Actualités
Des laboratoires européens réclament la traçabilité des OGM/NTG
Pouvoir détecter et identifier les OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique est une demande de plus en plus répétée. Après des associations, syndicats paysans, producteurs et transformateurs de filières bio ou sans-OGM ou encore la grande distribution, c’est au tour de laboratoires spécialisés dans les analyses de porter une telle demande. Alors que le législateur européen discute d’une éventuelle déréglementation complète de tels OGM, ces positions pourraient avoir de plus en plus de poids.
Alors que la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne discutent de la proposition de déréglementation d’un grand nombre d’OGM faite par la Commission en 2023, douze laboratoires allemands, polonais, espagnols, ukrainiens et français ont publié une lettrei réclamant l’obligation pour toute dissémination de fournir les méthodes et matériels nécessaires à la détection et identification des OGM obtenus par de nouvelles techniques.
Une indispensable traçabilité
Cette lettre ouverte s’adresse aux législateurs européens qui sont en train de discuter la déréglementation d’OGM ; déréglementation qui impliquerait notamment que les demandes d’autorisation de dissémination ne soient justement plus accompagnées de l’obligation de fournir les méthodes nécessaires à la détection et identification des OGM, contrairement à ce que prévoit la législation actuelle. Initiée par le laboratoire espagnol Imegen Agro, la lettre ouverte souligne l’inquiétude des douze laboratoires signatairesii sur le fait que « ni la proposition législative de la Commission européenne, ni la position du Parlement européen n’imposent des méthodes de détection pour les NTG de catégorie 1 ».
Impliqués dans des analyses OGM demandées par leurs clients, ces laboratoires seraient en effet dans l’impossibilité de répondre aux demandes de leurs clients qui suivent des cahier des charges excluant tout OGM. Des clients qui, précisent les laboratoires, ne sont pas que des filières bio ou non-OGM.
Dans l’hypothèse faite par les laboratoires que le législateur ne réponde pas à cette question, ils demandent qu’il leur permette au moins « de développer [leurs] propres méthodes. Ce qui nécessiterait l’obligation faite aux développeurs et producteurs (d’OGM) de catégorie 1 de fournir du matériel de référence et les informations quant aux modifications génétiques, leurs séquences et leurs localisation » dans le génome.
Pour ce qui est des OGM/NTG de catégorie 2, la Commission propose déjà de rendre obligatoire la fourniture de ces informations de manière à pouvoir les détecter et identifier. Elle prévoit néanmoins une exemption si les industriels arguent de l’impossibilité de fournir une telle méthode. Les douze laboratoires s’appuient sur la position du Parlement européen qui souhaite que le réseau européen de laboratoires sur les OGM soit saisi de manière à « conduire ses propres recherches et analyses pour confirmer une telle impossibilité. Dans de tels cas, la décision du réseau de laboratoires devrait alors être motivée et rendue publique ».
Une demande maintes fois répétée
Cette lettre ouverte de laboratoires spécialisés dans la détection et identification des OGM s’inscrit dans une suite de demandes répétées d’autres acteurs, associations, syndicats paysans, producteurs et transformateurs en filière bio ou non OGM, grande distributioniii, à ce que les outils permettant la traçabilité analytique des OGM / NTG soit obligatoirement fournis.
En mai et juin 2025 par exemple, de nombreuses organisations françaises et européennes ont porté une telle demande par le biais de lettres adressées au législateur européen. Avec ces lettres, elles ont souhaité demander publiquement aux législateurs français et européens de « ne pas supprimer les obligations et moyens d’étiquetage et de traçabilité des OGM obtenus par de nouvelles techniques »iv. L’enjeu est de taille selon ces organisations car, expliquent-elles, le maintien de telles obligations est le seul moyen de protéger semenciers et paysans de contamination ou de réclamation de droits de brevets sur le Vivant par les obtenteurs comme de garantir la liberté de choix des agriculteurs et des consommateurs.
Au niveau européen, alors même que la Commission européenne propose la fin de cette fourniture actuellement obligatoire des méthodes permettant de détecter et identifier les OGM / NTG, arguant de la soit-disant impossibilité de les différencier d’autres organismes pouvant apparaître naturellement, elle a décidé en décembre 2023 de financer deux programmes de recherche. Si ces deux programmes, Darwin et Detective, ambitionnent de développer des méthodes de détection et identification des OGM / NTG, le programme Detective est le fait d’acteurs pro-déréglementation à l’instar d’Euroseeds et de la Commission européenne elle-mêmev. La Commission affirme donc une impossibilité de détection et d’identification, mais finance et participe à des programmes de recherche visant à répondre à cette question. Pas simple à suivre…
i Enga, « European Laboratories Join Forces To Make Urgent Call To EU Policy Makers on New GMOs », 27 juin 2025.
ii Laboratoires signataires : FoodChain ID Testing GmbH, Cotecna Ukraine Limited GmbH, CARSO – Laboratoire Santé Environnement Hygiène de Lyon (LSEHL), SGS Analytics Germany GmbH, Gen-IAL GmbH, NSF Erdmann Analytics GmbH, J.S. Hamilton Poland Sp. z o.o., SAN Group Biotech Germany GmbH, Impetus GmbH & Co. Bioscience KG, Imegen Agro – Health in Code S.L., AGQ Labs International SL, AGROLAB Ibérica S.L.U.
Parmi les signataires se trouve le laboratoire français CARSO – Laboratoire Santé Environnement Hygiène de Lyon (LSEHL). Ce laboratoire est accrédité pour des analyses diverses en agroalimentaire, environnement ou encore produits chimiques et biologiques et équipements médicaux.
iii Eric Meunier, « La grande distribution veut la réglementation des OGM/NTG », Inf’OGM, 26 mars 2024.
iv Eric Meunier, « Détection et identification des OGM encore et toujours réclamées », Inf’OGM, 17 juin 2025.
v Eric Meunier, « Traçabilité des OGM/NTG : deux programmes de recherche concurrents », Inf’OGM, 19 mars 2024.


