L’avis du HCB sur le « sans OGM » : contexte et enjeux
Le 3 novembre 2009, le Haut conseil des biotechnologies (HCB) présentera en conférence de presse son avis sur la qualification « sans OGM ». Cet avis intervient conformément à l’article 2 de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM (1), qui prévoit que les OGM ne peuvent être utilisés que dans le respect « des filières de productions et commerciales ‘ sans OGM ‘ ». Il reviendra ensuite aux ministères d’arrêter la définition de cet étiquetage.
Cette qualification pourrait s’attacher :
aux produits végétaux ;
et aux produits issus d’animaux qui n’auraient pas été nourris avec des OGM.
Les enjeux de la qualification « sans OGM »
La définition du « sans OGM » conditionnera les règles de coexistence des cultures GM et non GM. Ces règles devraient être définies courant 2010, après avis du seul comité scientifique du HCB.
* Cet étiquetage contribuera à définir la qualité de l’information pour le consommateur. A l’heure actuelle, l’étiquetage des OGM ne concerne que les produits qui contiennent des OGM au delà de 0,9% (cf. encadré en page 2). L’étiquetage actuel ne garantit donc aux consommateurs qu’une présence d’OGM inférieure à 0,9%. Avec un étiquetage pour les produits issus d’animaux non nourris avec des OGM, le lien entre OGM et alimentation animale est pour la première fois établi pour le consommateur. Les protéines végétales (le soja notamment) tiennent une place majeure dans l’alimentation animale européenne, et sont fortement concernées par la problématique OGM (60% des cultures mondiales de soja sont génétiquement modifiées). Actuellement, sur les 4,5 millions de tonnes de soja importées pour le bétail français, seul 1/5 est certifié non-OGM. Malgré cela et jusqu’à nos jours, l’alimentation génétiquement modifiée des animaux n’a fait l’objet d’aucun étiquetage sur le produit final.
* L’étiquetage du « sans OGM » encouragera l’émergence d’un véritable marché du soja non OGM. Avec cet étiquetage, la France valorisera les efforts considérables des producteurs qui avaient déjà fait le choix de ne pas utiliser d’OGM dans l’alimentation des animaux. Un tel étiquetage constituera un signal fort adressé aux producteurs américains de soja. A l’heure actuelle, et comme le rappelle le GIET (Groupement international d’études transdisciplinaires), « toute une partie de la production brésilienne de soja non GM, se trouve, après récolte, mélangée à du soja GM » car maintenir une filière non génétiquement modifiée nécessite des investissements (silos, camions, conteneurs séparés…) (2). Pour engager ces investissements, il faut que les fournisseurs brésiliens puissent tabler sur une demande européenne garantie de soja non OGM.
La situation actuelle du « sans OGM » en France
Pour les produits végétaux, c’est une note d’information de 2004 de la DGCCRF (3) qui régit l’étiquetage sans OGM. Sous ce régime, ne peuvent être étiquetés « sans OGM » que les produits susceptibles de contenir des éléments issus de PGM (soja, maïs, coton, colza…), et qui peuvent garantir une présence d’OGM inférieure au seuil de détection (0,01%). Le maïs doux et les pousses de soja bénéficient d’un régime d’exception : bien qu’ils ne soient pas susceptibles de contenir des OGM (aucun maïs doux n’est autorisé à la commercialisation et les pousses de soja ne sont pas du soja mais des haricots mungo), il leur est possible d’inscrire « sans OGM, conformément à la réglementation », pour pallier les risques de confusion sur leurs produits. Outre ces exceptions, on trouve dans les rayons quelques produits végétaux étiquetés « non OGM », notamment tofu et lait de soja « issu de filières non OGM ». Cet étiquetage est conforme à la note de la DGCCRF de 2004, mais reste confidentiel car très difficile à garantir.
Pour l’étiquetage des produits issus d’animaux, selon la note d’information de 2004, une allégation sur les OGM ne peut porter que sur l’alimentation donnée aux animaux, et sous réserve qu’elle respecte les exigences précitées (moins de 0,01%). Le caractère extrêmement strict de cette note a conduit à ce qu’aucun produit issu d’animaux ne puisse être étiqueté « sans OGM », en dépit les efforts de certaines filières animales.
Malgré cette note, en juin 2009, on a vu fleurir dans les supermarchés un étiquetage sans OGM sur les produits Loué. Les volailles et les œufs ont été marqués d’étiquettes « nourri sans utilisation d’OGM* », le renvoi * précisant « minimum 99,1 %», cela alors même que la réglementation n’est pas encore adoptée. Un étiquetage anticipé en forme de lobbying pour la prochaine réglementation… Mais d’autres marques ont suivi cette démarche commerciale, le site Internet « Nourri sans OGM » les répertorie : la viande bovine Maine-Anjou, le fromage Laguiole, le porc fermier de la Sarthe, etc…
Historique
Septembre 2007 : L’intergroupe du Grenelle de l’environnement demande l’adoption d’une loi sur les OGM déclinant notamment le principe du libre-choix de produire et de consommer sans OGM.
25 juin 2008 : La loi sur les OGM est publiée et prévoit en son article 2 : « Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect […] des filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés », et en toute transparence. La définition du « sans organismes génétiquement modifiés » se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil correspondant est fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut Conseil des biotechnologies, espèce par espèce ».
Octobre 2008 : Premier étiquetage « sans biotechnologie » en Allemagne, sur un lait de vache commercialisé par Campina.
19 mai 2009 : Le Conseil national de la consommation rend son avis sur la qualification sans OGM, qui recommande l’étiquetage « sans OGM » des produits issus d’animaux. L’objectif est de valoriser l’utilisation d’aliments pour animaux non étiquetés, à savoir ceux contenant de façon fortuite ou techniquement inévitable moins de 0,9% d’OGM (5).
OGM, alimentation et étiquetages
Les OGM sont peu présents directement dans l’alimentation humaine. Dans l’Union européenne, un produit n’est étiqueté qu’à partir d’un seuil de présence de 0,9% dans l’un des ingrédients. En dessous de 0,9%, l’étiquetage est également exigé lorsque cette présence n’est pas accidentelle ou techniquement inévitable. Du fait de l’opposition des consommateurs européens, seule une trentaine de produits est étiquetée OGM, et il s’agit principalement de produits importés des États-Unis et d’huiles de soja.
Mais les OGM pénètrent massivement la chaîne alimentaire via l’alimentation animale. Jusqu’à nos jours, aucun étiquetage ne permet au consommateur de savoir, si oui ou non, les produits sont issus d’animaux nourris avec des OGM. Seuls les produits biologiques apportent cette garantie, avec une tolérance de présence de 0,9% d’OGM dans l’alimentation du bétail. Certains labels rouges et marques privées fournissent le même effort (volaille de Loué, porc de la filière qualité Carrefour, viande bovine AOC Maine-Anjou, certains formages, etc.) mais ils ne peuvent légalement l’afficher directement eu égard à la réglementation existante.
L’étiquetage « sans OGM » en Europe
Aujourd’hui, plusieurs pays européens ont déjà mis en place un étiquetage « sans OGM ». On recense pour l’heure : l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Mi-octobre, le gouvernement Irlandais a annoncé sa volonté de mettre en place un tel étiquetage « pour optimiser les avantages compétitifs de l’Irlande ».
En mai 2008, l’Allemagne a adopté un étiquetage « ohne gentechnik » (« sans biotechnologie »). Pour les produits issus d’animaux, ils peuvent être étiquetés « sans OGM » si les animaux ont été nourris avec des aliments non étiquetés ou non tracés OGM (moins de 0,9% dans les aliments). Critiqué pour son caractère trop souple (seuil de 0,9%, nourriture non OGM seulement pendant la dernière période de la vie de l’animal), cet étiquetage a été appliqué en octobre 2008 par la coopérative Campina, qui a lancé le lait de vache « ohne gentechnik ». Un an plus tard, l’entreprise annonçait que cet étiquetage avait dopé ses ventes de 7,7% (4).
Pour l’Autriche, des directives entrées en vigueur en 2008 retiennent également un seuil de 0,9% dans l’alimentation des animaux et l’alimentation non GM n’est pas exigée sur tout le cycle de la vie de l’animal (sauf pour l’aquaculture).
Ce premier avis du Haut conseil des biotechnologies intervient sur une notion très attendue et porteuse d’enjeux considérables. Cette qualification devra savoir concilier l’exigence de loyauté et de transparence envers les consommateurs et les contraintes qui pèsent sur l’approvisionnement en aliment sans OGM. Dans les mois à venir, il reviendra au gouvernement de décider s’il souhaite suivre ou non cet avis dans son intégralité.