2009 : une mobilisation citoyenne toujours forte
Moratoire en France sur les cultures commerciales de PGM, disparition quasi totale des essais en plein champ : on aurait pu croire que les militants anti-PGM allaient prendre des vacances. Mais c’est mal les connaître, tant ce dossier recèle de prolongements, avec les « OGM cachés », les procès des fauchages précédents, ou encore la mobilisation des élus locaux.
En 2009, plusieurs procès de faucheurs ont eu lieu, mais deux d’entre eux ont été plus particulièrement suivis, ceux où José Bové comparaissait alors qu’il venait d’être élu au Parlement européen.
Le temps des procès n’est pas encore fini
La question de son immunité parlementaire s’est donc posée. A Béziers, le 28 août 2009, était jugée le fauchage du 5 août 2007 à Murviel lès Béziers. Les magistrats ont affirmé, en ouverture de l’audience, que José Bové ne pouvait pas bénéficier de son immunité parlementaire. Or, rappellent les avocats de la défense, selon la procédure, pour lever l’immunité parlementaire d’un député européen, le tribunal aurait dû saisir le bureau du Parlement européen. Le député ne peut pas, par lui-même, décider de lever ou non son immunité, ni le Parlement s’auto-saisir de cette question. Du fait de cet incident de procédure, susceptible d’appel pendant dix jours, le procès ne pouvait pas continuer : il a été reporté au 5 février 2010. Cependant, la défense n’a pas souhaité faire appel de la décision des magistrats de ne pas retenir l’immunité parlementaire. Et au cours de l’audience, José Bové a clairement précisé que s’il ne partageait pas le raisonnement suivi par les juges pour décider qu’il ne pouvait pas bénéficier de l’immunité, il voulait être jugé, comme un simple citoyen.
A Bordeaux, le 24 septembre 2009, avait lieu le second procès où comparaissait José Bové : l’appel du procès dit de Lugos, où une récolte stockée de maïs GM avait été dénaturée. Le propriétaire du silo, Marc Giblet, avait tiré un coup de feu et endommagé plusieurs voitures de faucheurs. Cette fois-ci, José Bové, qui ne souhaitait pas que l’incident de Béziers se reproduise, a pu être jugé comme un simple citoyen, car la problématique de l’immunité n’a été soulevée ni par les magistrats, ni par le Parquet, ni, bien entendu, par la défense… Au final, l’avocat général a requis la même lourde peine que son confrère en première instance : huit mois de prison ferme et quatre ans de privation des droits civiques pour José Bové. Ce réquisitoire, du fait de la demande de la privation de liberté, s’il était accepté lors du délibéré, reposerait la question de l’immunité parlementaire. L’avocat général a requis, à l’encontre de deux autres Faucheurs, des peines de six mois de prison avec sursis. Toutefois, de manière assez surprenante, il a « omis » de requérir une peine à l’encontre des neuf autres prévenus.
Refus de prélèvement d’ADN
Par ailleurs, depuis 2003, les procès des Faucheurs s’accompagnent souvent d’un second procès, pour refus de prélèvement d’ADN. En effet, les Faucheurs volontaires refusent les prélèvements ADN qui relèvent, selon eux, de la « criminalisation du mouvement social ». Et ils rappellent que seuls les délits financiers ne sont pas concernés. En 2009, deux Faucheurs, Xavier Timoner et Jean-Emile Sanchez, ont été relaxés. Un des jugements précise que si la loi du 25 juin 2008 sur les OGM crée un « délit de fauchage », elle ne mentionne pas la nécessité d’un test ADN.
Les élus rentrent en résistance
Une caractéristique de l’année 2009 a été la mobilisation des élus locaux et régionaux, afin d’exclure les OGM de l’agriculture ou de l’alimentation. Ainsi, à Lille, la métropole a constitué un groupe de travail qui sera chargé de voir la déclinaison concrète et les différentes délibérations qui devront être prises pour que la LMCU (Lille Métropole Communauté Urbaine) s’engage contre les OGM : dans ses différents liens avec l’alimentation (restaurants communautaires mais aussi toute la politique d’achat, de marché public…) ; et pour ses terres en location. Une position de principe sur les semences est également attendue…
A Tours, le 6 juillet, la ville a adopté la délibération relative au non-recours aux OGM dans la restauration collective. Le 26 septembre 2009, le Thor (Vaucluse) accueillait la deuxième édition de la « Faîtes sans OGM ». A cette occasion, les communes avoisinantes étaient invitées à une réunion publique au cours de laquelle le maire du Thor, Jacques Olivier, a rappelé la démarche de sa ville : vœu puis arrêté municipaux anti-OGM, cantine bio, et adhésion à l’association nationale des collectivités sans OGM. En IIle-et-Vilaine et en Pays de Redon, début octobre 2009, 75 communes se sont déjà positionnées.
Enfin, le 18 septembre, la Chambre d’agriculture de l’Ardèche a adopté à l’unanimité une délibération émettant un avis favorable à la non-implantation de PGM sur le territoire du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. Avec une telle délibération, le Parc et la chambre d’agriculture espèrent pouvoir remplir la condition d’unanimité des exploitants permettant d’interdire les OGM (selon les dispositions de la loi française sur les OGM, mai 2008) [1]. Pour l’heure, les services de l’État ne se sont pas prononcés sur la mesure, pour confirmer ou infirmer la légalité de cette démarche.
La mobilisation locale peut aussi être victorieuse. Ainsi, le maire de Bourgoin Jallieu, qui avait attaqué en justice une autorisation d’essai en champ sur le territoire de sa commune, a eu gain de cause. Le 27 mai 2009, le Conseil d’Etat a en effet annulé les sept autorisations délivrées à Monsanto.
Les Faucheurs diversifient leurs actions
Les Faucheurs volontaires ont mené deux autres types d’action cette année : dénoncer l’AFSSA comme une filiale de Monsanto et dénoncer les OGM cachés. Ainsi, le 28 février 2009, au salon de l’agriculture à Paris, une soixantaine de Faucheurs ont remis solennellement à l’Afssa, un « Monsanto d’Or », en affirmant : « Pour nous l’Afssa n’est pas indépendante, elle est aux mains des lobbies et des semenciers ». Les Faucheurs volontaires contestent la validité des avis émis par cette agence, et précisent qu’elle a toujours pris des décisions favorables aux OGM.
La question des « OGM cachés » – la législation européenne (dir. 2001/18) précise explicitement que les plantes produites à partir de la mutagenèse et de la fusion cellulaire sont des OGM mais qu’elles sont à exclure du champ d’application de la directive – avait déjà été mentionnée comme prioritaire par les Etats généraux « OGM et biodiversité » d’avril 2009 [2]. L’AG des Faucheurs a elle aussi clairement défini la lutte contre les plantes mutées comme cohérente par rapport aux objectifs des Faucheurs. Ainsi, deux actions ont été organisées : la rencontre avec les responsables du Centre technique interprofessionel des oléagineux métropolitains (Cetiom), le 20 mai 2009, à Bollène (84), engagés dans des essais sur des tournesols mutés résistants à des herbicides ; et le 26 août, à Montech (82), l’occupation de l’entrée d’une station de recherche de Pioneer qui expérimente aussi de tels tournesols. Les Faucheurs dénoncent l’absence d’informations publiques sur les plantes mutées, l’absence d’évaluation des risques, leur exclusion par exception de la directive européenne 2001/18 sur les PGM et la possibilité de déposer des brevets sur les gènes mutés.
Un faucheur solitaire soutenu
Le 7 septembre 2009, 70 pieds de vignes ont été coupés par Pierre Azelvandre, docteur en biologie qui milite depuis de nombreuses années contre les OGM, et qui a revendiqué son acte. Si Pierre Azelvandre a réalisé cette action seul, les Faucheurs volontaires ont précisé, le 19 septembre 2009, que pour eux « cette action ne constitue pas un délit mais une action citoyenne responsable […]. Pierre Azelvandre est intervenu après qu’il ait utilisé des moyens légaux pour interpeller politiques et chercheurs sur les risques liés aux cultures et expérimentations de plantes GM. […] La démarche progressive utilisée par Pierre Azelvandre est fidèle à celle que les Faucheurs volontaires mettent en œuvre avant de passer aux actions de désobéissance civique en neutralisant des essais et cultures GM ». Ainsi, ils concluent que « le collectif des Faucheurs Volontaires salue l’acte de Pierre Azelvandre et l’assure de sa solidarité ». Paradoxe de cette action : suite à un recours de FNE qui contestait cette autorisation, le tribunal administratif (TA) de Strasbourg a annulé le 30 septembre 2009 l’autorisation de l’essai des vignes… qui venait donc juste d’être détruit. Le recours datait de 2005. Le procès de Pierre Azelvandre a eu lieu le 7 octobre. Le procureur de la République a requis une peine de quatre mois de prison avec sursis et une amende de 1000 euros. Le délibéré, prévu pour le 27 octobre 2009, a été finalement repoussé au 19 novembre 2009, sans explication, sans doute à cause de l’annulation de l’essai détruit… Le TA fonde son annulation sur l’incompatibilité de l’autorisation avec la directive 2001/18, notamment en ce qu’elle impose des rapports périodiques sur les conséquences environnementales et sanitaires de l’essai qui pourraient apparaître après son achèvement. L’Inra a fait appel.
Asile politique pour le maïs non GM espagnol
Le 29 septembre, à l’initiative des Amis de la Terre, une vingtaine de militants de plusieurs pays européens ont demandé « l’asile politique » pour des épis de maïs non GM espagnols à l’ambassade de France à Madrid, afin de fuir la contamination. En Espagne, la culture à grande échelle de maïs Mon810 menace la filière sans OGM. Selon les militants, la France pourrait accueillir ces épis menacés car elle a adopté un moratoire sur cette culture. Parmi les manifestants, Patrick de Kochko, agriculteur bio français, a précisé à l’AFP : « Je suis venu soutenir mes amis espagnols, car ils n’ont plus la liberté, comme nous en France, de cultiver du maïs sans risques ». La question des OGM est délibéremment européenne et pour les anti-OGM, le moratoire français ne suffit pas…
Et demain ?
Fin novembre, à Versailles (78) sont convoqués 58 Faucheurs volontaires pour avoir, le 18 août 2007, « neutralisé » à Poinville (Eure-et-Loire) un essai de maïs GM appartenant à Monsanto. Ce procès est très attendu car, en première instance, le 5 juin 2008, le tribunal de Chartres avait relaxé les Faucheurs. Anne Furet, juriste d’Inf’OGM, interviendra en marge du procès pour faire un point sur les OGM cultivés, autorisés, ou en cours d’autorisation.