Secret des affaires : baillons pour les militants ?
Que serait le débat sur les OGM sans les lanceurs et les lanceuses d’alerte ? Les syndicalistes et militants qui ont affronté les gaz lacrymo et les tribunaux, les scientifiques qui ont dénoncé la mascarade de l’évaluation, les journalistes qui ont mis en exergue les conflits d’intérêt, toutes ces personnes ont permis que ce qui devait se faire en catimini soit exposé sur la place publique.
Or, la loi actuellement au Parlement qui traite du secret des affaires pourrait faire que ceci ne soit plus possible. Dans une lettre ouverte au Président de la République publiée le 16 avril 2018, un collectif refuse que « le secret ne devienne la règle et les libertés des exceptions ». Les signataires, dont je fais partie, estiment que « bien que nécessaire, une protection des secrets de fabrication, de l’innovation et de la propriété intellectuelle ne doit pas entraîner une remise en cause des libertés fondamentales, ou une restriction de la liberté de circulation des personnes et des idées ». Ils regrettent l’absence de débat sur un texte aux conséquences importantes, et une procédure législative « discrète et expresse ».
Mais comme le rappelle cette lettre, « plusieurs centaines de milliers de français.es se sont ainsi mobilisé.e.s contre cette proposition de loi en signant des pétitions ». Elle rappelle qu’Emmanuel Macron avait, en janvier 2015, accepté de retirer un amendement sur le secret des affaires, le considérant comme dangereux pour les libertés publiques. Or, trois ans après, le gouvernement a refusé les amendements qui restreignait « l’application du secret des affaires aux seuls acteurs concurrentiels ». Pourquoi un tel revirement ? L’adoption de la directive européenne sur le sujet n’explique pas tout car une transposition en droit national laisse quelques marges de manœuvre…
Le débat actuel sur les nouveaux OGM réclame encore plus de transparence : sur les modes d’obtention de ces variétés créées dans des laboratoires sous haute surveillance, sur les brevets déposés sur ces mêmes variétés, sur les données qui ont permis aux autorités de délivrer les autorisations… L’opacité n’a jamais aidé une société à grandir…