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Une consultation pour modifier l’évaluation des OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 06/08/2021

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Du 2 au 23 août 2021, le ministère de la Transition écologique organise une consultation publique [1] sur Internet. Celle-ci concerne un projet d’ordonnance sur les procédures d’évaluation des OGM en milieu confiné et sur les modalités d’évaluation des OGM et des biotechnologies, jusqu’alors dévolues au Haut Conseil des biotechnologies (HCB).

Le ministère a soumis à consultation publique pendant le mois d’août un projet d’ordonnance qui vise à simplifier l’utilisation d’OGM en milieu confiné et à transférer les prérogatives du Haut Conseil des biotechnologies à différentes instances comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)…

Réduire l’évaluation des OGM en milieu confiné

L’ordonnance visée par cette consultation a été prise en application de la loi adoptée fin décembre 2020 concernant la programmation de la recherche pour les dix prochaines années [2]. Inf’OGM décrivait alors cette loi comme une nouvelle étape dans l’artificialisation du vivant, avec l’utilisation accrue des biotechnologies et de la numérisation, notamment en agriculture et en médecine.

C’est donc sans surprise que ce projet d’ordonnance vise à simplifier ou à supprimer les procédures relatives à l’utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés de risque nul ou négligeable, permise par l’article 44 de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

Tout d’abord, cette notion de « risque nul ou négligeable » n’est pas définie et reste, lorsque les procédures sont supprimées, à la discrétion des responsables du projet de modification génétique. La décision est donc déléguée à une autorité administrative au lieu d’une autorité politique.

Actuellement le code de l’Environnement précise que « l’utilisation peut n’être soumise qu’à déclaration si elle présente un risque nul ou négligeable pour l’environnement et la santé publique ou si, présentant un risque faible, elle s’effectue dans une installation déjà agréée pour une utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés de même classe de risque ou d’une classe supérieure ». Pour le ministère, cette « déclaration systématique » pour toute utilisation confinée d’OGM de risque nul ou négligeable (nécessitant un confinement de classe 1) était une sur-transposition de la directive. L’ordonnance vise donc à supprimer cette simple déclaration pour laisser un accord par défaut, sous réserve que l’installation ait déjà pratiqué de tels usages.

Cette ordonnance évoque quatre éléments concernant le milieu confiné. Premièrement, elle « prévoit, au plus près de la directive, qu’une utilisation confinée de classe 1 peut être entreprise sans nouvelle déclaration, si elle est réalisée dans une installation où une utilisation confinée de classe 1 ou supérieure a déjà été mise en œuvre et à la condition qu’une évaluation de risques pour chaque utilisation soit tenue à la disposition de l’autorité compétente ». Ce seront donc les installations qui recevront un agrément et non plus l’utilisation en tant que telle.

Deuxièmement, l’ordonnance « introduit néanmoins une dérogation à cette simplification pour le cas des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) faisant intervenir des médicaments composés en tout ou partie d’OGM (médicament de thérapie génique, vaccin). Les ministères concernés ont unanimement reconnu qu’il était nécessaire de garder une vision d’ensemble sur les dossiers d’essais cliniques impliquant des OGM ». Troisièmement, elle supprime une taxe sur les dépôts de demandes d’agrément d’utilisation confinée d’OGM, qui n’a jamais été recouvrée depuis 2008. Quatrièmement, ce projet d’ordonnance envisage une possibilité de dérogation aux procédures d’évaluation en cas d’urgence sanitaire ou environnementale, procédure qui a été adoptée au niveau européen pour les vaccins OGM contre la Covid-19.

Le HCB va disparaître

L’ordonnance permet aussi au Gouvernement de redéfinir les modalités selon lesquelles l’évaluation des risques liés à la dissémination d’OGM en milieu ouvert ou confiné est réalisée. Cela concerne le HCB. Le ministère précise dans l’introduction de sa consultation que pour lui le HCB a montré des dysfonctionnements.

Concrètement « l’ordonnance prévoit (…) le transfert des missions du HCB vers différentes instances désignées. L’expertise scientifique actuellement menée par le Comité Scientifique du HCB est transférée à l’Anses, en ce qui concerne les utilisations disséminées, et à un comité d’experts placé auprès du Mesri [3] et dont la composition et les missions seront définies par décret, pour avis sur les dossiers relatifs à une utilisation confinée. Les missions actuelles du Comité économique, éthique et social seront assurées par l’Anses, le Conseil Économique Social et Environnemental (Cese) et le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). L’Anses fournira une expertise socio-économique grâce à un comité d’experts qui sera mis en place, le Cese pourra être saisi sur toute question sociétale relative aux biotechnologies, et enfin, le CCNE sera en charge des questions éthiques.

Un comité de dialogue sera également mis en place à l’Anses, qui possède une grande expérience en matière d’ouverture et de dialogue avec la société sur des sujets controversés. Ce comité n’aura pas pour vocation de produire des recommandations en son nom, mais les échanges et débats qui auront lieu en son sein permettront de contribuer à la robustesse et la recevabilité des travaux scientifiques menés
 ».

L’Anses sera donc l’instance principale pour l’évaluation des OGM et sera seule à s’intéresser aux aspects scientifiques (dont les risques). Les aspects socio-économiques seront aussi entre ses mains mais pourraient être complétés par deux autres instances, le Cese et le CCNE.

Ceci implique concrètement que la question des OGM ne se sera plus traitée par une seule instance, ce qui risque de créer une plus grande cacophonie… Mais plus fondamentalement cette évolution implique la mort d’un comité extrêmement original qui était le Comité économique, éthique et social (CEES), habilité à formuler des recommandations et non uniquement à être « consulté » comme cela est désormais prévu au sein des comités de dialogue civil de l’Anses. Le CEES était le lieu de débat entre tous les acteurs économiques et les organisations paysannes et de la société civiles impliqués sur le dossier OGM ; et pas que d’experts académiques en sociologie, en nutrition ou en éthique. En 2012, Jean-François Dhainaut, Président du HCB, précisait qu’« il ressort de ce bilan l’intérêt démocratique ou sociétal d’une instance alliant évaluation des risques, évaluation des bénéfices et débat de parties prenantes ». Les paysans et les simples citoyens sont des parties prenantes, mais pas des parties académiques. Elles ne seront donc pas parties aux débats, mais niées.

Le CEES apportait un éclairage socio-économique directement issu des organisations impliquées par le développement des OGM et des biotechnologies. Lieu de débat, souvent âpre mais toujours pertinent, le CEES visait à faire émerger et à informer les décideurs sur les point de consensus et de rupture au sein des acteurs économiques et de la société civile. En 2016, huit organisations membres du CEES démissionnaient suite à un putsch du Comité scientifique. Le manque de respect du règlement intérieur du HCB et du Code de l’environnement avait mis le feu aux poudres [4]. Ces démissions visaient non pas à mettre fin au CEES mais, au contraire, cherchaient à montrer l’importance d’une telle instance dans un débat complexe et la nécessité d’une refonte totale de la gouvernance du HCB. C’est pourquoi la plupart des organisations démissionnaires sont revenues au CEES en 2020 suite à l’arrêt du Conseil d’État leur ayant donné raison au sujet de l’application de la réglementation aux OGM issus de mutagenèse dirigée et de mutagenèse aléatoire appliquée sur des cellules végétales cultivées in vitro. Le CEES a émis une recommandation reconnaissant la conformité de cet arrêt à la directive européenne OGM. Cela a constitué la recommandation « de trop  » pour les défenseurs des OGM, ce qui les a motivés à déclencher la condamnation à mort du HCB par l’adoption, quelques mois plus tard, d’un cavalier législatif introduit discrètement par le gouvernement dans une loi sur la programmation de la recherche.

Une consultation discrète

Organiser une consultation au mois d’août est une excellente façon de la rendre invisible. En outre, la période actuelle, du fait de la pandémie et des débats qu’elle engendre avec le pass sanitaire, n’est pas non plus propice à un débat. Le gouvernement a publié cette consultation sur son site mais aucun média, à l’heure actuelle, n’en a parlé. Cette consultation est donc de pure forme et permet juste de remplir des obligations légales d’information du public. Elle ne permettra pas d’obtenir un texte pouvant revendiquer un consentement éclairé des citoyens.

Dans un communiqué de presse, en date du 23 août 2021, la Confédération paysanne écrit : « La Confédération paysanne ne saurait cautionner une telle pantalonnade en participant à ce semblant de consultation. Elle s’est déjà largement exprimée sur ce sujet. Le gouvernement connaît son point de vue et a déjà décidé de ne pas en tenir compte. (…) En supprimant la participation des organisations paysannes et de la société civile au bénéfice d’un examen par quelques experts de documents confidentiels fournis par l’industrie agrémenté de consultations purement formelles (…), le gouvernement met définitivement fin à ses obligations de participation du public à la prise de décision et au respect du principe constitutionnel de précaution dans le but avoué de préparer une dissémination massive d’OGM non étiquetés. La dissolution du HCB ne lui permettra pas pour autant de dissoudre l’opposition des paysan·ne·s, des consommateurs·trices et des citoyen·ne·s qui ne veulent pas d’OGM, ni de supprimer la loi qui garantit leur liberté de choisir de produire et de consommer sans OGM« .

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