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Colombie : le gouvernement a détruit 4000 tonnes de « semences illégales » en trois ans
Du 19 août au 11 septembre 2013, les agriculteurs colombiens ont massivement protesté, notamment en bloquant de nombreux accès routiers, contre le manque de soutien du gouvernement : bas prix des importations suite aux accords de libre échange (ALE) signés avec les États-Unis (en vigueur depuis 2012) et l’Union européenne (UE, en vigueur depuis le 1er août 2013) ; accaparement des terres par des grandes entreprises, notamment brésiliennes, étasuniennes ou israéliennes ; application stricte de la « résolution 970 » pour interdire aux paysans la réutilisation de leurs semences… sont parmi les griefs les plus souvent avancés. Rejoints par de nombreux autres secteurs de la société (travailleurs de l’industrie pétrolière, mineurs, camionneurs, professionnels du secteur de la santé, étudiants, et aujourd’hui professeurs), cette mobilisation a été massive et parfois violente [1]. Un film a été produit pour populariser la résistance paysanne et leur lutte contre cette « Ley 9.70 » [2].
Depuis son adhésion à la Communauté andine, à l’OMC et à l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) en 1996, la Colombie a adopté des règles protégeant les droits des obtenteurs. Ainsi, si un agriculteur veut utiliser des semences locales (criollas), il doit « obtenir l’autorisation du gouvernement, ne peut le faire qu’une fois par an et que sur un maximum de cinq hectares, uniquement pour l’autoconsommation (il ne peut pas vendre sa récolte) » [3]. On devine avec ces restrictions comment le petit paysan est affecté. Mais jusqu’à l’avènement récent des ALE, ces règles étaient peu appliquées. En effet, comme le souligne l’ONG GRAIN, les accords de libre échange (ALE) avec les États-Unis et l’UE obligent le gouvernement colombien à « assurer des droits de monopole légal sur les semences vendues par des sociétés américaines et européennes à titre d’incitation pour leur permettre d’investir en Colombie » [4]. Désormais, le contrôle sur les semences s’est intensifié : « les autorités colombiennes ont pris d’assaut les entrepôts et des camions de riziculteurs dans Campoalegre, dans la province de Huila, et ont violemment détruit 70 tonnes de riz qui, selon elles, n’avaient pas été traitées conformément à la loi » [5]. La raison de cette destruction est double : tout d’abord, parce qu’il s’agissait de semences non certifiées, donc considérées comme porteuses d’un risque sanitaire par l’ICA, l’Institut colombien agraire ; ensuite, parce qu’aucunes de ces semences n’étaient dans des sacs originaux, mais dans des sacs de farine et de fertilisants, ce qui, toujours selon cet institut, pouvait les contaminer [6]. Au cours des trois ans d’existence de la « Résolution 9.70 » (2010-2012), le gouvernement a rejeté ou détruit 4 271 tonnes de « semences illégales », en l’occurrence des semences issues de récoltes paysannes, conservées pour le semis suivant.
Suite à ces protestations, le gouvernement colombien a annoncé le 4 septembre la suspension de cette « résolution 9.70 » pour une période de deux ans [7]. Cette suspension ne s’applique qu’aux semences produites dans le pays, et non aux semences importées. Le gouvernement indique qu’il profitera de ces deux ans de suspension pour établir de nouvelles règles sur un usage des semences « qui n’affecteraient pas les petits agriculteurs » [8].
A noter que la Colombie a autorisé les cultures commerciales de coton et soja GM de Monsanto.
[1] Sept morts sont à déplorer d’après le site http://economia.elpais.com/economia/2013/09/11/agencias/1378854911_857928.html
[2] http://www.youtube.com/watch?v=SRZk0D1WqRw (en espagnol)
[3] http://www.grain.org/article/entries/4781-soulevement-des-agriculteurs-colombiens-les-semences-sous-les-feux-de-l-actualite
[4] Ibid
[5] Ibid
[8] cf. note 3