Quels sont les risques des OGM pour la santé ?
Près de vingt ans après la première commercialisation d’une plante génétiquement modifiée (PGM), le débat sur leur innocuité reste non tranché. Pourtant, la commercialisation de ces PGM dans l’Union européenne (UE) requiert une évaluation de leurs risques sanitaires (cf. Comment sont autorisés les OGM dans l’Union européenne ?). Mais l’évaluation sanitaire des PGM n’est pas satisfaisante et actuellement peu d’étude scientifique sont correctement menées. Le fait que les Étasuniens en mangent depuis presque 30 ans n’est en aucun cas un argument valable pour conclure cette controverse [1]. En effet, l’observation globale d’une population n’est pas une étude épidémiologique (qui nécessite a minima des témoins qui n’auraient pas consommé de PGM…). Seule conclusion possible : cela permet d’affirmer que la consommation actuelle des quelques PGM commercialisées ne tue pas de façon foudroyante…
De nombreux risques sanitaires
Le vivant ne fonctionne pas mécaniquement, comme une représentation simplificatrice du génie génétique le laisserait penser. Le génome n’est pas un empilement de gènes que l’on peut couper et recoller impunément : une grande partie des fonctions de l’ADN reste encore inconnue. Et l’ADN n’est pas isolable de son contexte cellulaire. La transgenèse végétale utilise des vecteurs biologiques – bactérie comme Agrobacterium, ou virus désactivés – ou encore des canons à particules, pour insérer un nouveau gène dans des cellules en culture. L’insertion se fait en aveugle : les techniques ne permettent pas de placer le gène étranger à un endroit précis du génome, et d’en mesurer tous les effets. De plus, le nombre de transgènes insérés est aléatoire. Pour s’assurer que les cellules ont bien intégré le gène que l’on cherche à transférer, le chercheur adjoint au transgène un gène marqueur, le plus souvent un gène de résistance aux antibiotiques.
Aussi les manipulations génétiques peuvent-elles introduire des changements inattendus dans le fonctionnement des plantes transgéniques et provoquer la synthèse de nouveaux composés imprévus dans l’aliment.
Les risques sanitaires peuvent être :
nutritionnels : la modification génétique peut entraîner des perturbations non désirées du génome, lesquelles peuvent en théorie modifier l’expression ou la forme des protéines de la plante, et donc modifier l’équilibre nutritionnel d’une plante ;
toxicologiques, c’est-à-dire que la PGM, une fois consommée, peut se révéler toxique pour l’organisme. Cette toxicité peut, elle aussi, venir des perturbations engendrées par le transgène mais aussi de l’action du transgène lui-même : que devient le Roundup métabolisé par la plante ? Que devient la protéine Bt exprimée par la plante Bt dans l’estomac des poulets ou des humains ?
allergiques, c’est-à-dire que la modification génétique peut conduire à l’expression d’une protéine transgénique, complétement nouvelle, conformée ou glycosylée différemment par rapport à son homologue non transgénique, ou sur-exprimer une protéine déjà existante – qui pourrait provoquer une réaction allergique chez l’animal qui consommerait cette PGM ;
de résistance aux antibiotiques : les producteurs d’OGM utilisent des gènes de résistance aux antibiotiques pour sélectionner les cellules végétales ayant intégré le transgène à exprimer. Ces gènes, qui se retrouvent dans la PGM qui sera consommée, posent donc question car leur utilisation pourrait induire le développement d’une résistance généralisée aux antibiotiques. Nombre d’entre eux étant utilisés en médecine humaine et animale, l’Union européenne a décidé d’en interdire l’usage (du moins pour ceux dont la médecine ne peut se passer) [2].
Une littérature scientifique incomplète…
La littérature scientifique compte de nombreuses études relatives à l’analyse de risques sanitaires liés à la consommation de PGM. De façon quasi automatique, en fonction de qui conduit l’étude, de ses financements ou de ses opinions, on peut malheureusement connaître la conclusion de l’étude… L’industrie énumère souvent des milliers d’études qui concluent à l’innocuité des PGM. Ces études sont souvent conduites par l’entreprise elle-même ou par des scientifiques proches de ces dernières. A l’inverse, certaines études qui prétendent montrer des risques majeurs sur la santé ne sont jamais publiées dans une revue, ou sont tout à fait farfelues comme la fameuse étude russe du professeur Surov. Elles ne peuvent donc être formellement utilisées.
Enfin, dans nombre d’études, les conclusions formulées dépassent le strict cadre des données fournies. Selon le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) il n’existe aucune publication dans la littérature scientifique sur des études de toxicologie au long terme ou de reprotoxicité qui soit recevable [3]. Comment faire pour s’y retrouver alors ? Il serait bon que la communauté scientifique s’accorde sur des protocoles et des méthodologies adéquates…
… et de grossières lacunes scientifiques
L’analyse des risques potentiels sanitaires liés aux PGM est faite par les comités d’experts nationaux et communautaire, en étudiant les résultats d’analyses conduites par les entreprises au cours de la procédure d’examen de demandes d’autorisation (cf. Comment sont autorisés les OGM dans l’Union européenne ?). Ces dossiers sont également étudiés à la lumière de renseignements qui peuvent être collectés dans la littérature scientifique existante.
Problème : l’évaluation des risques telle qu’effectuée aujourd’hui en Europe connaît des lacunes importantes. Outre des situations de conflits d’intérêt au sein de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire (AESA), maintes fois dénoncées et préjudiciables à la confiance accordée à cet organisme, la rigueur scientifique est également remise en question. Car l’analyse de dossiers déposés comme celui du maïs MON810 et des avis de comités d’experts comme celui de l’AESA montre des lacunes importantes [4]. Ainsi, les pétitionnaires ont tendance à trier les données qu’ils soumettent aux experts, de manière à ne retenir que celles qui sont favorables ; les protocoles scientifiques sont construits de telle manière qu’on ne peut pratiquement rien conclure de l’expérience menée… Par ailleurs, des affirmations portées par des comités d’experts sont dépourvues de bases scientifiques, des conclusions sur l’absence de risques sont formulées, avec comme unique base « le poids de l’évidence », ce qui signifie qu’aucune donnée ne vient réellement étayer ces conclusions.