Une biodiversité préservée augmente les rendements
Une méta-étude [1] montre que la biodiversité est essentielle pour maintenir des rendements élevés et stables des cultures. Inf’OGM a interviewé l’un de ses auteurs : Matteo Dainese, chercheur à l’Institute for Alpine Environment.
Inf’OGM – Pouvez-vous présenter la problématique de votre recherche ?
Matteo Dainese (MD) – La nature est un fournisseur de services vitaux pour l’agriculture à bien des égards. Les arbres fruitiers et autres cultures dépendantes des pollinisateurs sont pollinisés par des insectes sauvages comme les bourdons, les abeilles solitaires ou les mouches. D’autres insectes comme les coccinelles prédatrices ou les coléoptères se nourrissent de parasites qui, autrement, endommageraient ou même détruiraient les cultures. Tous ces organismes jouent un rôle clé dans les agro-écosystèmes en assurant de multiples fonctions essentielles à la production alimentaire. La conversion continue de terres naturelles ou semi-naturelles en terre agricole et l’apparition de champs de plus en plus vastes – un processus appelé simplification du paysage – menacent la biodiversité agricole en tuant la nourriture des insectes et les ressources. Avec la diminution du nombre d’insectes, les services écosystémiques fournis par les insectes pourraient également diminuer. Cependant, on ne sait pas encore très bien comment ces changements affectent le nombre et la composition de ces espèces et, en fin de compte, comment la production agricole pourrait changer en conséquence.
Quelle méthodologie avez-vous utilisée ?
MD – Pour résoudre ces questions, nous avons comparé les données d’environ 1 500 champs agricoles dans le monde, couvrant une variété de paysages : des cultures de maïs en Amérique aux champs de colza en Suède, des plantations de café en Inde aux manguiers d’Afrique du Sud et aux cultures céréalières des Alpes. Nous avons analysé la diversité des insectes pollinisateurs et des insectes nuisibles sur ces sites, ainsi qu’une évaluation des services de pollinisation et de lutte biologique contre les parasites. En bref, nous avons examiné les processus régulés par la nature qui sont bénéfiques et gratuits pour l’homme, également appelés services écosystémiques.
Quels sont vos principaux résultats ?
MD – Nous avons constaté que les paysages hétérogènes (ceux où la variabilité des cultures, des haies, des arbres et des prairies est plus importante) abritent des populations plus abondantes et plus diversifiées de pollinisateurs sauvages et d’insectes bénéfiques. Dans l’ensemble, la richesse en espèces des organismes fournisseurs de services peut augmenter d’environ 40 % dans ces paysages. Cela conduit directement, non seulement à une pollinisation accrue et à un meilleur contrôle biologique des parasites (l’apport de services écosystémiques a plus que doublé), mais aussi à un meilleur rendement des cultures. D’autre part, la simplification des paysages rend les cultures moins productives malgré les apports externes d’engrais et de pesticides. Jusqu’à la moitié de ces effets néfastes de la simplification du paysage sont dus à la perte d’insectes fournisseurs de services.
En résumé, notre document montre que la biodiversité est essentielle pour assurer la fourniture de services écosystémiques et maintenir des rendements élevés et stables des cultures. Par exemple, un agriculteur peut dépendre moins des pesticides pour se débarrasser des insectes nuisibles si la lutte biologique naturelle est renforcée par une plus grande biodiversité agricole. Avec les changements mondiaux actuels, la valeur de la biodiversité des terres agricoles assurant une plus grande résistance aux perturbations environnementales deviendra encore plus importante.
Ces résultats fournissent donc des arguments solides pour promouvoir l’adoption de pratiques et de politiques agricoles fondées sur la science qui améliorent simultanément la protection de la biodiversité et la production de denrées alimentaires. Toutefois, de nombreux conflits socio-économiques empêchent une intégration à plus grande échelle de ces pratiques agro-écologiques. Le défi majeur sera donc de contribuer à la mise en œuvre d’un système de gestion des paysages qui profite à tous – à la nature et à l’humanité. Cela nécessitera une participation collective des agriculteurs, des citoyens, des organisations à but non lucratif et des agences gouvernementales.
[1] A global synthesis reveals biodiversity-mediated benefits for crop production (Une synthèse mondiale révèle les avantages de la biodiversité pour la production agricole), Sci Adv. 2019 Oct ; 5(10) : eaax0121, Published online 2019 Oct 16. doi : 10.1126/sciadv.aax0121