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Un bug dans les châtaigniers OGM
Les châtaigniers OGM ont souvent été promus, lors de réunions internationales, comme une solution à la disparition du châtaignier d’Amérique (au congrès de 2021 de l’UICN par exemple) [1]. Les techniques de modification génétique sont présentées comme un outil au service de la conservation de la biodiversité. Mais cette promesse, comme d’autres, s’effrite. Et ce sont les chercheurs qui ont modifié génétiquement ce châtaignier pour qu’il résiste au mildiou qui tempèrent aujourd’hui leurs propos et révèlent des problèmes inattendus. Ce projet a été initié il y a plus de dix ans et a mobilisé plusieurs millions de dollars.
C’est au cours d’un séminaire en ligne, le 15 septembre 2023, intitulé « Chestnut Chat », organisé par l’American Chestnut Foundation (TACF), que les chercheurs du College of Environmental Science and Forestry (SUNY-ESF) de l’Université de l’État de New York ont fait quelques aveux : le châtaignier américain génétiquement modifié « Darling 58 » (D58) n’est pas la solution miracle promise pour le rétablissement de l’espèce. Il a été révélé, par ces chercheurs, que l’arbre pousse plus lentement et moins haut qu’ils ne l’espéraient, que la tolérance au mildiou n’était pas à la hauteur de leur attente et aléatoire, et que les essais sur le terrain ne permettent pas en l’état de refléter les conditions réelles, à savoir le croisement entre des châtaigniers OGM et sauvages.
En 2018, SUNY-ESF a demandé au service d’inspection de la santé animale et végétale du ministère étasunien de l’agriculture (USDA-APHIS) l’autorisation de disséminer son châtaignier génétiquement modifié « Darling 58 » (D58) dans les forêts afin qu’il se croise intentionnellement avec des arbres sauvages et qu’il se propage de lui-même [2]. Ce serait la première fois qu’une plante génétiquement modifiée est disséminée hors de contrôle à dessein dans la nature. Malgré la reconnaissance de ces déboires, les chercheurs du SUNY-ESEF n’ont pas retiré cette demande auprès de l’USDA. L’USDA finalisera donc son avis prochainement.
La Campagne pour l’arrêt des arbres génétiquement modifiés (Campaign to STOP GE Trees) précise que les chercheurs ont déclaré avoir besoin d’une déréglementation pour pouvoir tester ce châtaigner dans des conditions de forêt sauvage, plus proche de la réalité que les essais en champs [3]. Les chercheurs ont également confirmé qu’ils cherchaient à obtenir la déréglementation du D58 parce qu’elle faciliterait la déréglementation des futurs châtaigniers américains génétiquement modifiés présentant d’autres caractéristiques génétiquement modifiées. « Ils souhaitent cette déréglementation afin […] de créer un précédent réglementaire qui permettrait de rationaliser les futures approbations d’autres châtaigniers génétiquement modifiés », continue la Campagne pour l’arrêt des arbres OGM. Effectivement, ces chercheurs auraient affirmé, précise la Campagne, qu’ « à l’avenir, les examens réglementaires […] seront beaucoup plus faciles […] dans certains cas, il pourrait être entièrement exempté de la réglementation d’une ou de plusieurs agences ». Les militants de cette campagne internationale, eux, demandent le rejet immédiat par l’USDA de la demande de déréglementation du châtaignier d’Amérique génétiquement modifié D58. En effet, « si ces arbres génétiquement modifiés défectueux sont plantés dans nos forêts, leurs graines et leur pollen génétiquement modifiés expérimentaux contamineront inévitablement et de manière irréversible les châtaigniers d’Amérique sauvages qui poussent dans la forêt », a déclaré Anne Petermann, du Global Justice Ecology Project. Loin de « restaurer » les châtaigniers d’Amérique, la déréglementation des châtaigniers génétiquement modifiés pourrait signifier leur disparition définitive.
Le 8 décembre, The American Chestnut Foundation (TACF), elle, annonçait qu’elle ne soutiendrait plus ce projet [4]. Mais elle n’arrête pas pour autant de croire que les OGM peuvent aider, à terme, à restaurer le châtaignier d’Amérique. « Si les arbres Darling n’ont pas d’effets négatifs sur l’environnement naturel, nous estimons qu’ils pourraient entraver le déploiement futur de populations de châtaigniers d’Amérique résistantes aux maladies », déclare Sara Fern Fitzsimmons, responsable de la conservation à la TACF. « La distribution prématurée de cette variété ou d’autres variétés de qualité inférieure pourrait également fausser la perception du public à l’encontre des solutions biotechnologiques pour sauver les espèces d’arbres forestiers menacées », poursuit-elle. La TACF conclut : « Avec de la patience et la persévérance de la meilleure science, nous fournirons des châtaigniers d’Amérique résistants aux maladies aux gestionnaires forestiers et aux propriétaires terriens ».
D’après la Campagne pour l’arrêt des arbres OGM, cette Fondation s’intéresse également à d’autres essences, comme le frêne et l’orme.