Actualités
Veille juridique Inf’OGM du 2 juin au 21 juillet 2025
FRANCE
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Assemblée nationale
La loi Duplomb définitivement adoptée par l’Assemblée nationale
Le 8 juillet, la proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste) a été définitivement adoptée par 316 voix contre 223 (25 abstentions). Ce texte, présenté comme voulant « lever les contraintes au métier d’agriculteur » et pendant technique de la loi d’orientation agricole (LOA) de mars 2025 (voir Veille juridique du 5 au 19 mai 2025), défait des dispositions intégrées ces 20 dernières années au code de l’environnement : ré-autorisation de trois pesticides néonicotinoïdes (acétamipride, sulfoxaflor, flupyradifurone), allègement des procédures d’autorisation pour les retenues d’eau (mégabassines, retenues collinaires) qui répondraient à une « raison impérative d’intérêt général majeur » (RIIMP), facilitation de l’élevage industriel, suppression des zones à faible émission (ZFE), mise sous tutelle préfectorale de l’Office français de la biodiversité (OFB)…
Cette adoption de la loi Duplomb a provoqué une levée de boucliers parmi les ONG environnementales, syndicats agricoles, scientifiques et citoyens. L’organisation Pollinis dénonce un texte « rétrograde et dangereux », alors que la Confédération paysanne le qualifie de « cadeau au libre échange et à l’agro-industrie ». Des scientifiques alertent de leur côté sur les dangers pour la biodiversité et la santé publique. Plusieurs acteurs rappellent, par ailleurs, l’implication de la FNSEA dans la rédaction du texte (Laurent Duplomb a été président des Jeunes Agriculteurs et de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire sous l’étiquette FDSEA, la branche départementale de la FNSEA). En outre, le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juillet par plus de 60 députés et une pétition citoyenne déposée sur le site de l’Assemblée Nationale recueillait plus de 1,5 millions de signatures au 21 juillet (500 000 issues de 30 départements sont requises pour initier un débat à l’Assemblée nationale).
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UNION EUROPÉENNE
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Conseil européen
Le Danemark prend la présidence du Conseil de l’UE
Le 1er juillet, le Danemark a pris, pour 6 mois, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Sous le slogan « Une Europe forte dans un monde en mutation », la présidence danoise annonce vouloir travailler pour une Europe « sûre », « compétitive » et « verte », en présentant la transition écologique comme essentielle pour l’atteinte de ces trois objectifs. Dans son programme officiel, la présidence danoise insiste notamment sur le besoin de simplification et de réduction des charges pour renforcer la compétitivité de l’UE.
Sur le volet agroalimentaire, le Danemark annonce « la simplification et l’amélioration de la réglementation dans les politiques de l’UE en matière d’agriculture, d’alimentation… » et, « afin d’accélérer la transition écologique et de garantir un secteur solide et orienté vers le marché », la mise en place d’un « cadre politique favorisant l’innovation et le développement dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture ». En particulier, la présidence danoise affiche sa volonté d’avancer sur la question des NTG (nouvelles techniques de modification génomique), qui « peuvent jouer un rôle central dans le développement de cultures résilientes et contribuer à une production alimentaire plus durable ». Plus généralement, le Danemark considère les « nouvelles technologies, telles que la biotechnologie et les solutions biosourcées » comme des outils « pouvant créer de nouvelles opportunités de revenus tout en soutenant la transition vers une économie plus verte ». Sur la question environnementale, la présidence danoise annonce qu’elle « fera progresser les solutions européennes aux principaux défis liés au climat, aux ressources, à la pollution, à la nature et à la biodiversité ». La présidence danoise ajoute qu’elle « s’efforcera de conclure les négociations sur les propositions concernant le matériel forestier reproductible et fera avancer les négociations sur le matériel végétal reproductible ».
Fidèle à ses positions historiques, le Danemark maintient sans surprise sa ligne sur les questions agroalimentaires. Il lui faudra cependant jouer un rôle d’arbitre dans les discussions au sein du Conseil, notamment pour favoriser un compromis sur la dérégulation des OGM/NTG actuellement débattue en trilogue avec la Commission et le Parlement. Par ailleurs, l’absence de priorités claires ou de mesures concrètes en matière de régulation biotechnologique et de biodiversité dans le programme de la présidence danoise suscite l’inquiétude de nombreux acteurs de la société civile.
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Commission européenne
Suspension du trilogue sur la dérégulation des OGM/NTG
Le 27 juin, la députée Jessica Pölfjard (PPE), rapporteuse du dossier NTG pour le Parlement européen, a demandé l’annulation de la réunion du trilogue prévue le 30 juin en raison du manque de progrès dans les discussions entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil. Le 13 juin, la présidence polonaise avait communiqué une note d’information sur leurs principales divergences : impact des brevets sur les produits issus des NTG, statut des NTG 1, traçabilité/étiquetage des produits issus des NTG 1, clauses d’opt-out pour la culture des NTG 2 et garanties environnementales. En l’absence de compromis, les négociations en trilogue ne reprendraient qu’à l’automne, après la rentrée parlementaire.
De nombreuses organisations continuent à dénoncer une précipitation de ce calendrier réglementaire et les conséquences d’une telle dérégulation des OGM/NTG sur la société civile. Dans une déclaration commune adressée aux parties au trilogue en cours, et s’appuyant sur la position du Conseil, plus de 40 organisations demandent la publication des méthodes de détection et d’identification pour protéger les agriculteurs, les consommateurs et les petits/moyens sélectionneurs des risques associés à la dissémination d’OGM/NTG. Pour rappel, l’Allemagne avait, dans un rapport gouvernemental d’avril 2025, estimé que la proposition de dérégulation des OGM/NTG était incompatible avec le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques.
Adoption du Pacte européen pour l’Océan
Le 10 juin, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté officiellement le pacte européen pour l’Océan lors de la Conférence des Nations unies sur les océans (UNOC 3) de Nice. Annoncé le 5 juin par la Commission, ce pacte, qui « vise à protéger la vie marine et à renforcer l’économie bleue » et doté d’une enveloppe d’un milliard d’euros, s’articule autour de plusieurs priorités :
- « protéger et restaurer la santé des océans ;
- stimuler la compétitivité de l’économie bleue durable de l’UE ;
- soutenir les communautés côtières et insulaires ainsi que les régions ultrapériphériques ;
- améliorer la sûreté et la défense maritimes ;
- faire progresser la recherche, les connaissances, les compétences et l’innovation concernant les océans ;
- et renforcer la diplomatie de l’UE et la gouvernance internationale sur les questions océaniques ».
Des acteurs parlementaires saluent l’existence de ce pacte tout en soulignant cependant, à l’instar du député Christophe Clergeau (groupe S&D), qu’il ne doit pas se limiter à une « déclaration d’intention ». De grandes ONG environnementales (dont Sea at Risk, Bord Life Europe, Oceana, Surfrider Foundation) avertissent de leur côté que ce pacte ne prévoit pas assez de mesures contraignantes urgentes pour protéger les océans et atteindre certains objectifs : élimination progressive des pratiques de pêche destructrices (chalutage de fond dans les zones marines protégées), adoption d’une feuille de route claire pour garantir la mise en œuvre des objectifs et obligations existants, engagements financiers publics clairs en faveur de la conservation et de la restauration des océans et en faveur des petits pêcheurs à faible impact afin de permettre une transition juste, proposition de mesures significatives pour réduire la pollution à la source (plastiques, nutriments, contaminants chimiques) et une feuille de route pour une transition juste vers une économie bleue régénératrice. On rappelle, en outre, que se tenait à Monaco, parallèlement à l’UNOC 3, le forum « Blue Economy and Finance » rassemblant décideurs et investisseurs autour de la valorisation économique des ressources marines. Ces rapprochements relancent les inquiétudes sur le cadre juridique qui sera adopté pour cette « économie bleue », au risque d’une appropriation des ressources marines et au détriment de leur accès équitable et de leur conservation (voir « Conférence UNOC sur l’Océan » dans la Veille juridique Inf’OGM du 19 mai au 2 juin).
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Retrait de la directive contre le « greenwashing »
Le 18 juin, la Commission européenne a annoncé de manière inattendue, par l’intermédiaire du porte parole Maciej Berestecki, qu’elle avait « l’intention de retirer la proposition de directive Green Claims relative aux allégations écologiques trompeuses », autrement dit le greenwashing. Cette directive, élaborée en trilogue depuis mars 2023, oblige les entreprises à fournir des preuves scientifiques de leurs arguments écologiques concernant les biens de consommation. Cette annonce de retrait intervient après de fortes pressions émanant des partis de droite, en l’espèce le PPE (parti populaire européen), qui juge le texte « trop complexe, lourd d’un point de vue administratif et coûteux », les Conservateurs et réformistes (ECR, droite souverainiste) et les Patriotes (PfE, extrême droite), mais également des lobbies industriels.
Ce projet de directive avait bénéficié d’un large soutien citoyen, ainsi que des groupes parlementaires S&D, Renew et les Verts. Pour l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, la décision de la Commission est « absolument inexplicable » : « les négociations sont en phase finale et un accord est attendu très prochainement… Sous couvert de simplification, la Commission […] trahit une fois de plus le Pacte Vert qu’elle avait appelé de ses vœux ces derniers ayant dénoncé une régression majeure de l’agenda environnemental européen ». Pour l’ONG européenne de consommateurs BEUC, la Commission « ne doit pas retirer cette proposition [de Directive], qui est essentielle pour renforcer la confiance et la transparence dans le marché unique européen… la prolifération des allégations écologiques trompeuses entraînant une confusion chez les consommateurs et un manque de confiance dans les informations environnementales ».
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INTERNATIONAL
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Convention sur la diversité biologique (CDB)
Publication d’un guide sur le « Fonds Cali »
Le 4 juillet, le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CDB) a annoncé la co-publication avec le PNUD (programme des Nations Unies pour l’environnement) et le PNUE (programme des Nations Unies pour l’environnement) d’un guide officiel consacré au Fonds Cali. Adopté à la COP 16 de Cali (Colombie) en novembre 2024, ce Fonds est l’outil financier du système multilatéral pour le partage « juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des informations sur les séquences numériques relatives aux ressources génétiques (DSI) ». Ce guide reflète la position des trois structures qui l’ont publié sur différentes questions :
- « ce qui est considéré comme une DSI »,
- « qui est censé contribuer au Fonds et dans quels secteurs »,
- « combien les contributeurs sont-ils censés payer »,
- « pourquoi est-il judicieux de contribuer au Fonds Cali »,
- « comment le Fonds peut-il aider à répondre aux besoins identifiés par les peuples autochtones et les communautés locales, principaux gardiens de la biodiversité »
- et « comment les contributions sont-elles vérifiées et explications sur les certificats délivrés par le Secrétariat du Fonds ».
La gouvernabilité et l’efficacité du Fonds Cali restent à cependant à prouver puisqu’il doit être alimenté par des contributions volontaires des entreprises qui utilisent ces ressources génétiques (groupes agro-industriels, pharmaceutiques, cosmétiques…) et tirent bénéfices de ces utilisations. Si cette publication peut être perçue comme un signe positif envers les pays du « Sud » ainsi que les communautés locales et autochtones, fournisseurs de telles ressources, plusieurs observateurs alertent sur d’autres limites structurelles du dispositif : financement irrégulier, enveloppe insuffisante, sélection restrictive des bénéficiaires du Fonds Cali… La prochaine réunion de la CDB, qui rediscutera de ces questions autour du Fonds Cali, aura lieu du 3 au 6 septembre 2025 à Bonn (Allemagne).
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Office européen des brevets
Maintien du brevet sur la pastèque BASF/Nunhems
Le 11 juillet, la division d’opposition de l’Office européen des brevets (OEB) a confirmé, à l’issue d’une procédure orale, le maintien du brevet détenu par BASF/Nunhems sur un brevet sur une pastèque à croissance buissonnante, issue d’un simple croisement entre deux variétés existantes. Cette pastèque, obtenue par un procédé essentiellement biologique, n’est pas considérée comme une véritable invention, et l’OEB exclut normalement ce type de procédé et ses produits de la brevetabilité. Cette décision finale de l’OEB rejette pourtant l’appel déposé par le collectif No Patents on Seeds, qui contestait la décision de première instance de l’OEB qui avait maintenu ce brevet suite à l’opposition au motif notamment que le procédé était essentiellement biologique.
Cette confirmation de l’OEB illustre une nouvelle fois la mise en œuvre artificielle des dispositions concernant la brevetabilité des produits issus de procédés essentiellement biologiques. En effet, cette demande de brevet ayant été déposée en février 2012, elle échappe à la règle 28 (2) de la Convention sur le brevet européen (CBE) qui exclut de la brevetabilité les produits obtenus exclusivement au moyen d’un procédé essentiellement biologique. Cette règle ne s’applique qu’aux demandes de brevets déposées à partir du 1er juillet 2017. Cette décision de l’OEB continue à alimenter les craintes de confiscation du vivant par quelques grandes firmes semencières, menaçant l’autonomie des sélectionneurs et la diversité génétique disponible pour les paysans. Les ONG dénoncent dans cette décision une dérive qui compromet l’esprit de la CBE, malgré l’introduction de la règle 28(2).
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Suisse
Prolongation du moratoire sur le génie génétique et loi « NTG »
Le 5 juin, la Suisse a voté une prolongation de cinq ans du moratoire sur les cultures sur le génie génétique qui devait expirer fin 2025. Cette décision vise essentiellement à permettre l’adoption d’une loi spéciale concernant les « nouvelles techniques de sélection végétale », équivalent des NTG (ou nouvelles techniques de modification génomiques) dans l’Union européenne (UE). Le Conseil Fédéral avait ouvert une consultation publique par laquelle une majorité de citoyens et d’organisations agricoles se sont prononcés en faveur d’un encadrement strict de ces « NTG suisses », notamment une obligation d’étiquetage et de traçabilité.
Ces dispositions placent la Suisse en marge de l’UE qui n’exclut pas une dérégulation totale des NTG. Mais pour certaines organisations suisses comme Uniterre, qui s’est officiellement exprimée le 7 juin, ce projet fédéral doit être combattu. Le syndicat paysan dénonce une tentative d’introduction des NTG « par la petite porte », sans véritable débat démocratique ni évaluation des impacts socio-économiques et écologiques. Uniterre estime que ce projet de loi « augmente de la dépendance vis-à-vis des multinationales agro-industrielles, renchérit la production en raison des droits de licence, entrave de plus en plus la biodiversité et la conventionnelle en raison de la perte des ressources génétiques disponibles et entrave ainsi également la production sous label (p. ex. Bio Suisse, Demeter) ». Ces critiques sont partagées par d’autres acteurs européens (ex. ECVC) qui dénonce la déréglementation progressive des biotechnologies agricoles.
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Afrique du sud
Entrée en vigueur d’un nouveau système de droits des obtenteurs
Depuis le 1er juin 2025, l’Afrique du Sud applique un nouveau système de protection des obtentions végétales, remplaçant la loi de 1976. Cette réforme vise à aligner la législation sud-africaine sur l’Acte de 1991 de l’UPOV, tout en s’inspirant du système européen de protection communautaire (UE) des variétés végétales. La nouvelle loi, approuvée dès 2018, introduit plusieurs changements significatifs. Désormais, la durée de protection est portée à 30 ans pour les arbres fruitiers, les vignes, la canne à sucre et les pommes de terre, et à 25 ans pour toutes les autres espèces, une durée supérieure aux exigences minimales de l’UPOV. La loi sud-africaine introduit également des sanctions pénales en cas de contrefaçon, pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Concernant le « privilège des agriculteurs », qui permet de réutiliser des semences protégées par un droit de propriété intellectuelle, seuls les « petits exploitants, les agriculteurs de subsistance et les ménages vulnérables » peuvent conserver certaines semences, dans des quantités très limitées, sous peine de devoir informer le titulaire du droit et verser une redevance. La loi prévoit par ailleurs la mise en place d’un comité consultatif représentatif des différents acteurs concernés : obtenteurs, agriculteurs, populations autochtones, experts juridiques et environnementaux.
Cette réforme en Afrique du Sud illustre l’influence croissante du modèle européen, notamment à travers l’allongement des durées de protection au-delà des normes fixées par l’UPOV. Elle s’inscrit dans une tendance plus large observée sur le continent, à l’image de la Zambie, qui s’est récemment rapprochée de l’UPOV sous l’influence d’acteurs internationaux privés, susceptibles d’avoir des intérêts dans de telles évolutions législatives.
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