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Nouveaux OGM : les parlementaires prônent l’opacité
Le 29 mars 2017, en France, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) annonçait dans un nouveau rapport que seuls les produits issus des nouvelles techniques de modification génétique qui impliquent l’insertion d’un transgène doivent être considérés comme des OGM. Une analyse qui apparaît particulièrement réductrice au vu des débats en cours.
Dans son rapport consacré aux « enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », publié le 29 mars 2017, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) présente son analyse sur le statut OGM ou non OGM des produits issus des nouvelles techniques de modification génétique. Pour le domaine agricole, sa position est assez facile à résumer : seules les techniques impliquant l’insertion d’un transgène de manière stable (transmis à la génération suivante) donnent des OGM soumis au champ d’application de la législation. Conséquence : neuf des treize techniques de modification génétique listées par l’OPECST ne donnent pas d’OGM [1].
Une information supplémentaire concernant la détection des modifications génétiques est donnée par l’OPECST : seule une insertion stable d’ADN étranger constituerait une modification détectable par analyse. Mais cette assertion est fausse, comme le relate Inf’OGM dans le numéro de son journal à paraître fin avril !
Nouveaux OGM : aucun risque pour l’OPECST
Les députés et sénateurs membres de cet Office considèrent que la législation européenne exempte des règles relatives aux OGM toutes techniques visant à insérer une séquence génétique de la même espèce ou à produire une mutation, y compris de manière dirigée, sans insertion de matériel étranger de manière stable c’est-à-dire héréditaire [2]. Une lecture de la législation pour le moins réductrice car le droit européen établit plus simplement que les OGM sont des organismes « à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». L’insertion d’ADN étranger n’est donc jamais une condition indispensable au statut d’OGM dans le droit européen. La directive européenne précise que la mutagenèse est une technique « de modification génétique produisant des organismes à exclure du champ d’application » car c’est une technique utilisée depuis longtemps, sa sécurité serait donc avérée. Ce qui n’est manifestement pas le cas pour des « nouvelles » techniques de modification génétique.
Que les nouvelles techniques puissent bénéficier d’une exemption, sur la base d’un historique d’utilisation sans risque, interpelle. Mais l’OPECST considère que les procédures actuelles d’évaluation des risques ne seraient plus justifiées car « les nouvelles méthodes de modification ciblée du génome (genome editing) qualifiées de « mutagenèse dirigée » sont beaucoup plus précises, présentent moins de risques que la mutagenèse chimique ou obtenue par radiation, avec mutations aléatoires, telle que pratiquée depuis les années 1920 » [3]. Et d’ajouter que « les effets hors-cible de ces techniques sont maintenant moins nombreux que les mutations qui se produisent naturellement [… et] que les mutations induites par les techniques de modification ciblée du génome peuvent se produire naturellement à de faibles fréquences […] et qu’elles sont quasiment indétectables ». Ces techniques de mutagenèse dirigée consistent pourtant toutes, comme la transgenèse, à insérer dans des cellules cultivées in vitro des acides nucléiques préparés à l’extérieur de ces cellules. La seule différence avec la transgenèse est que ce matériel étranger ne demeure pas de manière héréditaire dans le produit final et dans sa descendance pour constituer lui-même la modification génétique revendiquée, mais ne fait que la provoquer. S’il est parfois difficile d’identifier à la seule analyse du produit final laquelle des multiples techniques de modification génétique in vitro a été utilisée, il est par contre possible de distinguer si ce produit est le résultat de mutations naturelles ou de mutagenèse dirigée. Mais pour l’OPECST, le principe de précaution ne devrait pas conduire à faire la différence entre les techniques de mutagenèse dirigée et les techniques de mutagenèse chimique ou par radiation…
On voit donc bien que lorsque la question du statut OGM ou non OGM des produits issus des nouvelles techniques de modification génétique vient sur la table, tous les acteurs n’ont pas la même réponse. À tel point que le Conseil d’État français a d’ailleurs saisi la Cour de Justice (de l’Union européenne) sur ce sujet. Si la réponse de cette dernière est attendue pour 2018, l’OPECST considère d’ores et déjà que « ce n’est clairement pas au juge de définir la politique de l’Union européenne sur un sujet aussi important que les biotechnologies appliquées à l’agriculture » [4]. Pour l’OPECST, la Justice européenne « doit se limiter au respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités » [5]. Une position qui nécessitait d’être clarifiée car en l’état, le dossier OGM suit un chemin assez classique : le législateur (ou le gouvernement) énonce la loi et le monde juridique doit trancher le sens dans lequel l’appliquer en cas de désaccord. Classique : c’est le fonctionnement même des institutions démocratiques qui reposent sur la séparation des pouvoirs. Par contre, le législateur peut abroger, modifier ou remplacer une législation s’il considère qu’elle n’est plus valable. Interrogé sur ce point par Inf’OGM, le Président de l’OPECST, le député Jean-Yves Le Déaut, concède effectivement que « oui, il y a besoin de changer la loi » précisant que la condition à un tel travail est que le « débat soit apaisé »…
L’OPECST demande une loi cadre sur les biotechnologies
Pour l’OPECST, qui semble donc rejeter par avance les conclusions de la Cour de Justice (UE), changer la loi est aujourd’hui nécessaire : « en cas de blocage institutionnel persistant sur cette question, il conviendrait de repenser la législation européenne pour qu’elle puisse s’adapter aux nouvelles technologies en évaluant les produits et non les procédés ». Une prise de position qui ne relève pas d’un « blocage institutionnel » mais d’une volonté de redéfinir la législation européenne et internationale (Codex alimentarius, OCDE). Actuellement, ces règles définissent clairement un OGM en fonction du procédé utilisé et non du seul produit final obtenu. Mais sur ce point, l’OPECST rejoint la demande formulée depuis quelques années par l’association internationale des semenciers (IFS). L’OPECST appelle donc la France à adopter « une loi fondatrice sur les biotechnologies vertes [agricoles] » et souhaite qu’au niveau européen, « une directive européenne clarifie rapidement les questions posées par les nouvelles biotechnologies ».
Le rapport de l’OPECST ne se limite pas bien sûr au seul statut juridique des produits obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique ni à la demande d’une loi cadre française et européenne. Outre sa position sur les brevets (voir encadré ci-dessous), l’OPECST formule également des propositions concernant les comités d’experts et notamment le HCB. Des propositions qui, comme nous le verrons dans un prochain article, rejoignent d’autres dynamiques existantes qui visent à encadrer assez strictement la parole d’organisations non scientifiques…
L’OPECST affirme refuser toute « brevetabilité des gènes »
Pour l’OPECST, la propriété intellectuelle liées aux biotechnologies est « l’enjeu économique important ». Il invite donc « l’Union européenne à refuser toute brevetabilité des gènes existant déjà dans la nature, même s’ils sont obtenus par des procédés chimiques ou biotechnologiques », tout en appelant à ce qu’un « système d’innovation ouvert [soit] adossé au certificat d’obtention végétale (COV) permettant la recherche et la valorisation des ressources génétiques ». Le brevet n’est pas le seul régime de propriété industrielle. Plusieurs acteurs du monde de la semence ont d’ores et déjà formulé des propositions concernant une évolution du COV qu’il souhaitent voir aboutie en 2021. L’Union Française des Semenciers (UFS) explique ainsi sur son site Internet travailler « actuellement sur les moyens de faire coexister les deux systèmes [brevet et COV] de manière harmonieuse en conservant à chaque mode de protection sa spécificité et son objet. Le but est de trouver le bon équilibre de manière à ce que le brevet n’empiète pas sur l’exemption du sélectionneur. L’UFS participe activement aux réflexions internationales sur ces sujets » [6]. Dans le même sens, une Commission du Sénat s’est également fait l’écho d’une évolution possible du COV avec une période tampon supprimant l’exception du sélectionneur les cinq premières années suivant l’octroi du certificat. Ou comment trouver sélectivement un bon équilibre [7]…