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UNION EUROPEENNE – L’évaluation des risques liés aux OGM : une réglementation affaiblie
La Commission européenne a adressé aux Etats membres une proposition de règlement – texte contraignant – qui établit les modalités d’évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation de plantes génétiquement modifiées (PGM) dans l’alimentation humaine et animale [1]. Les Etats membres discuteront de cette proposition de règlement le 10 février, lors de la prochaine réunion du Comité Permanent de la Chaîne Alimentaire et de la Santé Animale (CP CASA).
Dans la même veine que les lignes directrices publiées par l’AESA, le règlement proposé par la Commission conduira à un affaiblissement de l’évaluation existante des risques [2], même si la rhétorique est moins claire. Inf’OGM a analysé ce règlement pour vous.
Cette proposition de règlement fait suite à la publication en mai 2011, par l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) de nouvelles lignes directrices concernant les évaluations des PGM à destination de l’alimentation humaine et animale [3]. C’est par un règlement d’exécution [4] que la Commission entend répondre à la demande du 4 décembre 2008 des ministres européens de l’Environnement. Ces derniers avaient demandé à ce que les évaluations avant autorisation des PGM soient renforcées, en prenant en compte notamment les risques à long terme et les impacts socio-économiques [5].
L’évaluation réduite à l’équivalence en substance
Ainsi, d’après la proposition de règlement, la Commission reprend la place centrale donnée par l’AESA à l’équivalence en substance dans l’évaluation. Il est ainsi écrit que « l’évaluation sanitaire des aliments génétiquement modifiés devrait inclure des études concernant les nouveaux composants issus de la modification génétique, une caractérisation moléculaire de la PGM, une analyse comparative de la composition [autre manière de nommer l’équivalence en substance] et du phénotype de la PGM comparée à sa contre-partie conventionnelle ». On ne sait ce que deviendraient d’autres analyses, comme celles de toxicologie par exemple ou celles de nutrition… Concernant les analyses de toxicologie, la Commission écrit dans la proposition de règlement que « selon les caractéristiques de la PGM et les résultats de ce premier lot d’études, les lignes directrices de l’AESA indiquent qu’il peut être nécessaire de conduire des études complémentaires. A cette fin, l’AESA considère que […] les études d’alimentation durant 90 jours de rongeurs avec les aliments complets, quand justifiées, sont les premières études additionnelles permettant de répondre aux incertitudes identifiées » [6]. Malgré ce rappel de la position de l’AESA, la Commission semble envisager de rendre obligatoires ces analyses pour les plantes contenant un événement transgénique, puisque, selon elle, « il n’a pas été prouvé [qu’il était] possible de définir avec suffisamment de précision le niveau d’incertitudes déclenchant le besoin d’études de 90 jours sur rongeurs dans les demandes d’autorisation. En conséquence, (…) de telles études devraient être, pour l’instant, requises pour toutes demandes d’autorisations ». Seulement, il s’agit ici de considérants présentés en introduction du règlement, qui n’ont donc pas la même valeur juridique qu’un article proprement dit du réglement. L’article 5 définit les analyses obligatoires à conduire, et renvoie à l’annexe 2 du règlement qui les détaille, notamment pour l’analyse de la toxicologie des PGM : « le pétitionnaire considèrera le besoin d’analyses de toxicologie sur base des résultats des analyses moléculaires et de comparaison (…), à savoir les différences identifiées entre le produit GM et sa contre-partie conventionnelle, incluant les effets attendus et inattendus » [7]. En clair, les pétitionnaires n’auront plus à conduire d’autres analyses de toxicologie dès lors qu’ils auront conclu que leur PGM est équivalente en substance à une contre-partie conventionnelle.
Concernant les plantes à plusieurs transgènes, dîtes empilées, ces analyses de toxicologie ne sont pas requises, ces plantes étant considérées comme la simple addition d’évènements transgéniques (page 49 du règlement). Ceci revient donc à faire le choix d’ignorer tous possibles effets dus à la combinaison de transgènes dans une même plante.
De la même manière, les analyses d’alimentarité [8] sont conditionnées aux résultats des analyses de composition. A nouveau, c’est le pétitionnaire qui évaluera le besoin de telles analyses. Ainsi, il est proposé qu’au cas où les analyses de composition font apparaître des différences, la signification nutritionnelle de ces différences sera évaluée d’abord sur base de la littérature scientifique. Puis, « si cette évaluation [via la littérature scientifique] conclut à une équivalence nutritionnelle entre les aliments GM et leurs contre-parties conventionnelles, aucune étude supplémentaire ne sera à conduire ». Il faut rappeler ici que les analyses de la littérature ne sont pas toujours gage d’exhaustivité. Ainsi, les membres du HCB ont déjà noté que l’entreprise Monsanto pouvait faire preuve de partialité dans ce domaine [9].
Avec ce projet de règlement, la Commission propose donc clairement aux Etats membres d’acter un affaiblissement de l’évaluation des risques liés aux PGM. Aux Etats membres maintenant de répondre.
[1] Source Inf’OGM
[4] Contrairement à la procédure législative ordinaire utilisée pour l’adoption d’une directive ou d’un règlement « classique », procédure longue de plusieurs mois, les règlements d’exécution sont adoptées à l’issue d’une procédure simplifiée. Ce texte sera en effet simplement soumis à la procédure de comitologie et donc au vote du CP CASA, sans co-décision entre le Parlement et le Conseil, comme c’est le cas avec la procédure ordinaire. Il devrait être adopté beaucoup plus rapidement.
[6] Considérant 10 du préambule (les traductions de l’anglais vers le français sont d’Inf’OGM)
[7] Annexe 2 de la proposition de règlement, page 46
[8] classiquement faites sur poulets, elles visent à étudier la valeur nutritionnelle des PGM