Un plaidoyer pour les semences paysannes
Phytogénéticien des plantes, R.A. Brac a choisi de consacrer sa vie professionnelle au service de la biodiversité cultivée, chemin qu’il explique en partie dans son avant-propos par l’influence d’un professeur de génétique, Jean Pernès, « exemplaire [sur la] co-évolution des plantes domestiquées avec les savoirs-faire des communautés paysannes ».
Co-fondateur d’Inf’OGM, dont il fut un très proche compagnon de route les premières années, R.A. Brac a déjà écrit de nombreux ouvrages sur le thème des OGM et des brevets. Mais il s’intéresse aussi à la face positive de ce combat, celle des semences paysannes, notamment dans le cadre de l’association BEDE (biodiversité, échanges et diffusion d’expériences), et en collaboration étroite avec le réseau semences paysannes.
Sa dernière livraison est justement un vibrant plaidoyer pour ces semences paysannes, dont il s’attache à décrire, non seulement les menaces dont elles font l’objet, mais aussi les conditions de leur renouveau. Soulignant la fragilité des systèmes de conservation ex situ (avec l’exemple de la destruction en une après-midi, par un typhon, de la banque de gènes de Los Banos aux Philippines), mais aussi leur faiblesse en terme de divorce avec l’environnement (donc de non adaptation future), l’auteur plaide pour une conservation-reproduction dynamique in situ, en coévolution dans les champs des paysans.
Si les semences paysannes sont encore utilisées par « la majeure partie de la population agricole de la planète », elles n’en sont pas moins toutes en voie de privatisation (cf. , « Semences en Amérique latine : vers une privatisation générale », Inf’OGM, 30 avril 2015) par le biais, ici du catalogue officiel des variétés (notamment dans l’Union européenne), là par les brevets (notamment aux États-Unis), ou de plus en plus par les deux systèmes superposés, un gène breveté dans une plante ouvrant le droit à un semencier de revendiquer la propriété de la plante.
Dénonçant ces systèmes et les cas de biopiraterie qui en découlent, l’auteur défend « les semences paysannes dans la transition écologique de l’agriculture » (chapitre 6), grâce à un système semencier autonome et localisé, reposant sur des semences reproductibles adaptées au sein de réseaux de paysans. Sa longue expérience de terrain permet à l’auteur d’illustrer judicieusement chaque thème abordé. La conclusion est d’actualité puisqu’elle porte sur le réchauffement climatique. Sans surprise, après une comparaison entre les potentialités des biotechnologies et des semences paysannes, ce sont ces dernières qui, pour l’auteur, feront partie de la solution.