n°118 - septembre / octobre 2012

Protection des zones humides et riz GM sont-ils compatibles ?

Par Pauline VERRIERE

Publié le 03/09/2012

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La question des OGM n’est pas discutée uniquement aux niveaux français ou européen, mais aussi dans le cadre de conventions internationales, c’est-à-dire de textes négociés et adoptés par les États, dont la portée juridique est parfois floue. Si les Protocoles de Cartagena et de Nagoya Kuala-Lumpur traitent spécifiquement des OGM (1), d’autres textes peuvent aussi croiser plus ou moins directement le dossier OGM : c’est le cas de la convention de Ramsar sur la protection des zones humides, dans sa résolution XI. 15 « sur les interactions entre l’agriculture et les zones humides, et notamment entre la riziculture et le contrôle des ravageurs ». Quels rapports entre zones humides et OGM ? Explications.

La Convention de Ramsar (2), signée en 1971, l’un des premiers textes internationaux concernant la conservation de la nature, s’intéresse à un écosystème particulier : les zones humides. Ces espaces entre terre et eau couvrent environ 9% de la surface terrestre, et sont de formidables réserves de biodiversité, qu’elles soient naturelles (marais, tourbières…) ou artificielles (rizières, marais salants…), et jouent un rôle écologique et économiques essentiels tout en contribuant au bien-être des êtres humains. Ces zones abritent de nombreuses espèces d’animaux et de végétaux, peuvent être source d’alimentation et de revenus pour les populations locales et ont une valeur touristique et récréative importante. Elles font pourtant l’objet de nombreuses menaces, que se soit pour gagner des terres sur l’eau ou pour « assainir » une zone, et sont touchées par de nombreuses pollutions. La Convention de Ramsar offre un cadre international de protection pour ces zones humides mais, selon les promoteurs de Ramsar, elle permet également leur utilisation rationnelle durable par les êtres humains. Aujourd’hui, 163 États sont Parties à cette convention. Parmi leurs obligations, se trouve l’inscription sur la liste Ramsar d’au moins une de leurs zones humides d’importance internationale (3) et le fait d’assurer sa protection. L’État s’engage également à une gestion rationnelle de l’ensemble de ses zones humides et à coopérer avec les autres États. À ce jour, 2051 sites sont inscrits sur la liste Ramsar pour une surface totale de 193 810 395 hectares (4).

La Convention de Ramsar ne veut pas d’OGM

L’agriculture est un thème important au sein de cette convention, car elle a bien souvent un impact non négligeable, notamment sur l’eau, et les zones humides souffrent de l’utilisation massives d’intrants chimiques. Les rizières représentent en effet une zone humide d’importance, à la base de l’alimentation de près de la moitié de la population mondiale. « La riziculture joue un rôle fondamental pour de nombreux pays en développement du fait de sa contribution à la réalisation du développement économique et social, à l’éradication de la pauvreté et à la sécurité alimentaire » (5). La riziculture fait l’objet de nombreuses discussions pour tenter de concilier son utilisation économique avec sa protection, notamment en ce qui concerne le contrôle des ravageurs.

Les textes internationaux sont en constante évolution et font l’objet de régulières négociations, notamment lors des conférences des Parties. La Convention de Ramsar n’échappe pas à la règle et sa 11e conférence des Parties s’est déroulée en juillet 2012. Parmi les résolutions adoptées, l’une d’entre elle a été au cœur des débats : la résolution 15, sur les interactions entre l’agriculture et les zones humides, et notamment entre la riziculture et le contrôle des ravageurs (5), faisant ainsi le lien entre OGM et zones humides.

L’objectif de cette résolution est de réduire l’utilisation de produits chimiques dans les zones humides utilisées pour l’agriculture. Elle recommande donc un certain nombre de méthodes alternatives mais la difficulté a été de s’accorder sur les méthodes à retenir. En effet, si lors de ces négociations, le Costa Rica demandait la protection des semences autochtones, les États-Unis au contraire préconisaient « des variétés de riz résistantes aux nuisibles et à l’utilisation des pesticides à risques réduits », en d’autres termes des variétés génétiquement modifiées (6). C’est finalement une formulation restrictive qui a été retenue dans cette résolution sous la poussée des pays européens, et de certains pays asiatiques et africains. Elle recommande en effet l’usage de « variétés de riz sélectionnées de manière classique offrant une résistance aux ravageurs » (7). En clair : les OGM ne sont pas compatibles avec la philosophie de Ramsar pour la lutte contre les nuisibles dans les rizières. À voir quelle sera la mise en œuvre concrète par la France de ces engagements internationaux. Certains territoires, comme la Camargue, peuvent en effet être concernés par cette résolution. Bientôt une loi interdisant l’utilisation de semence GM dans les rizières françaises ?

L’application des conventions environnementales repose principalement sur le bon vouloir des États membres. La Convention de Ramsar ne dispose pas de cadre punitif en cas de non respect mais son non respect « pourrait causer un malaise politique et diplomatique dans les forums internationaux prestigieux ou dans la presse et empêcher toute Partie concernée de profiter pleinement d’un système d’équilibre des pouvoirs par ailleurs solide et cohérent ainsi que de cadres d’appui mutuel ». Pour certains pays, notamment africains et asiatiques, ce genre de résolution permettrait néanmoins à un niveau international de justifier de leur choix, par exemple sur la question des OGM. En revanche, on peut douter que les États-Unis soient jamais inquiétés pour leur utilisation d’OGM, même avec cette résolution.

Il n’existe à ce jour aucune variété de riz GM autorisée à la culture commerciale à l’échelle mondiale. Mais cette possibilité future aiguise l’appétit de certains pays et entreprises pour se placer sur ce marché qui concerne, rappelons-le, plus de la moitié de la population mondiale. Pour la même raison, de nombreuses ONG s’inquiètent de l’introduction de modifications génétiques dans un aliment aussi incontournable. De nombreux essais en champs ont déjà eu lieu, principalement aux États Unis et en Chine, conduisant à d’importantes contaminations.

1, Protocole de Cartagena et de Nagoya Kuala Lupur : http://www.infogm.org/spip.php?rubrique401

2, http://www.ramsar.org

3, Les critères de désignations d’une zone humide comme étant d’importance internationale ont été précisés par la convention des Parties.

4, La baie du Mont Saint Michel ou la Camargue sont notamment inscrits pour la France.

5, Résolution XI. 15 Agriculture-wetland interactions : rice paddy and pest control : http://www.ramsar.org/cda/fr/ramsar-documents-cops-

cop11-cop11-resolutions/main/ramsar/1-31-58-500%5E25837_4000_1

6, http://www.iisd.ca/ramsar/cop11/8jul.html

7, cf. Résolution XI.15, paragraphe 16

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