Actualités
OGM et semences : les réponses de Anne Hidalgo (Parti socialiste)
Si vous êtes présidente, quelle sera votre politique en matière d’OGM ? La Commission européenne souhaite exclure certains OGM des requis de la loi actuelle (étiquetage notamment). Comment vous situez-vous dans ce débat en cours ?
Notre projet définit une politique agricole et alimentaire dont l’agroécologie est l’un des piliers. Si la recherche & développement agronomique demeure un levier essentiel pour accélérer notre transition agricole, les OGM posent des questions éthiques, sociales, économiques et environnementales d’envergure, qui ne doivent pas être occultées. L’essentiel des OGM existants comme les nouveaux OGM sont des plantes résistantes à certains herbicides. Ma priorité va à l’agroécologie et à la réduction des pesticides ce qui est incompatible avec les OGM. (Leur large diffusion en France constituerait par ailleurs un risque pour notre souveraineté alimentaire. Pour toutes ces raisons, la politique d’agroécologie que nous défendons ne peut logiquement reposer en priorité sur les OGM.)
Le cadre européen actuellement en vigueur doit rester une norme générale et un “plancher” sur l’ensemble des OGM. La recherche de nouvelles variétés peut très bien continuer de s’appuyer sur des techniques génétiques de pointe. Cependant, pour les espèces cultivées en extérieur, les principes de la réglementation sur les OGM (principe de précaution, traçabilité/étiquetage pour le consommateur, transparence sur les modifications génétiques) devront également s’appliquer pour couvrir l’ensemble des modifications génétiques.
Nous accordons enfin une grande importance à l’éducation à l’alimentation et à l’information du consommateur. Le débat sur les OGM est moins vif aujourd’hui qu’il y a quelques années, mais des problématiques d’importance se posent toujours. Un effort de pédagogie est nécessaire auprès du public, et en concertation avec l’ensemble de la chaîne alimentaire, sur ces sujets complexes, sur les règles encadrant la culture, l’utilisation et la vente de produits OGM.
La France a adopté un moratoire sur la culture des maïs transgéniques. Cependant, des plantes OGM, issues de la mutagénèse sur cellules isolées cultivées in vitro sont cultivées sur le territoire français (colza Clearfield, et tournesol Clearfield+, par exemple). À la suite de l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’État a jugé que la mutagénèse aléatoire in vitro donnait des OGM à réglementer selon la directive 2001/18. Allez-vous donc étendre le moratoire sur les maïs transgéniques à l’ensemble des OGM ?
Comme évoqué plus haut, le cadre européen est un cadre minimal et général. Nous suivrons avec attention, notamment pendant les premiers mois du mandat – qui seront aussi les derniers de la présidence française de l’Union européenne -, les discussions à Bruxelles sur les suites à donner à l’arrêt de la CJUE et à la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État.
La Commission a annoncé un nouveau cadre spécifique aux plantes issues de la mutagénèse, il nous semble indispensable que ce cadre reprenne les mêmes bases que celles du règlement OGM : principe de précaution, traçabilité/étiquetage pour le consommateur, transparence sur les modifications génétiques.
La France importe plus de quatre millions de tonnes de soja transgénique, cultivé notamment au Brésil, pour nourrir son bétail. Que pensez-vous de cette situation ? Allez-vous exiger l’étiquetage de tous les produits issus d’animaux nourris aux OGM ?
La France et l’UE prennent un risque pour leur souveraineté alimentaire en restant largement dépendantes des importations de protéines végétales issues de l’étranger, et plus particulièrement lorsqu’elles viennent de cultures transgéniques.
Le grand plan de développement des protéines végétales que nous proposons, en parallèle avec l’imposition de mesures miroirs dans les accords commerciaux, permettra à la fois d’augmenter l’autonomie agricole et alimentaire de l’Europe et de diminuer, mécaniquement et de façon importante, la proportion de produits issus d’animaux nourris aux OGM.
Les semences paysannes ne sont toujours pas réellement encouragées. Elles sont pourtant un outil pour augmenter la résilience des cultures dans le cadre du changement climatique et autres phénomènes environnementaux. Souhaitez-vous leur développement ? Si oui, que proposez-vous pour cela ?
Il faut se réjouir du fait que le nouveau règlement européen sur l’agriculture bio, voté en 2018, permette à présent aux agriculteurs bio de vendre leurs semences, mais nous devons aller plus loin, en encourageant cette pratique.
Notre projet pour l’agriculture prévoit ainsi le triplement des moyens nationaux de formation et d’accompagnement des agriculteurs, notamment pour la conversion et la résilience des exploitations.
Actuellement se déploie l’idée d’une agriculture 2.0, basée sur la robotique, la numérisation (big data), la génétique. Faut-il encourager le développement de cette agriculture ou au contraire revenir à une vision plus paysanne de l’agriculture ?
L’innovation technique et technologique est une composante de notre avenir agricole, mais elle ne doit pas devenir un passage obligé pour tous les exploitants, ni un prétexte pour ne pas opérer une transition agroécologique. Nous serons particulièrement vigilants, dans ce domaine, au bilan carbone des nouvelles technologies proposées, et à leur impact sur nos écosystèmes.
Est-il acceptable de pouvoir déposer des brevets sur des organismes vivants ? Dans le cas de l’agriculture et de l’alimentation, ne voyez-vous pas une contradiction avec l’autonomie alimentaire et l’indépendance des paysans ?
En règle générale, nous considérons que le vivant est un bien commun, auquel l’accès ne peut être perpétuellement contrôlé, en tout cas pas par des multinationales. Nous défendons donc une réglementation juste sur les brevets, afin de garantir à la fois le développement de l’agroécologie, des exploitations à taille humaine et de notre souveraineté alimentaire.