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Bactéries synthétiques pour fabriquer des protéines
Une bactérie disposant d’un code génétique en partie synthétique a été mise au point par une équipe internationale de chercheurs. Cette bactérie possède un génome dont un des quatre éléments de base est un composant de synthèse. L’ADN normal se compose en effet de quatre bases : l’Adénine, la Guanine, la Cytosine et la Thymine. Les chercheurs ont travaillé avec la bactérie Escherichia coli K12 qui exige que lui soit fournie de la thymine car elle est incapable de la synthétiser elle-même. Après une mise en culture de cette bactérie dans des milieux contenant de la thymine en quantité décroissante et un substitut de synthèse (chloro-uracile) en quantité croissante, les chercheurs ont fini par sélectionner des bactéries Escherichia coli K12 capables d’utiliser le chloro-uracile à la place de la thymine. A noter que les chercheurs ont également enregistré la présence de « nombreuses mutations » dont le rôle dans cette adaptation reste à établir [1].
Les scientifiques travaillant sur ce projet sont issus de l’Institut de Biologie de Berlin, du Commissariat à l’Energie Atomique (IG/Genoscope – Évry), du CNRS, de l’Université d’Évry, de l’Université Catholique de Leuven (Belgique) et de l’entreprise états-unienne Heurisko. Selon Philippe Marlière, Président d’Heurisko, « ces travaux constituent une avancée importante de la xénobiologie, une branche émergente de la biologie synthétique [qui vise à concevoir des organismes « non naturels dotés de capacités métaboliques optimisées pour l’élaboration de modes alternatifs de synthèse »] ». L’idée des scientifiques est de mettre au point des organismes permettant de synthétiser des produits chimiques en quantités industrielles. Et pour déjà parer aux problèmes que de tels organismes pourraient poser en cas de dissémination dans la nature, les chercheurs ont retenu l’option de les rendre dépendant de composants n’existant pas à l’état naturel. Ainsi, cette bactérie Escherichia coli K12 ne pourrait subsister dans la nature puisqu’elle n’y trouverait pas de chloro-uracile. Philippe Marlière précise d’ailleurs que l’approche adoptée est le meilleur moyen de mettre en œuvre le « principe de précaution dans les biotechnologies sans ralentir le progrès industriel », précisant que « ça n’est pas forcément vrai que c’est dangereux » [2]. Mais, nous permettrons-nous de rajouter, pas forcément faux non plus…
Le présent travail s’inscrit dans ce qui est couramment appelé biologie de synthèse (bio-briques, cellules synthétiques, cellules minimales…). Les scientifiques adoptent l’approche qui est de travailler en fonction d’un lien direct et instantané entre recherche et débouchés commerciaux. Ce qui les amène à limiter leur capacité d’interrogation quant aux risques potentiels associés à leurs travaux. L’affirmation que pour une telle bactérie utilisant une base de synthèse, « ce n’est pas forcément vrai que c’est dangereux » illustre le paradigme technoscientifique dans lequel les chercheurs évoluent.
[1] http://www.genoscope.fr/spip/28-jui….
L’article est paru dans une revue allemande : « Chemical Evolution of a Bacterium’s Genome » Marlière P. et al., Angewandte Chemie, Volume 123, Issue 31, pages 7247–7252, July 25, 2011