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Le « non aux OGM/NTG » des transformateurs de produits biologiques européens
L’organisation des entreprises européennes de transformation et de vente des produits biologiques (OPTA) rejette les OGM/NTG tout en posant des conditions à leur éventuelle adoption.
Début septembre, un nouvel acteur a pris position contre la proposition de la Commission européenne de dérèglementer les « nouveaux OGM », qu’elle a rebaptisés NTG : l’Opta (Organic Processing and Trade Association), l’organisation européenne qui représente les intérêts des entreprises de transformation et de commerce de produits biologiques [1].
L’OPTA affirme que les OGM/NTG sont incompatibles avec les principes de l’agriculture biologique et la perception que les consommateurs ont des produits biologiques. Elle considère que l’autorisation des OGM/NTG menace les entreprises biologiques de l’Union européenne (UE) [2].
L’engagement historique de la « bio » face aux OGM
L’agriculture biologique se fonde sur des concepts forts, dont l’utilisation d’engrais naturels et le respect des écosystèmes. Elle impose également des normes strictes, des certifications biologiques et refuse, en outre, l’emploi d’OGM. Les OGM/NTG (ou « nouveaux OGM ») étant, comme leur prédécesseurs, issus de modifications génétiques, les défenseurs de l’agriculture biologique estiment que ceux-ci ne sont pas compatibles avec ses fondements [3].
L’industrie semencière adopte une vision différente. Elle développe même un discours – ainsi que qu’une novlangue associée – louant les vertus « agroécologiques » de ces « nouveaux OGM » [4]. Elle avance notamment, de manière trompeuse, l’argument selon lequel les OGM/NTG (Crispr/Cas9, TALEN,…) permettent de produire des organismes comme le ferait la nature, mais beaucoup plus rapidement que cette dernière. Un autre argument « agroécologique » mis en exergue par l’industrie est que ces OGM/NGT permettraient une réduction des intrants chimiques et de la consommation d’eau. On peut légitimement se questionner sur ce type de promesses, celles – très semblables – concernant les OGM transgéniques n’ayant pas été tenues [5].
Cette forme d’intrusion sémantique, voire idéologique, de l’agro-industrie dans le concept d’agroécologie est pour le moins arrogante. Elle vise clairement l’admission des OGM/NTG dans l’agriculture biologique au mépris total des principes de fondamentaux de cette filière, tels que l’absence d’intrants chimiques et la priorité donnée à la biodiversité.
Pour contrer cette stratégie industrielle, les entreprises de transformation et de commerce de produits biologiques de l’Union européenne appellent donc à la vigilance et à l’action, par l’intermédiaire de leur représentant officiel, l’Opta.
Les OGM/NTG, un risque pour la chaîne d’approvisionnement biologique
Concrètement, l’Opta demande l’application de règles strictes pour assurer la traçabilité, l’étiquetage et la protection des opérateurs biologiques pour tous les OGM/NTG. Ceci constituerait une garantie que les produits biologiques restent exempts de produits issus des NTG et que les consommateurs aient une visibilité claire sur l’origine des produits. Elle plaide également pour la mise en place de règles de coexistence entre les différentes agricultures. Ainsi, elle demande que soit mis en place « un mécanisme qui fasse supporter aux fabricants d’OGM/NTG les coûts supplémentaires liés à la prévention et la surveillance de la chaîne d’approvisionnement biologique ». Dans la même logique, l’association demande une compensation pour les opérateurs biologiques en cas de dommage causé par la présence de matériel OGM/NTG. La proposition, rappelons-le, ne prévoit plus aucune règle de coexistence ou de réparation des dommages en cas de contamination.
Le débat autour de l’impact des OGM/NTG sur l’agriculture biologique n’est pas encore clos au niveau de l’UE mais l’inquiétude demeure au sein de cette filière encore fragile, puisqu’elle n’occupe aujourd’hui que 9,9 % des terres cultivées [6].
La filière française également en alerte
Dans un communiqué de presse du 5 juillet 2023, plusieurs structures, dont le Synabio, la FNAB, Bio Consom’acteurs, La Maison de la Bio, avaient alerté sur les dangers pour la production biologique de la suppression de la traçabilité et de l’étiquetage des « nouveaux OGM » issus des NTG [7]. Elles appellent les pouvoirs publics français à :
« – Rendre obligatoire la traçabilité et l’étiquetage des [OGM/]NTG, au même titre que les autres OGM
Maintenir l’interdiction d’utiliser des OGM en bio, y compris les [OGM/]NTG, conformément aux principes du règlement bio européen
Supprimer pour les [OGM/]NTG les allégations « durables » qui sont trompeuses pour les consommateurs
Maintenir l’évaluation des risques des [OGM/]NTG
Maintenir la publication d’une méthode de détection des [OGM/]NTG
Garantir la disponibilité de l’information sans surcoût pour les opérateurs bio
Introduire des mesures de coexistence efficaces qui n’incombent pas au secteur biologique, notamment un fond d’indemnisation en cas de contaminations par les sociétés de biotechnologie
Financer l’innovation pour permettre ainsi de développer l’agriculture et les denrées biologiques ».
[1] L’Opta compte une trentaine de membres officiels issus de onze pays de l’Union européenne, dont la France, ainsi que la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis.
[2] OPTA Europe , « OPTA Europe’s contribution to public consultation on legislation for plants products by certain new genomic techniques », 6 septembre 2023.
[3] , « Agricultures transgénique et bio : une incompatibilité de fond », Inf’OGM, 27 septembre 2013.
, « OGM (anciens ou nouveaux) en bio : c’est toujours non ! », Inf’OGM, 21 décembre 2017.
[4] , « Le CTPS veut croire aux promesses des « nouveaux OGM » », Inf’OGM, 2 février 2023.
[5] , « OGM, l’économie de la promesse et du fantasme », Inf’OGM, 13 octobre 2022.
[6] « En Europe, l’agriculture biologique occupe 9,9 % des terres cultivées », Toute l’Europe, 7 juillet 2023.
[7] « Nouveaux OGM : la bio en danger », Forebio, 1er août 2023.