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UE – Pas de majorité pour l’importation d’un soja OGM
Le 12 juillet, les représentants des États membres, réunis en Comité d’appel, ont voté sur le projet de décision de la Commission européenne d’autoriser l’importation du soja transgénique génétiquement modifié répondant au doux nom de DAS-68416-4. Sans surprise, aucune majorité qualifiée pour ou contre n’a émergé.
Le vote en Comité d’appel du 12 juillet 2017 intervient après le vote au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire, qui a eu lieu le 12 juin 2017. Lors de ce dernier, les représentants des États membres n’étaient déjà pas parvenus à obtenir une majorité qualifiée pour ou contre le projet de la Commission européenne [1].
Une majorité d’États contre l’autorisation
Le vote en Comité d’appel n’a pas permis, lui non plus, de dégager une majorité qualifiée. Mais, comme lors de précédents votes, une majorité numéraire d’États membres s’est opposée au projet de décision de la Commission européenne [2]. En effet, le 12 juillet en Comité d’appel, 15 États membres (sur 28) se sont opposés au projet de décision de la Commission européenne d’autoriser l’importation du soja génétiquement modifié DAS-68416-4 [3].
Le soja DAS-68416-4 est génétiquement modifié pour être tolérant à certains herbicides, dont l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique. Le projet de décision d’autorisation ne couvre pas la culture, mais seulement l’importation dans l’Union européenne.
Des abstentionnistes poussés au vote
Si l’issue du vote du 12 juillet n’est pas vraiment une surprise, le détail du vote révèle des éléments intéressants. D’une part, il semble confirmer le maintien de la position d’opposition du gouvernement français. D’autre part, il est notable qu’un seul État membre s’est abstenu de voter : l’Allemagne. Les autres États membres qui d’ordinaire s’abstiennent de voter se sont cette fois prononcés plus clairement [4]. Est-ce là l’effet de la proposition de la Commission européenne de réviser les règles de comitologie ou des récentes autorisations d’OGM ? [5] Dans la proposition de révision du règlement « comitologie » de la Commission, les votes des États abstentionnistes ne seraient en effet pas pris en compte dans le calcul de la majorité qualifiée au sein du Comité d’appel. Cette mesure pousse les États à émettre un vote clair sur les projets de décision de la Commission, dans le but d’éviter les cas où cette dernière ait à prendre la décision finale. Il semblerait que les États membres se soient appliqués cette règle lors du vote du 12 juillet, avant même le début des discussions sur le texte proposé par la Commission. Mais il faut dire que le contexte de ce vote était particulier : il intervenait seulement quelques jours après l’autorisation de cinq OGM à l’importation par la Commission européenne, suite à l’absence de majorité qualifiée au sein du Comité d’appel. Ces autorisations ont peut-être fait comprendre aux abstentionnistes la nécessité d’émettre un vote clair.
Mais si une majorité numéraire d’États membres s’est opposée au projet de décision de la Commission européenne, c’est une majorité qualifiée qui est requise pour l’adoption du projet de décision de la Commission par les États membres [6]. Et faute de majorité qualifiée en Comité d’appel, la Commission est tenue de prendre la décision finale. Même si elle peut juridiquement prendre une décision de refus d’autorisation, elle entérine en général ses projets d’autorisation, malgré l’opposition de la majorité des États membres et des résolutions du Parlement européen, certes non contraignantes [7].
D’autres projets de décision de la Commission européenne sont en phase de comitologie (voir encadré) [8]. Ainsi, le lundi 17 juillet, les représentants des États membres réunis au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire devaient voter sur l’autorisation d’importation de deux autres sojas génétiquement modifiés [9]. Faute de majorité qualifiée, le Comité d’appel sera dans les mois qui viennent, amené à se prononcer sur les projets de décision de la Commission européenne les concernant.
UE : Commission vs Conseil et Parlement ?
Une lecture du règlement « comitologie » à la lumière de ses considérants permet d’arguer que la Commission européenne devrait éviter de prendre une décision qui va à l’encontre d’une position prédominante qui se dégage au sein du comité d’appel. En effet, dans son quatorzième considérant, le règlement « comitologie » affirme que « lorsqu’elle envisage d’adopter d’autres projets d’actes d’exécution portant sur des secteurs particulièrement sensibles, notamment la fiscalité, la santé du consommateur, la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement, la Commission, dans la recherche d’une solution équilibrée, agit, autant que possible, de manière à éviter d’aller à l’encontre d’une position prédominante qui pourrait se dégager au sein du comité d’appel contre le caractère approprié d’un acte d’exécution » [10].
[1] Voir Commission européenne, Summary report of the Standing Committee on plants, animals, food and feed, 12 juin 2017.
[2] 15 États ont voté contre le projet de décision de la Commission : Autriche, Bulgarie, Grèce, France, Croatie, Italie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovénie et Slovaquie. Ils représentent 45,16 % de la population de l’Union européenne. 12 États ont voté pour : Belgique, République Tchèque, Danemark, Estonie, Irlande, Espagne, Malte, Pays-Bas, Roumanie, Finlande, Suède et Royaume-Uni. Ils représentent 38,78 % de la population de l’Union européenne.
[3] À titre d’ exemple, 16 États membres ont voté contre l’autorisation à la culture des maïs 1507 et Bt11 lors du vote en Comité d’appel le 27 mars 2017.
[4] Les États membres qui s’abstiennent souvent de voter sont : Allemagne, Belgique, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie.
[5] , « OGM – Fini le : « c’est la faute de la Commission ? » », Inf’OGM, 24 février 2017
[6] La majorité qualifiée requiert 55 % des États membres, représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne.
[7] Le 11 juillet, à la veille du vote en Comité d’appel sur le projet de décision d’autorisation d’importation du soja génétiquement modifié DAS-68416-4, la Commission de l’environnement du Parlement européen a voté une résolution contre l’importation de ce soja. Dans sa résolution, la Commission de l’environnement appelle la Commission européenne à retirer son projet de décision et exprime sa crainte de voir la culture de ce soja GM tolérant aux herbicides augmenter dans les pays tiers en cas d’autorisation d’importation dans l’Union européenne.
[8] , « UE – Nouvelle comitologie : le changement dans la continuité », Inf’OGM, 22 mars 2016
[9] Il s’agit du soja génétiquement modifié DAS-44406-6 et du soja génétiquement modifié FG72xA5547-127.