Actualités

CETA – Le saumon OGM sera-t-il importé dans l’UE ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 02/08/2019

Partager

Parce que c’est sa vocation, le CETA – accord commercial entre le Canada et l’Union européenne – va augmenter les échanges commerciaux entre ces pays. Parmi les produits agricoles du Canada, le saumon transgénique, seul animal transgénique autorisé à la consommation humaine [1]. L’Union européenne, où il est interdit, saura-t-elle en éviter son importation ?

Le CETA – accord commercial entre le Canada et l’Union européenne – a été ratifié par l’Assemblée nationale le 17 juillet 2019 [2]. Il doit encore passer devant le Sénat, sans doute en octobre.

Le Canada a autorisé de nombreuses variétés OGM, transgéniques ou non, et la question de leur entrée sur le territoire européen se pose. Ainsi, par exemple, plusieurs articles mentionnent la possibilité que le saumon transgénique, autorisé au Canada, débarque dans nos assiettes [3].

L’Union européenne exige que tout OGM transgénique importé sur son territoire soit autorisé en tant que tel. Pour cela, l’entreprise qui souhaite vendre un de ses OGM transgéniques dans l’UE doit déposer un dossier d’autorisation, qui est étudié par l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) et ensuite proposé au vote des États membres.

Un saumon interdit à l’importation dans l’UE

Actuellement AquaBounty (une filiale d’Intrexon [4]), qui a mis au point ce saumon transgénique, n’a pas déposé de dossiers d’autorisation à l’importation dans l’Union européenne. Donc légalement, ce saumon ne peut pas se retrouver dans nos assiettes.

Cependant, deux éléments pourraient faire que cette légalité ne soit pas contrôlable. Le Canada n’impose pas l’étiquetage des produits OGM. Ainsi, si ce saumon venait à arriver aux frontières européennes, aucune information ne permettrait aux douaniers de connaître la nature du saumon, ou des plats qui en contiennent. Ces derniers devraient alors tester l’ensemble des aliments en provenance du Canada qui contiennent ou pourraient contenir du saumon. Or il est impossible de tout tester, c’est un fait. Mais au-delà, se pose la question de l’outil pour détecter ces transgènes.

Dans un rapport remis au Premier ministre en 2017 [5], il est pourtant clairement indiqué que « s’agissant notamment des produits OGM ou à base d’OGM (…), il est indispensable que ces produits fassent l’objet d’un étiquetage explicite, y compris pour les produits transformés en application du règlement (CE) n°1829/2003. Ceci pose la question de la traçabilité de ces produits, sachant que les OGM ne sont pas étiquetés en tant que tels au Canada… ».

Quelle capacité pour détecter ce saumon GM ?

La Commission botte en touche. Elle considère que si de tels produits venaient à arriver en Europe, « l’étiquetage obligatoire en vigueur dans l’Union européenne s’appliquerait, et ce, quelles que soient les règles d’étiquetage en vigueur hors UE ».

La question est donc de savoir si les autorités européennes et nationales ont la capacité technique, logistique et humaine pour détecter la présence de ce saumon. Sur le site de l’Union européenne qui relate les différentes méthodes de détection des variétés transgéniques [6], nous n’avons rien trouvé qui permette d’affirmer que nous savons détecter ce saumon. Interrogé par Inf’OGM, Hendrik Emons, du Joint Research Center (JRC) nous précise : « Le laboratoire de référence pour l’Union européenne sur les aliments génétiquement modifiés (European Union Reference Laboratory for GM Food and Feed – EURL GMFF) et le Réseau européen des laboratoires en charge des OGM (ENGL) ont discuté de cette question et l’un des membres de l’ENGL a pu développer et publier une méthode de détection correspondante (Debode et al., Food Analytical Methods (2018) 1 : 2396). Avec cette méthode, les laboratoires de contrôle de l’UE sont en mesure de détecter la présence de ce saumon génétiquement modifié. Malheureusement, la société américaine qui produit ce saumon génétiquement modifié n’a jamais fourni d’échantillons de leur produit à l’EURL GMFF, malgré plusieurs demandes. Par conséquent, nous n’avons pas pu valider ni publier de méthode de détection sur notre site Web ».

Dans le compte-rendu de la 28° plénière de l’ENGL, qui s’est tenue en 2017, il est écrit également : « La DG SANTE a également indiqué qu’une méthode de détection du saumon génétiquement modifié avait été fournie par AquaBounty mais sans matériel de référence ni échantillon de contrôle positif ». Et plus loin : « Le laboratoire CRA-W (Centre wallon de recherches agronomiques) a mis au point deux méthodes pour détecter les séquences transgéniques de saumon GM. Les méthodes ont d’abord été testées sur l’ADN plasmidique, car aucun ADN génomique réel ou contrôle positif n’était disponible. Les méthodes ont ensuite été vérifiées en 2017 par le ministère allemand de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire (BVL, Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit) sur l’ADN génomique fourni par AquaBounty. Une seule des deux méthodes a correctement fonctionné sur les échantillons d’ADN génétiquement modifiés testés. AquaBounty a soumis une méthode de détection à la Food and Drug Administration (FDA) et à la DG SANTE, mais aucune information n’est publiquement disponible, cette méthode étant couverte par un accord de confidentialité. (…) Les laboratoires allemands ont obtenu de la société des quantités limitées d’ADN génomique de saumon génétiquement modifié, mais le matériel est couvert par un accord de transfert de matériel (Material Transfer Agreement, MTA). Le CRA-W a annoncé qu’un plasmide avait été mis au point pour servir de contrôle et a proposé de partager des informations sur la détection et les contrôles du saumon génétiquement modifié avec d’autres membres de l’ENGL ».

Il existe aussi des kits de détection mis en vente par des entreprises comme Eurofins [7] ou Identificabio [8] mais leur fiabilité n’est pas garantie, puisqu’il n’y a pas eu de tests inter-laboratoires publiés.

Faire confiance au Canada ?

Mais au-delà des considérations techniques, tout porte à croire que dans un premier temps, ce saumon ne se retrouvera pas dans nos assiettes. En effet, le CETA n’apporte quasiment aucun avantage en termes de prix. Avec cet accord, le droit de douane européen sur le saumon passe en effet de 2% à 0%. Et d’après le site des Décodeurs mis en place par la Commission européenne, « paradoxalement, ce saumon transgénique est vendu plus cher que le saumon conventionnel, car il est présenté comme plus “durable”, dans la mesure où il pèse moins sur les ressources naturelles en se développant plus vite  » [9]. Enfin, entre 2014 et 2016, l’UE a importé très peu de saumon de cette espèce, à savoir le saumon Atlantique (Salmo salar). Ce sont les autres espèces qui sont importées. Si ce poisson était amené à être commercialisé en Europe, il serait soumis à des contrôles, car ceux-ci « ne dépendent pas des accords commerciaux conclus par l’UE », ajoute la Commission européenne. Ces contrôles sont effectués «  au départ  », « à la frontière » et « sur le marché  », détaille-t-elle encore, indiquant ainsi qu’elle fait confiance au Canada pour contrôler ses exportations vers l’Europe.

Actualités
Faq
A lire également