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OGM – Lettre ouverte aux cultivateurs de colza VrTH
La Confédération paysanne a envoyé une lettre ouverte à ses « collègues producteurs de colza » afin de les « mettre en garde contre les variétés de colza Clearfield », variétés issues de manipulation génétique pour les rendre tolérantes à un herbicide (VrTH). Le syndicat rappelle que la Cour européenne de Justice a déclaré que ces colzas VrTH étaient des OGM et il estime qu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’exemption, qui est réservée aux techniques de mutagénèse mises au point avant 2001.
Prévue entre la mi-août et début septembre, l’heure des semis de colza en France se rapproche… Quelles variétés seront semées cette année ?
La Confédération paysanne a envoyé une lettre ouverte à ses « collègues producteurs de colza » afin de les « mettre en garde contre les variétés de colza Clearfield [1] ».
Le syndicat paysan rappelle que ces variétés ont été brevetées par BASF, et rendues tolérantes à un herbicide (VrTH) « par mutagénèse et autres techniques complexes ». À ce titre, explique-t-il, la Cour européenne de justice a tranché le 25 juillet 2018 [2] : ces variétés sont des OGM, et selon le syndicat, elles ne peuvent bénéficier de l’exemption, cette dernière étant réservée aux techniques de mutagénèse mises au point avant 2001. En effet, l’exemption prévue par la loi européenne est réservée aux organismes issus de techniques qui « ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et si leur sécurité est avérée depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas des colzas Clearfield qui doivent eux respecter la réglementation OGM européenne, donc être évalués et étiquetés OGM ». La Confédération paysanne expliquait au printemps 2018 que ces colzas Clearfield ont été modifiés génétiquement par mutagénèse et par « multiplication in vitro de cellules de pollen ». Si la première technique, la mutagénèse, est exemptée des obligations de la directive européenne, ce n’est pas le cas de la multiplication in vitro de cellules de pollen, car cette étape de multiplication cellulaire in vitro « modifie génétiquement le colza » d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication ou recombinaison naturelle » ». En effet, précisaient le syndicat et d’autres organisations dans un communiqué de presse commun, « aucun clone de colza privé de toute hérédité femelle [ne peut exister] naturellement ». [3].
Fort de ce raisonnement détaillé et précis, la Confédération paysanne le dit clairement : « si vous aviez décidé de semer une de ces variétés, vous sèmeriez des OGM et ceci même si votre fournisseur vous affirme qu’elles ont été obtenues par des techniques classiques. Nous vous conseillons donc d’opter pour une variété conventionnelle ».
En effet, annonce le syndicat, utiliser de telles semences Clearfield « pourrait être grave de conséquences pour vous ». La première sera la difficulté à valoriser la récolte qui devra être étiquetée OGM car les consommateurs n’en veulent pas. Les produits destinés à l’alimentation humaine étiquetés OGM ont disparu rapidement des étals. La seconde, c’est la responsabilité juridique et financière en cas de contamination avérée de cultures voisines ou de récoltes non OGM. Or le colza est une plante qui se dissémine facilement et qui, en France, a de nombreuses cousines sexuellement compatibles. Les repousses de colza VrTH pourraient vite devenir un problème agronomique majeur comme le sont les nombreuses plantes adventices devenues résistantes à un ou plusieurs herbicides. Des milliers d’hectares sont envahis par ces plantes résistantes aux États-Unis et en Argentine, du fait des OGM transgéniques et mutés tolérant un ou plusieurs herbicides qui ont permis l’utilisation massive d’herbicides. En Europe et dans le Monde, rappelle la lettre, « plus de 140 adventices de familles botaniques différentes sont déjà devenues résistantes à des herbicides « inhibiteurs de l’ALS » comme l’imazamox ». Le syndicat met ainsi en garde les agriculteurs : il ne sera plus possible de « détruire les repousses des colzas VrTH dans vos parcelles de céréales en utilisant les herbicides de cette famille des inhibiteurs de l’ALS, pourtant fréquemment employés sur blé, orge, etc. Globalement au niveau de votre système de cultures, vous devrez probablement revenir à des applications plus nombreuses avec des produits souvent plus toxiques que les inhibiteurs de l’ALS. L’usage de variétés rendues résistantes à des herbicides est donc une solution qui ne répond pas aux demandes sociétales de réduction de l’usage des herbicides ».
BASF dénonce une opération d’intimidation
Dans un communiqué de presse publié le 7 août 2018, BASF a qualifié la lettre ouverte de la Confédération paysanne d’« opération d’intimidation des agriculteurs » qui « doit cesser ». L’entreprise agro-chimique considère en effet que « les solutions Clearfield utilisent des techniques de mutagénèse exemptées de la réglementation OGM ». Pour l’entreprise allemande, qui est en train de racheter des pans entiers de Bayer afin que cette dernière puisse fusionner avec Monsanto, la mutagénèse qu’elle utilise fait partie de « celles qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». BASF demande alors au syndicat « de cesser de soutenir les faucheurs volontaires et d’exclure ses membres qui mènent des actions de destruction ».
Faut-il croire BASF sur parole ou faut-il qu’une analyse détaillée du procédé d’obtention des colzas Clearfield soit réalisée par une instance indépendante et neutre pour déterminer la nature exacte de la mutagénèse utilisée ?
La Coordination rurale demande aussi des clarifications
Dans une lettre ouverte [4] aux ministres de l’Agriculture et de l’Écologie, le troisième syndicat agricole français, la Coordination rurale, demande « de clarifier immédiatement le statut des variétés issues de la mutagénèse et notamment celles de colza Clearfield pour lesquelles il y a urgence ». En effet, les semis de colza sont imminents et la Coordination rurale souhaite que ses membres puissent prendre des décisions en connaissance de cause. La possible « requalification » des colzas Clearfields en colza OGM « fait peser sur les agriculteurs semant ces variétés le risque de très lourdes contraintes juridiques et commerciales ». Cette demande fait suite à l’arrêt de la CJUE qui précise que les nouvelles mutagénèses donnent des OGM soumis aux exigences réglementaires et que les États membres « ont la possibilité de faire passer les variétés mutées préexistantes à la directive de 2001 dans son champ d’application ». La CR a aussi demandé aux deux ministres leurs intentions à ce sujet. Dernier point de la lettre de la Coordination rurale, le sort des « variétés mutées utilisées en agriculture biologique, par exemple celui de la variété Renan, variété de blé la plus cultivée en AB et dont l’inscription au catalogue officiel a été prolongée jusqu’à 2023 ».
[1] Liste des variétés de colza Clearfield commercialisées en 2018 : Conrad CL (Advanta), Imaret CL, Imperial CL et Impressario CL (Dekalb), ES Angel, ES Aquarel CL, ES Curiel et ES Decibel CL (Euralis), Etendar CL (Caussade Semences), Veritas CL et Duplex CL (DSV)
[2] , « Europe – Les nouveaux OGM sont des OGM comme les autres », Inf’OGM, 25 juillet 2018
[3] , « BASF accusée de commercialiser illégalement des OGM », Inf’OGM, 25 juin 2018