n°104 - mai / juin 2010

Bio Cohérence résiste aux OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 30/04/2010

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L’Union européenne a adopté en juin 2007 un nouveau règlement sur l’agriculture biologique (1). Dans son objectif d’harmonisation, il exclut les possibilités pour les Etats membres de mettre en place des cahiers des charges plus stricts. Concrètement, le cahier des charges français de l’élevage biologique a tout simplement disparu. Comme nous l’écrivions en janvier 2009, lors de l’entrée en vigueur de ce règlement, « si une interdiction claire de l’utilisation d’OGM est maintenue, ce nouveau règlement admet qu’un produit biologique peut contenir jusqu’à 0,9% d’OGM » Pour la filière bio, c’est tout simplement inadmissible. Aucune contamination, même accidentelle, dans les produits bio, ne peut être tolérée. Ainsi, une partie de la filière bio française s’est engagée dans une démarche qui exclut entièrement les OGM, et a créé une marque : Bio Cohérence.

Les responsables de Bio Cohérence, lancée officiellement le 12 avril, soulignent que d’après le baromètre publié par l’Agence Bio et le CSA, « les Français ont une opinion très positive de l’agriculture biologique », et ils sont près de 75% à considérer que ce mode de production est une solution face aux problèmes environnementaux actuels. La filière se doit donc de ne pas décevoir, notamment en ne bradant pas la qualité des produits dont le développement n’a jamais été aussi important. 

Si des acteurs, sur l’impulsion de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), se sont lancés dans la création d’une nouvelle marque, ce n’est pas faute d’avoir d’abord essayé d’influencer la législation. Le site de la marque précise que « naturellement, le réseau [FNAB] ainsi que de nombreux autres acteurs du monde bio ont effectué un long travail de lobbying auprès des instances communautaires. […]. Cependant, [notre] ambition était bien de pouvoir ajouter au règlement européen des considérations environnementales, sociales, voire sociétales ».

Refus absolu des OGM

Dominique Técher, président de Bio Cohérence, résume ainsi la philosophie de cette nouvelle marque collective : « L’engagement des adhérents, qu’ils soient producteurs, transformateurs ou distributeurs, repose sur trois niveaux. D’abord, le respect du cahier des charges européen, condition sine qua non à l’obtention de la marque. Ensuite, le respect d’un cahier des charges supplémentaire, que nous avons élaboré, et qui reprend l’ancienne réglementation française à laquelle nous avons ajouté quelques points qui nous semblaient incontournables. Enfin, les adhérents s’engagent dans une dynamique de progrès, par la signature d’une charte et la réalisation d’un autodiagnostic global » [1]. Parmi la soixantaine de contraintes supplémentaires, le nouveau cahier des charges interdit totalement la présence d’OGM dans les produits, oblige à convertir l’intégralité de l’exploitation à l’agriculture biologique, à produire au minimum 50% de l’alimentation animale consommée sur l’exploitation et limite les traitements vétérinaires (antibiotiques ou antiparasitaires). Enfin, les produits transformés doivent contenir 100% d’ingrédients bio à l’exception de produits comme le sel ou l’eau (contre 95% pour les labels bio européen et AB).

Quelle certification ?

Le contrôle du respect du cahier des charges sera effectué par les organismes certificateurs accrédités pour la bio (Ecocert, Certipaq, Agrocert, Qualité France et SGS). Le site de la marque précise que « tout opérateur désirant s’engager dans la future marque pourra continuer à travailler avec celui qu’il avait choisi ». Les contrôles seront alignés sur la fréquence officielle, soit une fois par an. Les contrôles inopinés ne concerneront pas la marque. L’obtention de celle-ci sera par ailleurs délivrée par un comité interne à Bio Cohérence, suite au contrôle par l’opérateur du respect des points complémentaires à la réglementation de l’UE. Enfin, Bio Cohérence n’étant accessible qu’aux producteurs certifiés bio, la perte de la certification officielle entraînera de fait la perte de la marque Bio Cohérence.

Dans un communiqué en date du 13 avril 2010, l’association Nature & Progrès, dont la marque existe depuis 35 ans et qui a toujours exclu les OGM, a salué l’arrivée de Bio Cohérence, comme « un signe positif pour la bio française. […] L’association félicite notamment la FNAB et certains distributeurs partenaires du projet pour cette évolution de leur vision et de leur discours. Car si le réseau FNAB a souhaité mettre en place cette nouvelle marque, c’est bien pour contrebalancer les baisses d’exigences imposées en France par le nouveau règlement européen. Or Nature & Progrès dénonce ce nivellement par le bas depuis longtemps ». Cependant, Nature & Progrès ne se retrouve pas dans ce projet. Un des principaux obstacles tient au fait que Nature & Progrès, au contraire de Bio Cohérence, n’impose pas la certification au label bio officiel, et attribue sa mention grâce à des Systèmes Participatifs de Garantie, «  systèmes d’assurance qualité ancrés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissance » (définition de l’IFOAM, organisation internationale de l’agriculture biologique). Pour Nature & Progrès, la certification par un organisme commercial agréé a plusieurs défauts : elle est coûteuse pour les producteurs, et « son manque de transparence exclut le citoyen des pratiques et des réalités en le cantonnant à un rôle de consommateur de produit fini ».

Des produits disponibles dès 2010

Les premiers produits estampillés Bio Cohérence seront distribués avant fin 2010, le temps de finaliser certains aspects techniques. Ces produits seront d’abord disponibles dans les magasins spécialisés bio (Biocoop et Bio Monde solidarité) qui ont participé à l’élaboration du cahier des charges et qui voient dans cette marque un moyen de se démarquer de la bio de supermarchés. Jusqu’à maintenant, la grande distribution n’a pas montré d’intérêt pour une marque qui lui demanderait des comptes quant au prix payé aux producteurs ou à l’origine de ses produits. Car la bio version grande surface, comme pour les autres produits agroalimentaires, tire les prix vers le bas, fragilisant les petites exploitations agricoles, et concentrant la production dans les mains d’entreprises déconnectées du local. Or le bio venu de l’autre bout du monde est-il encore pertinent ?

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