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Veille juridique Inf’OGM du 19 mai au 2 juin 2025

Par Denis MESHAKA

Publié le 03/06/2025

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FRANCE

La loi « Duplomb » renvoyée en commission paritaire mixte

Le 28 mai, l’Assemblée nationale a, de manière inattendue, adopté une « motion de rejet » de la proposition de loi « Duplomb » censée « lever les contraintes au métier d’agriculteur ». Après avoir été adoptée en première lecture par le Sénat en mars 2025 (voir Veille juridique du 5 au 19 mai 2025), la proposition aurait dû faire l’objet d’un vote de l’Assemblée nationale. Or, dès le deuxième jour de débat, les députés du socle gouvernemental ont choisi de clore l’examen en séance et de renvoyer la proposition directement en commission mixte paritaire où les deux assemblés parlementaires devront s’entendre sur un texte commun. Le recours à ce mécanisme, qui permet à l’Assemblée d’éviter l’examen des très nombreux amendements déposés par les députés, a été dénoncé par de nombreux élus comme un contournement des règles démocratiques.

Sous couvert de simplification, la loi Duplomb opère un net recul en matière environnementale. Elle facilite notamment l’extension de l’élevage intensif, assouplit l’usage des pesticides et affaiblit des normes censées protéger les écosystèmes et la santé publique. Si elle est soutenue par la FNSEA, d’autres syndicats, comme la Confédération paysanne, y voient un texte taillé pour les grands acteurs agricoles, au détriment des paysans et de la transition agroécologique. Le recours à une commission mixte paritaire sans examen complet des amendements a renforcé les critiques : cette procédure accélérée empêche tout débat approfondi sur un texte pourtant structurant pour l’avenir du modèle agricole français.

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UNION EUROPÉENNE

Accord sur un mécanisme de licence obligatoire de brevet en cas de crise

Le 15 mai, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord sur un nouveau règlement permettant à l’Union européenne (UE) d’imposer des licences obligatoires de brevet en cas de crise. Il s’agit de garantir l’accès rapide à certains produits, tels que les vaccins ou les puces électroniques, lors d’urgences sanitaires ou industrielles affectant plusieurs États membres. Dans ces situations, la Commission pourra autoriser temporairement la production d’un produit protégé par un brevet, sans l’accord du titulaire de celui-ci. Cette licence obligatoire s’accompagnera d’une rémunération du titulaire et de conditions de production et de distribution, encadrées par des sanctions en cas d’infraction. L’accord limite son champ d’application aux seules situations d’urgence transfrontalière, excluant les domaines de la défense.

Par ce nouveau cadre juridique, l’UE se permet d’intervenir plus rapidement en cas de crise, mais son champ d’application demeure restreint aux seuls secteurs de la santé et de la technologie. Des crises pouvant survenir dans le domaine agricole et alimentaire, l’accès à des ressources phytogénétiques possiblement couvertes par des droits de brevets pourrait aussi s’avérer nécessaire. Le règlement ne prévoit pas explicitement l’inclusion de ces situations, alors même que la sécurité alimentaire figure parmi les enjeux stratégiques européens. Cette restriction sectorielle soulève des questions sur la cohérence de la réponse juridique de l’UE face à des menaces transversales et sur la nécessité d’envisager, à l’avenir, une prise en compte de l’essentialité du secteur agricole.

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INTERNATIONAL

Des ONG s’opposent à un brevet de Vilmorin sur la tomate

Le 23 mai, un collectif réunissant 44 opposants (ONG, semenciers, jardiniers,…), dont No Patent On Seeds, a déposé un acte d’opposition contre le brevet européen EP3629711 du semencier français Vilmorin (groupe Limagrain). Ce brevet, délivré par l’Office européen des brevets (OEB), porte sur une tomate dotée d’une résistance au virus ToBRFV (Tomato Brown Rugose Fruit Virus) conférée par un locus situé sur le chromosome 11. Le collectif conteste notamment la qualification d’« invention technique » pour cette tomate, arguant que ses caractéristiques sont issues de croisements conventionnels, donc non brevetables au regard de la Convention sur le Brevet européen (CBE).

Le brevet EP3629711 disposant d’une date de priorité au 1er juin 2017, l’exclusion de brevetabilité des produis issus de procédés essentiellement biologiques (règle 28(2) CBE) ne s’applique pas. En effet, selon la décision G 3/19 de la Grande Chambre de recours de l’OEB, cette exclusion ne concerne que les demandes déposées ou prioritaires après le 1er juillet 2017. Ce contexte juridique explique pourquoi l’OEB a pu accorder un tel brevet sur une plante obtenue par croisement conventionnel. L’accès au matériel végétal portant ce trait est conditionné à des licences coûteuses, ce qui exclut de fait les petits sélectionneurs et agriculteurs. Sans le savoir, il est possible que certains d’entre eux exploitent déjà ce trait de résistance, qui peut être présent naturellement dans leurs variétés de tomates. De nombreux acteurs continuent à appeler l’UE à intervenir clairement pour exclure de manière explicite la brevetabilité des plantes issues de la sélection conventionnelle, y compris dans le cadre des nouvelles techniques génomiques.

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Conférence UNOC sur l’Océan

Du 9 au 13 juin, se tiendra à Nice la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 3). Elle vise à mettre en œuvre l’objectif de développement durable n°14 (ODD 14) – « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable » – en se fixant trois priorités :
i) œuvrer à l’aboutissement des processus multilatéraux liés à l’océan pour rehausser le niveau d’ambition pour la protection de l’océan ;
ii) mobiliser des financements pour conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable (ODD14) et soutenir le développement d’une économie bleue durable ;
iii) renforcer et mieux diffuser les connaissances liées aux sciences de la mer pour une meilleure prise de décision politique.

Cette conférence UNOC 3 abordera le sujet de la biodiversité marine et de la gouvernance des ressources génétiques marines dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, notamment à travers la mise en œuvre du traité sur la haute mer récemment adopté. Programmé en parallèle de l’UNOC 3, le « Blue Economy and Finance Forum » réunira en outre à Monaco, les 7 et 8 juin, décideurs publics, acteurs industriels et investisseurs autour de la valorisation économique des ressources marines.

Malgré l’accent affiché sur la durabilité et la gouvernance des océans, ces événements soulèvent à nouveau des interrogations quant au cadre juridique encadrant l’accès et l’exploitation des ressources génétiques marines. Dans un contexte où l’appropriation par brevets de ressources génétiques terrestres fait déjà débat, l’exploitation commerciale croissante des organismes marins, et en particulier de leurs séquences génétiques, pourrait se développer dans un cadre juridique inapproprié. Le risque est de voir se répéter, en mer, les mêmes logiques d’appropriation et de concentration des droits que celles déjà à l’œuvre sur les plantes cultivées, au détriment de l’accès équitable aux ressources génétiques et des efforts de conservation.

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