Projet de loi et interdiction du MON810 : déshabiller Paul pour habiller Pierre ?
Début février, le gouvernement interdit le maïs Mon810, selon une procédure problématique (cf. Interdiction du Mon810 : rien n’est encore sûr…). Dans le même temps, un projet de loi plutôt favorable à la culture des OGM était examiné par le Sénat. Dans le numéro 90, nous évoquions les discordances du projet de loi vis-à-vis des engagements gouvernementaux à l’issue du Grenelle [1]. Lors du passage au Sénat du projet de loi, ce fossé s’est encore creusé. La loi paierait-elle le prix fort de l’interdiction du Mon810 ? Trois points significatifs sont à noter dans ce nouveau texte [2], qui sera examiné par l’Assemblée nationale début avril.
La coexistence fait une entrée remarquée
Auparavant absent du projet de loi, le mot “coexistence” est désormais inscrit dans le titre du chapitre II du projet. Et désormais les conditions techniques s’appliquent à la mise en culture mais aussi à la récolte, au transport et au stockage. Cependant les règles ont été atténuées. En effet, le projet gouvernemental fixait comme objectif d’“éviter la présence accidentelle” de PGM dans d’autres productions. Le Sénat instaure des règles pour le moins floues, et assigne aux distances d’isolement de “permettre que la dissémination entre les cultures soit inférieure au seuil défini par la réglementation communautaire”. Or, aucun seuil de coexistence n’a jamais été défini par l’UE. Le seuil d’étiquetage des aliments issus d’OGM (0,9%) n’est qu’un seuil d’information du consommateur, et selon les textes, il n’a pas vocation à devenir un objectif des mesures de coexistence. La seule disposition communautaire applicable en la matière permet à un Etat de prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle de PGM dans d’autres produits (en théorie 0%) [3]. La formulation adoptée par le Sénat est donc source d’insécurité juridique.
Enfin, sur les règles de responsabilité, il semble que la réparation partielle du préjudice issu d’une contamination ait satisfait les sénateurs. Pour rappel, la loi prévoit une responsabilité sans faute du seul cultivateur de PGM, pour une contamination d’une culture voisine supérieure à 0,9%. Le préjudice est basé sur la différence entre le prix de la culture non GM et le prix de la culture GM.
La Haute autorité réorganisée
La composition du comité scientifique est précisée. Composé de spécialistes du génie génétique, de protection de la santé, d’agronomie, d’environnement, de droit, d’économie et de sociologie, ce comité pourra émettre des avis. Le comité économique, éthique et social est remplacé par un “comité de la société civile” composé de représentants d’associations, d’organisations professionnelles, d’un membre du Conseil consultatif national de l’éthique et d’élus (des collectivités territoriales notamment). Mais ce comité ne pourra rendre que des recommandations, les avis étant l’apanage du comité scientifique. La voix de la société civile est donc considérablement amoindrie.
Le parcellaire contre la prison
En échange d’un registre parcellaire public (déjà présent dans le projet initial), le Sénat crée un délit de fauchage : entre deux ans de prison pour les cultures commerciales et trois ans pour les essais et dans les deux cas, 75 000 euro d’amende. Rappelons que le fauchage était déjà punissable sous la qualification pénale de destruction du bien d’autrui.
[3] art. 26bis, dir. 2001/18