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Lettre ouverte à François Fillon

Par Inf'ogm

Publié le 16/04/2008

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Monsieur le Premier ministre [1],

Le 24 octobre 2007, ouvrant le Grenelle de l’environnement, vous

déclariez : « Solennellement devant vous, je m’engage à ce que toutes

les conclusions précises, concrètes et consensuelles soient mises en

œuvre. »

Le 25 octobre, l’ensemble des négociateurs, y compris les

représentants de la profession agricole et du gouvernement,

concluaient à l’unanimité sur l’« adoption d’une loi sur les

biotechnologies et les OGM avant la fin du printemps 2008 », reposant

notamment « sur les principes suivants : responsabilité ; principe de

précaution ; transparence et participation ; libre choix de produire

(règles de coexistence) et de consommer sans OGM ». Ce même jour

enfin, dans son discours de clôture, le président de la République

affirmait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt

actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes

sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous

avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des

OGM. »

Monsieur le Premier ministre, ces doutes ne sont pas nouveaux, y

compris dans la majorité présidentielle. Le contrat de législature

2007-2012 de l’UMP en faisait déjà état en recommandant de « ne pas

accepter l’utilisation des OGM en l’état des connaissances

scientifiques, mais poursuivre la recherche et associer tous les

partenaires (chercheurs, représentants des agriculteurs, associations

de défense de l’environnement…) à son contrôle et à son évaluation ».

Pourtant, le projet de loi que votre gouvernement va présenter,

aujourd’hui au Sénat en deuxième lecture, n’est conforme ni avec les

décisions du Grenelle, ni avec les doutes du président de la

République et les réserves de votre parti, ni avec votre engagement

solennel. Il légalise un risque de contamination par les OGM de

l’ensemble de l’agriculture française et ne protège pas la grande

majorité des agriculteurs qui veulent continuer à produire sans OGM. 

En prétendant organiser la coexistence entre les filières avec et

sans OGM, il condamne ainsi l’avenir de ces dernières, en particulier

les filières de qualité qui ont fait la renommée de notre agriculture.

De plus, vous avez promis d’affaiblir encore davantage ce texte en

faisant supprimer par le sénat l’amendement 252, le seul amendement

adopté par l’Assemblée nationale qui garantit de protéger « les

structures agricoles, les écosystèmes locaux et les filières de

production et commerciales qualifiées sans OGM ». De bon sens évident,

cet amendement répond à la demande d’une écrasante majorité de

Français. Vous semblez de votre côté vouloir le rejeter parce que son

auteur, André Chassaigne, est assis sur les bancs de l’opposition,

alors qu’il aurait tout aussi bien pu être adopté à l’initiative de

Louis Giscard d’Estaing, député UMP, qui avait proposé un amendement

similaire avant de le retirer à la demande de la commission des

Affaires économiques.

La politique a parfois ses raisons que la raison ignore, et qu’en

tout cas nous ignorons. Cependant, nous n’acceptons pas que des

logiques politiciennes viennent polluer l’intérêt général, la

protection de l’environnement et la sérénité des consommateurs. Nous,

signataires de cette lettre, défendons une agriculture de qualité,

biologique et d’appellation d’origine contrôlée, la compétitivité de

ce secteur d’exportation, une alimentation saine et de plaisir, une

gastronomie mondialement réputée, une biodiversité riche et

préservée, une science active et indépendante. Bref, face à des

risques inconnus et potentiellement graves, nous défendons la liberté

de produire et de consommer sans OGM.

Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, non seulement de

défendre au nom du gouvernement l’article 252, tout autant que

l’amendement 112 du député UMP Grosdidier, adopté à l’unanimité, mais

aussi d’en décliner les principes au cœur même des dispositions de la

loi, qu’il s’agisse du seuil de contamination, qui ne doit pas

dépasser le seuil de détectabilité (0,1 %), ou du régime de

responsabilité, qui doit effectivement et pleinement protéger les

victimes. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous vous demandons la

sagesse. La sagesse de ne pas engager un processus de contamination

irréversible de notre environnement et de la chaîne alimentaire. La

sagesse de vous en remettre au principe de précaution inscrit dans

notre Constitution. Votre responsabilité est immense. Nous serons

vigilants.

[1Publiée dans Libération, le mercredi 16 avril 2008 http://www.liberation.fr/rebonds/32…

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