OGM aux Etats-Unis : quand l’administration ignore ses experts
Voici exactement dix ans, en 1994, était autorisé aux Etats-Unis le premier aliment génétiquement modifié : la tomate “ FLAVR / SAVR ” à mûrissement retardé de l’entreprise Calgene. Deux ans plus tard, après des difficultés dans la chaîne de distribution et un échec commercial dû officiellement à un “ mauvais goût ”, cette tomate fut retirée du marché. Cependant, le processus d’autorisation d’aliments transgéniques était bel et bien mis en place. Mais c’est en 1998 que fut révélé le premier scandale sur ce processus d’autorisation. Un procès intenté à l’Agence Américaine pour l’Alimentation et les Médicaments (Food and Drug Administration – FDA) par un groupe de défense de consommateurs aboutissait à une condamnation de cet organisme. Cette condamnation obligea notamment la FDA à rendre publics les rapports internes montrant que l’autorisation délivrée en 1994 pour la commercialisation de cette tomate allait à l’encontre de l’avis des scientifiques consultés pour évaluer la sécurité alimentaire de cet aliment. Ces scientifiques affirmaient en effet que les études sanitaires effectuées par Calgene étaient très insuffisantes mais surtout, laissaient craindre des impacts négatifs sur la santé des personnes qui consommeraient cette tomate transgénique. Voici donc la courte histoire d’un aliment qui aurait dû faire rougir de honte la FDA, même avec un mûrissement retardé !
Du labo à l’assiette : quelles autorisations ?
Pommes de terre, soja, maïs, papaye, riz, tomate… Ce sont autant d’aliments transgéniques qui peuvent arriver tels quels ou sous forme de produits dérivés dans les assiettes des consommateurs américains, canadiens, mais aussi japonais ou australiens et peut-être européens un jour.
Des évaluations pour analyser scientifiquement la sécurité sanitaire de ces aliments transgéniques sont mises en place pour aboutir à la délivrance ou non d’une autorisation de commercialisation pour l’alimentation humaine ou animale. Cependant, des doutes sont régulièrement émis par des scientifiques.
Parmi ces doutes figurent notamment les problèmes d’allergies que pourrait poser une alimentation à base d’OGM. Ces craintes ne sont pas seulement théoriques puisque, en 1996, un soja transgénique de Pioneer Hi-Bred a été interdit de mise sur le marché des fourrages car la protéine transgénique2 qu’il exprimait est connue comme allergène pour l’Homme3. De même, une protéine transgénique Bt, le CRY9C, issue du maïs Starlink est une protéine potentiellement allergène4 : on l’a pourtant retrouvée en 2000 dans de nombreux produits de l’alimentation humaine, aux Etats-Unis.
Mais là ne sont pas les seuls problèmes redoutés dans le cadre d’une alimentation à base d’OGM. Plusieurs questions sont depuis longtemps posées à la communauté scientifique, restées sans réponse jusque là pour la plupart.
Quels devenirs du transgène ?
Une première étape, antérieure à toute autre étude, serait de pouvoir estimer la durée de vie et la persistance des ADN et protéines transgéniques dans un organisme animal. A cette question, l’équipe d’E.H. Chowdhury vient d’apporter quelques éléments de réponse puisque leurs expériences ont montré que l’ADN du gène codant pour une des protéines du Bt et une protéine Bt elle-même sont présentes, bien que sous forme partielle, dans cinq organes différents d’un cochon nourri avec du maïs Bt5. En France, la réalisation d’une telle étude est toujours en suspens : le projet d’analyse d’échantillons de vaches nourries avec du maïs Bt est en attente de financements, financements récemment refusés par le gouvernement français au laboratoire public en charge de l’étude6. Une seconde étape serait d’établir la possibilité d’acquisition du transgène par les bactéries dans l’estomac des organismes animaux. Pour l’heure, aucune réponse formelle n’a pu être apportée même si le laboratoire du Pr. Netherwood, de l’Université de Leeds vient de révéler la persistance d’ADN transgénique dans l’intestin de personnes ayant subi une opération chirurgicale du colon7. Cette étude laisse supposer que si l’ADN persiste, alors une acquisition de cet ADN par la flore bactérienne intestinale est possible.
L’équivalence substantielle
Le concept d’équivalence substantielle a été introduit pour la première fois en 1993 par l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) et a été adopté en 1996 par la FAO et l’OMS. Le document de l’OCDE le définit ainsi : “Pour la nourriture et les ingrédients de la nourriture venant d’organismes (vivants) développés par l’utilisation de la biotechnologie moderne, l’approche la plus pratique pour la détermination est d’examiner si ils sont substantiellement équivalents à des produits analogues s’ils existent. Le concept d’équivalence substantielle résume l’idée que les organismes (vivants) utilisés comme nourriture, ou comme source de nourriture, peuvent être utilisés comme base de comparaison pour juger de la sûreté de la consommation humaine d’un aliment ou d’un composant d’aliment qui a été modifié ou qui est nouveau ”.
www.inra.fr/Internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/OGM/pascalhtm
En ce qui concerne l’évaluation précise des impacts sur la santé humaine et animale de ces aliments transgéniques, les résultats de tests de toxicologie sont requis dans les dossiers de demande d’autorisation pour une commercialisation. Ces tests de toxicologie sont conduits par les entreprises demandeuses de l’autorisation. Or, plusieurs voix se sont exprimées pour dénoncer l’insuffisance de ces tests8. Dans le domaine des médicaments, un test de toxicologie (partie intégrante des dix années de tests à effectuer avant la commercialisation dudit médicament) consiste en une étude de trois mois sur sujets consommant soit le médicament en cours d’évaluation, soit un placebo. Des prélèvements sont ensuite effectués et analysés afin d’évaluer tout effet secondaire du médicament. Dans le cadre des aliments transgéniques, les protocoles ne sont pas définis clairement. Ces tests sont souvent absents ou incomplets dans les dossiers de demande d’autorisation, les pétitionnaires préférant baser leur dossier sur le principe d’équivalence substantielle (cf. encadré ci-dessus), principe pourtant reconnu comme nécessaire mais non suffisant en Europe. Cette situation a amené plusieurs scientifiques mais également des organismes officiels telle que l’Agence Française pour la Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) a dénoncé ces lacunes. Ainsi, en Novembre 2003, dans le dossier du maïs Bt11 de Syngenta, l’AFSSA a refusé de donner son accord car elle considérait que les essais conduits sur des animaux par Syngenta sont insuffisants et “qu’en toute rigueur, afin d’éliminer la possibilité d’effets inattendus, il conviendrait d’évaluer l’impact d’une consommation régulière de maïs doux portant l’événement de transformation Bt 11 par une étude de toxicité / tolérance chez le rat ou une étude de tolérance / alimentarité chez un animal d’élevage (par exemple le poulet en croissance)” 9. Les tout derniers dossiers déposés, ou les compléments de dossiers anciens, contiennent des résultats de tests de toxicologie conformes aux attentes de l’AFSSA. Une normalisation semble donc en cours avec des études conduites effectivement sur des périodes de trois mois maximum lorsqu’ils portent sur des rats ou de quarante-deux jours lorsqu’ils portent sur des poulets.
Dans l’attente des réponses à toutes ces questions précises, les responsables politiques ont pourtant établi une législation concernant l’évaluation des risques sanitaires de ces aliments destinés à la consommation.
Analyses toxicologiques : une législation déficiente
La législation appliquée aux aliments transgéniques dépend des gouvernements de chaque pays ou de chaque communauté de pays telle que l’Union européenne.
Pour exemple, aux Etats-Unis, le gouvernement considère que les risques des produits des biotechnologies et ceux des produits classiques sont identiques. Cette approche est appelée communément “Equivalence substantielle” (cf. encadré ci-dessus). A partir de ce concept, un produit transgénique est considéré équivalent à son homologue conventionnel dès lors que les analyses chimiques de ses constituants sont identiques. Ainsi, une fois ces analyses chimiques effectuées, aucune étude scientifique de toxicité, à savoir d’impacts sur la santé humaine et animale, n’est obligatoire. Concernant les risques d’allergie, les analyses pratiquées consistent à déterminer quelles protéines transgéniques sont réellement présentes dans l’aliment et établir si ces protéines sont comparables à des agents allergènes référencés comme tels.
En Europe, l’évaluation sanitaire d’un aliment transgénique est présente dans le dossier de demande d’autorisation et ces tests de toxicologie doivent être réalisés selon les pratiques en cours dans les laboratoires. Ces résultats sont d’abord évalués par l’organe compétent du pays recevant la première notification (AFSSA en France par exemple) puis, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) est saisie pour émission d’un avis. Ces pratiques de laboratoires impliquent aujourd’hui, des tests comparatifs d’alimentation portant sur 90 jours pour deux lots de 20 rats des deux sexes, avec des taux de présence d’OGM différents dans l’alimentation (16% et 33%). Les analyses post-alimentation portent sur les performances de croissance des rats, les urines et le sang, des observations cliniques et enfin, après sacrifice des rats, des examens macroscopiques et histologiques sur divers organes10. L’ensemble de ces analyses doit permettre d’établir si de l’ADN ou des protéines transgéniques sont présents ou si des effets secondaires tels que lésions, nécroses ou anomalies physiologiques sont observés. Dans le domaine des allergies plus spécifiquement, les démarches sont les mêmes que celles en vigueur aux Etats-Unis.
Pour ce qui concerne le suivi de ces OGM, les ministres européens de l’Agriculture se sont mis d’accord sur des mesures encadrant l’étiquetage et la présence accidentelle d’OGM dans l’alimentation. Le compromis adopté fixe à 0,9% le seuil à partir duquel la présence d’OGM dans les aliments pour hommes ou pour animaux devra obligatoirement faire l’objet d’un étiquetage spécifique. Un seuil de tolérance de 0,5% a par ailleurs été retenu pour la présence accidentelle dans ces denrées d’OGM non encore autorisés mais évalués comme sains. Il existe cependant une lacune régulièrement dénoncée par les opposants aux OGM, celle de l’absence d’étiquetage pour les aliments issus d’animaux ayant eux-mêmes été nourris avec des aliments transgéniques11.
Dans de nombreux autres pays, comme en Afrique du Sud par exemple, la situation est plus simple puisque aucune législation nationale n’impose d’étiquetage et que les autorisations de commercialisations sont délivrées selon le principe d’équivalence substantielle.
Ces mesures législatives sont donc le fruit d’un travail entamé au début des années 90, lorsque le premier aliment à base d’OGM entra en phase de demande d’autorisation. L’histoire montra que cet aliment fut également porteur du premier scandale de l’alimentation transgénique.
Histoire de la tomate FLAVR / SAVR
C’est en 1991 que l’entreprise américaine Calgene dépose son dossier de demande d’autorisation de commercialisation d’une tomate transgénique, destinée à l’alimentation humaine. La modification génétique qui a été réalisée est l’insertion d’un gène déjà naturellement présent dans le génome de la tomate. Ce gène code pour une enzyme qui est la PolyGalacturonase. Cette enzyme est impliquée dans le processus de mûrissement de la tomate puisque son action en est un des facteurs déclenchant. La différence majeure entre le gène inséré et le gène naturellement présent est que le gène inséré est “à l’envers”. La simple insertion de ce gène inversé a pour conséquence de retarder l’expression de l’enzyme par la tomate, provoquant ainsi un retardement du mûrissement.
Suite au dépôt de ce dossier, la FDA, qui négociait ici son premier dossier d’aliment transgénique, mit un an pour délivrer son avis, concluant alors que les aliments transgéniques ne seraient pas gérés différemment des aliments conventionnels, comme l’indiquait l’Acte officiel de la FDA qui allait régir les conditions de délivrance d’autorisation des aliments transgéniques12. Tout fut alors organisé en vue d’une production importante de tomate FLAVR/SAVR et de sa commercialisation lorsqu’en 1993, sous la pression d’une expression citoyenne, la FDA a dû revoir sa copie sur le processus d’autorisation des aliments transgéniques. Ainsi, fin 1993, bien que Calgene ait sa production de tomate récoltée et empaquetée, prête à la vente, cette dernière ne fut jamais mise sur le marché. Ce délai imprévu laissa le temps à une concurrence commerciale de s’installer. En effet, l’entreprise européenne Astra Zeneca, soutenue par une entreprise américaine, Campbell Soup Co (qui soutenait également Calgene), développait une tomate à mûrissement tardif possédant le même événement de transformation génétique. Afin d’éviter toute perte d’énergie en règlements de contentieux, les trois entreprises décidèrent de signer un accord qui stipulait que Calgene occuperait le terrain commercial du légume frais et Astra Zeneca, le terrain des produits dérivés. En 1994, suite à une nouvelle réglementation de la FDA basée sur le principe d’équivalence substantielle, les deux tomates reçurent donc les autorisations nécessaires à leur mise sur le marché13, malgré une opinion scientifique opposée à cette autorisation comme nous le verrons plus loin.
La commercialisation de cette tomate et celle de ses produits dérivés connurent des destins différents. Mais aucune ne signa de succès sur le long terme. Du côté de Calgene, la tomate fut commercialisée à Chicago et clairement étiquetée “Génétiquement Modifiée”, comme un argument de vente. Les ventes furent importantes au point que l’entreprise eut du mal à répondre à toutes les demandes. Début 1995, les premières difficultés apparurent avec de mauvais rendements de production dans les cultures de Floride, des dépenses financières croissantes pour protéger les tomates durant leur transport (la tomate mûre étant “fragile”) et enfin, coup de grâce porté à l’entreprise, un contentieux judiciaire initié par Monsanto pour violation de brevet. Fin 1995, Monsanto était devenu actionnaire majoritaire de Calgene et en 1997, la production de tomates FLAVR / SAVR fut arrêtée du fait de coûts de production bien trop importants. L’argument officiel avancé pour justifier ce retrait fut que cette tomate était un échec commercial du fait de son “mauvais goût”.
De son côté, après avoir reçu les autorisations nécessaires du Service d’Inspection de la Santé Animale et Végétale américain (Animal and Plant Health Inspection Service – APHIS) et du Service pour la Sécurité Alimentaire anglais (Food Safety Regulators) en 1995, Astra Zeneca commercialisa donc ses tomates au Royaume-Uni sous forme de purée. Les produits étaient également clairement étiquetés pour agir comme argument de vente. Mais l’impopularité grandissante des OGM et des produits dérivés au Royaume-Uni força l’entreprise à retirer ces produits du marché anglais.
Le procès de la FDA
Mais, outre cet aspect historique de premier aliment transgénique commercialisé, la tomate FLAVR / SAVR allait être, en 1998, une des causes d’un procès intenté à la FDA par des groupes de consommateurs. Ce procès allait révéler la première controverse autour d’un aliment transgénique. L’Alliance pour l’Intégrité Biologique (Alliance for Bio-integrity14) a déposé une plainte contre la FDA dans le but de dénoncer les lacunes de la politique de la FDA sur l’évaluation des aliments transgéniques et d’en imposer la réforme. Dans le verdict de la Cour fédérale de la ville de Washington, l’organisme gouvernemental a été déclaré inefficace dans sa mission et condamné, entre autres, a publié ses notes internes de scientifiques dénonçant ces dîtes lacunes. La Cour a considéré que “la FDA ne régule en aucune façon les aliments transgéniques. (…) Les bureaucrates nommés pour appliquer la politique de la FDA n’ont pas suivi les conseils et avertissements des scientifiques employés par l’agence et les ont même ignorés. (…) Il existe actuellement de profonds désaccords entre les experts scientifiques sur la sécurité des aliments transgéniques”16. Cependant, elle a également fait le choix de ne pas se prononcer sur les aspects techniques du dossier. Ainsi, aucun jugement n’ayant été porté sur une erreur technique particulière, la FDA n’a subi aucune condamnation matérielle, que ce soit une amende ou une obligation de retrait d’autorisation.
Ces notes internes, rédigées par les scientifiques employés par la FDA, montrent que d’une part, en 1991, les opinions émises par ces derniers sur les lignes directrices du projet de processus d’évaluation sanitaire des aliments transgéniques étaient opposées au projet de la FDA et que, d’autre part, en 1993, les avis scientifiques sur les tests toxicologiques livrés par Calgene pour la tomate FLAVR / SAVR ne pouvaient conduire à la délivrance d’une autorisation.
Pour ce qui est de l’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments transgéniques, les scientifiques indiquent notamment qu’ “il existe une profonde différence entre les types d’effets inattendus pour une alimentation conventionnelle et une alimentation transgénique”, comme l’indique le Dr. L. Pribyl de la FDA16, ou que “les plantes transgéniques peuvent contenir de grandes concentrations de toxines, dont certains effets [sur un organisme animal ou humain] peuvent être inattendus […] et que certains peuvent être différents de ceux habituellement exprimés ”17, selon le Dr E.J. Matthews du Groupe de Toxicologie de la FDA. Le Directeur du Centre vétérinaire de la FDA, G. B. Guest considère lui que “les aliments pour animaux issus de plantes transgéniques doivent être sujets à une vigilance particulière” puisque les produits issus de ces animaux pourraient se révéler nocifs pour la santé humaine18. Malgré ces opinions émises par ses propres experts, la FDA a déclaré en 1992, qu’il existait un consensus scientifique considérant que les aliments transgéniques ne présentaient pas plus de risques que les aliments conventionnels. En conséquence, la FDA ne réclamait aucun test toxicologique préliminaire, ces derniers pouvant être délivrés sur simple démarche volontaire19.
Concernant plus précisément l’autorisation délivrée pour la commercialisation de la tomate FLAVR / SAVR, la FDA n’a pas suivi non plus l’avis de ses experts. Malgré l’absence d’obligation, Calgene avait inclus dans son dossier des tests toxicologiques qui, selon elle, démontraient l’innocuité sanitaire de cet aliment. Au vue des résultats de ces tests de toxicologie, F. A. Hines, membre du groupe Pathologie de la FDA indique dans ses conclusions que “sans les explications ou compléments d’informations manquant dans le dossier soumis à approbation, le Groupe Pathologie est incapable de déterminer si oui ou non, les lésions gastriques ou nécroses décrites dans l’étude sont “ accidentelles ” comme l’indique le pétitionnaire”20. R. J. Scheuplein, directeur du Bureau des Etudes Spéciales de la FDA conclut que “les données fournies par Calgene ne montrent pas un risque sanitaire particulier mais ne sont, en aucun cas, une démonstration d’absence de risque”21. C. B. Johnson, du Groupe d’Evaluation des Additifs confirme les précédentes conclusions en affirmant que “les réponses fournies par Calgene sont insuffisantes pour répondre à la question de sécurité alimentaire de cette tomate”22. Malgré ces avis scientifiques défavorables à l’autorisation de cette tomate au regard des études effectuées par Calgene, la FDA a délivré une autorisation de commercialisation, argumentant que cette variété de tomate génétiquement modifiée n’est pas significativement différente de variétés de tomates conventionnelles dont la sécurité sanitaire a déjà été démontrée. La FDA s’en est néanmoins remise à la responsabilité de Calgene de s’assurer que les aliments commercialisés sont “sûrs, sains et en accord avec les recommandations de la FDA”23.
Le premier aliment transgénique venait donc d’être autorisé par un organisme gouvernemental malgré l’avis des scientifiques ayant étudié le dossier.
Et aujourd’hui ?
Au cours du procès de la FDA en 1998, cet organisme a reconnu conduire son action selon une politique gouvernementale dont l’objectif est d’encourager l’industrie des biotechnologies24, politique mise en place sous Reagan et qui est, selon l’Alliance d’Intégrité Biologique, toujours d’actualité aujourd’hui.
Le marché des denrées alimentaires actuel est aujourd’hui officiellement exempt de toute tomate transgénique. Cependant, des entreprises comme Monsanto, Calgene, Astra Zeneca, Agritope ou encore DNA Plant Technology Corporation possèdent toujours les autorisations25 de commercialisations de tomates transgéniques et ne dépendent donc plus de démarches obligatoires pour lancer leurs produits sur les marchés ouverts aux OGM et reconnaissant les autorisations délivrées. Par ailleurs, qui peut vraiment garantir qu’aucune contamination n’a pu avoir lieu par les voies régulièrement dénoncées (cultures illégales, pollinisation croisée…) ?
Souvenons-nous également du discours des Etats-Unis pour justifier ses attaques contre le moratoire européen sur les OGM qui, se basant sur les rapports des académies françaises de science, de médecine et de pharmacie, considéraient que l’utilisation des OGM à des fins alimentaires ne présentaient aucun risque particulier26. M. Byrne, commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, ne pourrait-il pas utiliser ce dossier en guise de réponse ?