être importés et commercialisés [8] [9], et être étiquetés « OGM ». Le hiatus entre les réglementations pourrait vite devenir un sacré casse-tête pour les douanes.

Cependant, la Commission européenne a récemment proposé de changer le cadre législatif pour les OGM végétaux non transgéniques, afin de ne plus les soumettre au cadre réglementaire actuel [10]. Cette initiative exclut pour l’instant les animaux et les micro-organismes : jusqu’à quand ?

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