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Micropep : OGM ou pas OGM ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 20/03/2018

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Le 21 septembre 2017, le CNRS annonçait que MicroPEP Technologies, entreprise créée par des chercheurs du CNRS, entendait commercialiser des « biostimulants et des herbicides à partir de [mini protéines produites] naturellement par les plantes » [1]. Inf’OGM s’est plongé dans la lecture de certains brevets attachés à ce travail pour essayer de comprendre cette invention.

En septembre 2016, Inf’OGM rapportait que trois entreprises, Monsanto, Syngenta et Bayer, investissaient des millions de dollars dans le développement de « sprays » contenant des ARN pouvant, par exemple, jouer le rôle d’insecticide [2]. Ces pulvérisations d’ARN présentent l’avantage non négligeable pour les entreprises de ne pas être classées OGM étant donné que la plante n’a pas été génétiquement modifiée. La technique développée en France par l’entreprise MicroPEP technologies suit cette logique.

Des mini-protéines et microARN régulent la production… d’ARN !

Dans toute cellule végétale ou animale (on parle de cellule eucaryote), les ARN sont des molécules qui interviennent dans la production de protéines [3]. Mais ces molécules d’ARN remplissent également un rôle de régulation dans une cellule. Selon leur quantité, ils peuvent par exemple induire ou réprimer la production de telle ou telle protéine. Un rôle que certaines petites protéines peuvent également remplir. Un des brevets déposés sur l’innovation de MicroPep Technologies [4] explique que ces mini-protéines sont capables d’agir sur la quantité de petits ARN les codant et présents dans la cellule. Ce brevet ne renseigne pas précisément l’éventuel rôle de ces mini-protéines dans une cellule et encore moins la manière dont elle régule la quantité d’ARN. Ceci dit, précisons qu’il ne s’agit pas de modifier une séquence génétique du génome des plantes à proprement parler.

Les chercheurs du laboratoire de recherche en sciences végétales du CNRS à Toulouse ont observé « que des petites protéines (peptides) produites naturellement par les plantes, baptisées miPEPs, ont un effet de régulation sur l’expression de certains gènes qui stimulent ou au contraire inhibent leur croissance ». Une observation décrite comme « surprenante et inattendue » [5]. Mais, cette surprise n’empêche pas les chercheurs et leurs instituts d’envisager « appliquer de l’extérieur des miPEPs sur les plantes pour [ndlr, par exemple] moduler leur développement ». Appliquer de l’extérieur, mais comment ?

Des plantes aspergées ou modifiées génétiquement ?

La procédure utilisée pour que le micropeptide se retrouve dans une cellule est importante. En effet, si une plante a été artificiellement modifiée génétiquement pour exprimer un micropeptide, cette plante sera considérée comme un OGM. Mais si le micropeptide est apporté directement à la plante, de « l’extérieur », on ne sera plus en présence d’OGM, les micropeptides ne modifiant pas la séquence du génome de plantes.

Le brevet FR1360727A [6] [7], intitulé « Micropeptides et leur utilisation pour moduler l’expression de gènes », porte notamment sur la possibilité de conférer à des plantes des « résistances à différents stress, qu’ils soient de nature thermique, hydrique ou chimique  », d’inhiber ou augmenter la croissance de ces plantes, d’agir comme herbicide ou comme insecticide, arachnicide, limacide, ou rodonticide… ! Ce brevet ne renseigne pas directement comment se fait cet apport extérieur de micropeptide. On comprend néanmoins qu’il peut se faire de deux manières différentes : soit en modifiant génétiquement une plante pour insérer une séquence codant le micropeptide (transgène ou cisgène selon la construction génétique insérée comme vecteur), soit en pulvérisant ce micropeptide sur la plante. Ce brevet évoque concrètement la possibilité de traiter des plantes par « arrosage des feuilles par pulvérisations avec les peptides », peptides synthétisés par deux entreprises, Eurogentec ou Smartox-Biotech.

Un second brevet, le brevet WO2015185861A1 intitulé « utilisation de micropeptides pour favoriser la croissance des plantes  [8] [9], est plus informatif. Dans ses revendications, on peut lire que le micropeptide est introduit dans la plante « par voie externe de préférence par arrosage, par pulvérisation ou par l’ajout d’un engrais, d’un terreau, d’un substrat de culture ou d’un support en contact avec la plante ». Mais cet apport peut également se faire par « le biais d’un acide nucléique codant ledit miPEP, ledit acide nucléique étant introduit dans la plante » par transgenèse par exemple.

Quelle portée de ces brevets ?

L’objectif est donc d’utiliser des micropeptides similaires à ceux produits naturellement par une plante en les ajoutant par transgenèse ou pulvérisations par exemple. Mais qui dit brevet dit moyen de prouver une contrefaçon éventuelle. Or, autant on peut concevoir possible de vérifier si un produit commercial contient ou non des micropeptides ou microARN et si les royalties liés aux brevets ont bien été payées ou non, autant il est plus difficile d’imaginer comment cela se passera dans les champs. Dans ces conditions, la question de la portée des brevets se pose pour essayer de comprendre dans quelle mesure ils pourraient être revendiqués sur des organismes naturellement présents dans l’environnement. Et pour essayer d’appréhender cet aspect, il est donc intéressant de savoir comment les organismes traités sont identifiés.

Les brevets détenus protègent la détection et l’identification de microARN présents naturellement dans une cellule, de micropeptides codés par ces microARN. Il protège également le fait même d’utiliser ces microARN et/ou micropeptides en les ajoutant dans une cellule pour faire acquérir à certaines plantes ou animaux certaines caractéristiques. De tels brevets permettraient-ils de réclamer une propriété industrielle sur tout microARN ou micropeptide produit naturellement par un organisme ? Question à laquelle il est difficile de répondre tant elle dépend de la lecture même des brevets. Mais force est de constater qu’un brevet comme celui portant sur « micropeptides et leur utilisation pour moduler l’expression de gènes » revendique une propriété industrielle sur des micropeptides de tailles variables et les molécules d’acides nucléiques les codant, sans précision de leur apport artificiel ou non [10] !

Dans les cas où les plantes auront été modifiées par transgenèse, les reconnaître nécessitera « simplement » de détecter le transgène inséré. Et le brevet ne pourra alors porter que sur ces dernières. Mais dans les cas où les micropeptides auront été apportés directement à la plante, par arrosage, ajout d’engrais ou autre, seule la différence de quantité de micropeptides présents apparaît selon les brevets comme permettant de différencier une plante traitée d’une plante non traitée. À lire le brevet WO2015185861A1, « la somme de la quantité dudit miPEP introduit par voie exogène et de celle dudit miPEP naturellement présent étant strictement supérieure à la quantité dudit miPEP naturellement présent », une simple comparaison des quantités devrait suffire à savoir si un traitement a été effectué ou non. Une comparaison possible si tant est qu’elle est faite entre plantes ayant été cultivées dans des conditions de culture similaires car la production d’ARN dans une plante, et donc de micropeptides, dépend beaucoup des facteurs environnementaux extérieurs.

Sprays à ARN, micropeptides… : ces méthodes semblent donc avoir un intérêt croissant de la part d’entreprises qui pourraient bien y voir une alternative aux techniques de modification génétique dont le statut légal OGM ou pas OGM est encore plus qu’incertain. Un exemple de cet intérêt : bénéficiant du soutien de la SATT (une association qui vise à « simplifier et professionnaliser le transfert des innovations issues de la recherche académique française vers les entreprises » pilotée par le gouvernement, la caisse des dépôts, le CNRS, la direction générale des entreprises [11]…) depuis 2013, l’entreprise MicroPEP Technologies vient d’enregistrer une rentrée de quatre millions d’euros début 2018, apportés par Sofinnova Partners et Irdi Soridec Gestion, deux entreprises d’investissement en capital, pour financer son développement.

[1Communiqué du CNRS, 21 septembre 2017

[3L’ARN, pour le dire rapidement, joue le rôle d’intermédiaire entre l’ADN codant une protéine et la protéine elle-même.

[6cf. note 3

[7Brevet détenu conjointement par Jean-Paul Combier, le CNRS et l’Université Paul Sabatier de Toulouse

[8cf. note 4

[9Brevet également détenu conjointement par Jean-Paul Combier, le CNRS et l’Université Paul Sabatier de Toulouse.

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