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INDE – Monsanto admet l’échec d’une variété de coton Bt : pour mieux vendre la suivante ?
Dans une lettre adressée au Comité indien d’Approbation du Génie Génétique (GEAC), Monsanto reconnaît que son coton transgénique Bt Bollgard I n’est plus efficace contre un ver du coton qu’il était pourtant sensé tuer. Et en profite pour vanter la deuxième génération : le coton transgénique Bt Bollgard II.
Le coton Bt Bollgard I a été autorisé en 2002 et est cultivé dans neuf Etats indiens. Après huit années de commercialisation, Monsanto annonce avoir détecté une déficience pour ce coton Bt, modifié par transgénèse pour exprimer la toxine insecticide Cry1Ac : des vers roses de la capsule du coton [1] sont devenus résistants à la toxine produite par ce coton Bt. La résistance a été découverte suite à des essais en champs conduits par Monsanto dans quatre comtés (Amreli, Bhavnagar, Junagarh et Rajkot) de l’Etat du Gujarat en 2009, essais réalisés afin d’évaluer l’efficacité de ce coton Bollgard I.
Pour l’entreprise, la résistance au coton Bollgard I est « naturelle et même attendue » [2]. Non pas que ce coton soit intrinsèquement mauvais, mais, selon Monsanto, à cause des agriculteurs indiens qui d’une part, n’auraient pas respecté les zones refuges requises pour ce type de culture et d’autre part, auraient cultivé du coton Bollgard I avant même qu’il soit autorisé par le gouvernement indien… D’où venait-il ? L’entreprise est muette sur cette question, mais Inf’OGM avait déjà rapporté la commercialisation de coton Bt par Navbharat Seed et non par Monsanto, cette dernière ayant obtenu la reconnaissance de son brevet sur ce coton en décembre 2004 [3].
Mais face à cet « échec » du coton Bollgard I, Monsanto rappelle disposer d’ores et déjà du coton Bollgard II, « plus efficace », précise-t-elle. Et c’est dans cette volonté de commercialiser en priorité ce coton Bollgard II que se trouve la véritable motivation de Monsanto à reconnaître publiquement le défaut de son premier coton, selon Devinder Sharma, du Forum sur les Biotechnologies et la sécurité Alimentaire [4]. Le Bollgard II, commercialisé depuis 2006 en Inde, contient deux protéines toxiques et non plus une seule : Cry1Ac et Cry2Ab. Selon un article du Times of India [5], une note interne du ministère de l’Environnement confirme que Monsanto « ne serait pas très encline à continuer avec ce coton monotransgénique (la variété actuelle Bollgard I), une décision de justice lui imposant de vendre cette variété de coton Bt à un prix plus bas ». Cette décision de 2006 limite le prix du kilo de semences à 7,2 euros [6] alors que le coton Bollgard II était vendu à plus de 16 euros le kilo en 2007 [7] !
Enfin, K.R. Kranthi, directeur de l’Institut Central de recherche sur le Coton (CICR), considère que le principal problème n’est pas tant l’apparition de résistance chez les vers roses de la capsule – il questionne d’ailleurs l’interprétation des résultats des essais menés par Monsanto dans le Gujarat – que l’apparition d’autres parasites sur les cultures de coton, parasites qui n’étaient pas présents avant et qui sont apparus « par coïncidence après l’introduction du coton Bt » [8].
Le coton Bt Bollgard est depuis 2002 l’objet de nombreuses controverses en Inde. Des controverses qui ne portent pas seulement sur le développement de résistance à la toxine par les organismes cibles. En 2009, l’organisation Navdanya publiait un rapport dans lequel elle affirmait que « le coton Bt rend les sols non fertiles en réduisant l’activité microbienne » [9]. En 2008, on apprenait que, dans la région de Vidarbha (Etat du Maharashtra), le coton Bt avait été détruit à 60% par une maladie causée par un champignon, après avoir été sujet à une attaque de pseudococcine (une cochenille) [10].
[1] Pectinophora gossypiella ou pink bollworm en anglais
[3] cf. Inf’OGM n°66, juillet 2005, INDE – Semences piratées de coton Bt
[9] cf. Inf’OGM ACTU n°19, avril 2009, INDE – Le coton Bt “tue” les sols selon l’association écologiste Navdanya
[10] cf. Inf’OGM ACTU n°15, décembre 2008, INDE – L’échec du coton Bt est-il responsable des suicides d’agriculteurs ?