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Argentine : le premier animal OGM 2.0 bientôt commercialisé

Par Christophe NOISETTE

Publié le 20/12/2018

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L’entreprise AquaBounty a annoncé le 18 décembre 2018 que la Commission nationale de conseil pour la biotechnologie agricole (Conabia) en Argentine a exempté d’autorisation un tilapia génétiquement modifié (FLT 01), un poisson d’élevage très consommé mondialement. Ce tilapia est considéré comme « non OGM » malgré une altération de son génome réalisée en laboratoire.

AquaBounty [1] – l’entreprise qui a mis au point le saumon transgénique à croissance rapide – a argumenté que le tilapia [2] (voir encadré ci-dessous) génétiquement modifié [3] permettra « une production plus durable » : leur productivité sera améliorée, notamment car il consommera moins d’aliments que les races conventionnelles pour une production plus conséquente. Selon les données de l’entreprise, qui n’ont pas été soumises à une analyse critique ou publiées dans une revue scientifique, ce tilapia « montre une amélioration significative du rendement en filets de 70 %, une amélioration du taux de croissance de 16 % ainsi qu’une amélioration du taux de conversion des aliments de 14 %  ». Ces données, en l’absence du détail des calculs, sont-elles fiables ? On sait depuis longtemps que les résultats obtenus en station ne sont pas extrapolables en conditions réelles d’élevage… Et la question de la dissémination du tilapia GM dans l’environnement se pose également : les grands enclos d’élevage sont parfois installés en pleine mer et les tempêtes, à l’heure du changement climatique, risquent d’augmenter en fréquence et en intensité.

L’Argentine considère que ces tilapias n’ont pas à être régulés car ils ne contiennent aucun ADN étranger ni une nouvelle combinaison de matériel génétique [4]. Concrètement, cela signifie qu’aucune évaluation environnementale, sanitaire ou socio-économique n’a été réalisée alors que de nombreux scientifiques ont montré que ces nouvelles modifications génétiques présentaient, elles aussi, à l’instar de la transgenèse, des effets hors-cibles : ces modifications sont tout sauf anodines.

L’Union européenne, depuis l’arrêt du 25 juillet, considère au contraire que les nouvelles techniques de modification génétique donnent des OGM. Il faudra donc que ce tilapia soit étiqueté « OGM » s’il venait à être exporté vers l’Europe… Le hiatus entre les réglementations pourrait vite devenir un sacré casse-tête pour les douanes.

AquaBounty a mis presque 20 ans à obtenir le feu vert de l’administration étasunienne et canadienne. On comprend leur joie de voir ce tilapia être exempté d’autorisation… Une aubaine pour contourner aussi l’opposition internationale des consommateurs aux animaux OGM. 

Le tilapia, un poisson très prisé


Le tilapia est le deuxième poisson d’élevage le plus consommé au monde, après la carpe… Il a détrôné récemment le saumon… En 2010, les étasuniens ont consommé 215 000 tonnes de tilapias, d’après le site ConsoGlobe [5]. Ce poisson a besoin d’une température minimale de 15°C mais idéalement les bassins doivent être chauffés entre 28 et 32°C. La production de tilapias s’est emballée dernièrement : 400 000 tonnes en 1990, et 1,8 millions de tonnes en 2004 dans le monde. En 2009 ce poisson est élevé dans plus de 75 pays, avec en tête la Chine, la Thaïlande, les Philippines, l’Indonésie, Taïwan, l’Égypte, la Colombie, Cuba, le Mexique et Israël. Si ce sont surtout les pays chauds qui produisent le tilapia, des fermes aquacoles aux eaux chauffées se développent de plus en plus dans les pays du Nord.

[1Une des entreprises de la constellation Intrexon, voir : Christophe NOISETTE, « Intrexon, l’entreprise qui modifie tout le vivant », Inf’OGM, 23 août 2017

[3L’entreprise et la Conabia n’ont pas encore répondu à Inf’OGM sur la nature de la modification.

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