Quand les brevets envahissent le vivant
Le groupe « Sciences en questions » de l’Inra organise des conférences débat qui interrogent la Science « en train de se faire », et les retranscrit en petits manuels. Celui présenté ici est la synthèse de deux conférences de la docteure en droit Marie-Angèle Hermitte, du CNRS, en avril 2013 (Versailles et Clermont-Ferrand), bien heureusement actualisée jusqu’à février 2016 (loi biodiversité et possible rachat de Syngenta par ChemChina).
Marie-Angèle Hermitte retrace l’histoire de la brevetabilité du vivant, avec une analyse comparée entre les États-Unis et la France, qui recoupe partiellement, du moins dans les années 60-80, le clivage entre les pro-brevets et les pro-Certificat d’obtention végétale (COV). Sa lecture, que nous caricaturons un peu ici, est la suivante : les brevets et les COV reposent sur deux visions culturelles différentes. D’un côté, les pro-COV sont issus d’une vision héritée des paysans et agronomes, avec des pratiques de terrain ; de l’autre, les pro-brevets, avec une vision de la génétique comme des pièces d’un Meccano, sont issus de l’industrie chimique et des laboratoires.
Mais rapidement, les brevets l’emportent, aidés considérablement par la mise en place de l’Office européen des brevets (1973), avec « son propre système juridictionnel indépendant des États membres », ce qui prouve, aux yeux de l’auteur, que « les responsables politiques se sont dessaisis de leurs prérogatives à son profit ». Et c’est là l’une des constatations principales de cet ouvrage : dans ce dossier des brevets sur le vivant, le politique a souvent été absent (complexité du dossier), voire impuissant, car arrivant « après la bataille ». A lire absolument.