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Nouveaux OGM : leur traçabilité confirmée

Par Eric MEUNIER

Publié le 12/08/2021

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Les moyens, ressources et techniques pour tracer tout type d’OGM existent. C’est en substance ce que montre une publication scientifique récente rédigée par Yves Bertheau, directeur de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). La volonté de la Commission européenne de déréglementer tout OGM sans ajout de gène étranger est uniquement politique, et non scientifique.

Depuis plus de dix ans, la faisabilité de l’encadrement réglementaire des nouveaux OGM a régulièrement été remise en cause par les entreprises pro-OGM et par des scientifiques qui se mettent à leur service. Ces OGM ont été présentés tour à tour comme non détectables, non identifiables et finalement non différenciables de ce que la nature ou des techniques conventionnelles de sélection végétale peuvent produire. Ces nouveaux OGM ne pourraient donc pas être gérés par l’Union européenne. Une publication scientifique récente montre les arguments déjà publiés par ailleurs et contribue à remettre en cause ces affirmations.

L’Union européenne a les moyens nécessaires

Les deux chapitres publiés dans le livre « Developing smart-agrifood supply chains : using technology to improve safety and quality« , rédigés par Yves Bertheau, directeur de recherche à l’Inrae, permettent de comprendre que l’Union européenne dispose des ressources, des moyens et des techniques qui permettent la traçabilité complète des nouveaux OGM. À lire cet ancien coordinateur du projet européen sur la coexistence et la traçabilité des filières OGM et non-OGM (Co-Extra) [1], la volonté politique permettant cette traçabilité serait le seul élément manquant.

Le premier des deux chapitres [2] renseigne entre autres comment, depuis le début des années 2000, l’Union européenne s’est dotée des ressources et moyens nécessaires à la traçabilité des OGM transgéniques avec un comité d’experts et un réseau de laboratoires spécialisés dans leur détection (ENGL : The European Network of GMO Laboratories). Il rappelle également comment la traçabilité des OGM transgéniques a été pensée puis mise en place avec une approche de collecte de données, approche dite matricielle. Une collecte de données qui se voit aujourd’hui renforcée avec l’apparition de nouvelles techniques de détection et d’analyses d’ADN. Une directive européenne récente (2021/971) recommande même, « quand il subsiste un doute » pour identifier ou distinguer une variété végétale, d’utiliser une « technique biochimique ou moléculaire reproductible et reconnue à l’échelle internationale ». Ce qui est possible pour les variétés de plantes l’est aussi pour les plantes génétiquement modifiées, et la Commission le sait. Un article d’Inf’OGM avait déjà été consacré à cette question de traçabilité des OGM [3].

La traçabilité des nouveaux OGM est possible !

Le second chapitre [4] est celui qui intéressera les responsables politiques nationaux et européens qui se penchent sur les moyens d’appliquer la réglementation aux OGM non déclarés, notamment aux nouveaux OGM « sans ajout de gène étranger ».

En termes de notions scientifiques, l’auteur présente les phénomènes de mutations et épimutations (sur l’ADN ou l’ARN) liés aux différentes étapes techniques d’un processus de modification génétique, qu’il s’agisse d’étapes communes à toutes les techniques ou particulières à certaines d’entre elles. L’auteur livre une revue bibliographique et identifie parmi ces étapes celles qui laissent des traces identifiables, donc des signatures traçables et qui se transmettent de génération en génération. Cela permet de détecter ces OGM et d’assurer une traçabilité qui, bien organisée, peut dans certains cas aller jusqu’à identifier le laboratoire ayant modifié génétiquement une plante !

Rappelons que la Commission européenne s’est opposée à tout travail sur la détection des nouveaux OGM par ses experts (ENGL) jusqu’en 2018, année au cours de laquelle elle leur a commandé un simple rapport qu’elle a co-rédigé [5]. Ces deux chapitres justifient l’affirmation de l’auteur selon laquelle : « la mise en œuvre de systèmes de traçabilité des OGM est une décision technico-politique ». Les questions scientifiques et techniques n’étant pas un obstacle, la traçabilité est totalement faisable. Il ne manque donc que la volonté politique.

La question a été résolue depuis près de 20 ans pour les OGM transgéniques. Elle est posée depuis plus de dix ans pour les nouveaux OGM et ces deux chapitres contribuent à lister ce qui a déjà été fait pour les premiers ainsi que ce qui est déjà fait et doit encore être fait pour les seconds. Il est regrettable que ce soient des associations qui aient été les premières à financer et à rendre publiques des recherches [6] que la Commission refuse de financer et que l’industrie, qui les a déjà réalisées pour protéger ses brevets, refuse de rendre publiques.

[2Bertheau, Y. (2021a). « Advances in identifying GM plants. Current frame of the detection of transgenic GMOs« . In Developing smart-agrifood supply chains : using technology to improve safety and quality, L. Manning, ed. Burleigh Dodds Science Publishing, chapter 4.

[4Bertheau, Y. (2021b). « Advances in identifying GM plants. Toward the routine detection of « hidden » and « new » GMOs« . In Developing smart-agrifood supply chains : using technology to improve safety and quality, L. Manning, ed. Burleigh Dodds Science Publishing, chapter 22.

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