Retours sur les mobilisations contre les OGM en Suisse
À l’instar du débat entre les « citoyennistes » et les radicaux, chez les Faucheurs, à la fin des années 90 (voir [1], on retrouve en Suisse deux visions différentes de l’opposition aux OGM.
La vision de STOP OGM Suisse
La première grande mobilisation suisse date de 1998 au moment du lancement d’une initiative populaire fédérale qui visait à interdire le génie génétique et la recherche dans ce domaine. Trop radicale, cette initiative ne passera pas la rampe de la votation fédérale. En 2005, une deuxième initiative est lancée qui vise cette fois-ci uniquement l’interdiction de la culture commerciale d’OGM. StopOGM – Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique, fondée après la défaite de 1998, a été la cheville ouvrière de cette initiative populaire. Résultat : une large majorité de la population vote en faveur d’un moratoire de cinq ans (2005-2010). Depuis lors, ce moratoire a été prolongé à trois reprises…. jusqu’en 2021. De 2010 à 2013, dans le cadre d’une recherche nationale qui visait à étudier les risques et l’utilité des plantes génétiquement modifiées (PGM), des essais de blés transgéniques sont implantés. Ces derniers ont engendré quelques actions citoyennes sous forme de rassemblement, mais aussi de sabotage. Ces destructions ont conduit à la mise en place d’un site protégé, à Reckenholz, qui coûte 750’000 CHF/an aux contribuables et qui accueille aujourd’hui les différentes disséminations expérimentales. En 2015 a eu lieu une manifestation à Zürich pour protester contre ces essais et ce site sous haute surveillance. Chaque année a lieu à Morges (siège international de Monsanto) une marche contre Monsanto qui donne lieu à quelques échauffourées et quelques fresques murales. À noter qu’entre 2015 et 2016, une campagne de récolte de signatures pour l’initiative populaire « Souveraineté alimentaire, l’agriculture nous concerne tous » a été menée à bien. Elle demande par exemple d’inscrire l’interdiction de culture d’OGM dans la Constitution. Les citoyens se prononceront vraisemblablement en 2018.
La vision de Rhizome
Sous un régime de moratoire global (autorisant la recherche) depuis 2005, les luttes en Suisse sont très divisées. On a d’une part l’ensemble du monde associatif, écologiste et de gauche qui est fédéré sous la houlette de StopOGM qui fait de la contre-expertise, de l’information et du lobbying ; d’autre part un mouvement autonome qui s’exprime par des publications comme le journal Rhizome ou la brochure Le champ du contrôle, et par diverses actions clandestines. En plein programme national de recherche pour l’acceptation de la technologie, un champ de blé GM a été fauché en 2008, action condamnée par StopOGM. Les tentatives de convergence ont jusqu’ici fait long feu, comme lors des caravanes à vélo de 2009-2010 ou lors de la manif en 2015 à Zurich. L’opposition institutionnelle semble satisfaite de sa stratégie à l’heure où le moratoire vient d’être reconduit jusqu’en 2021. Le mouvement autonome dénonce une pacification renforcée par les compromis politiciens, car la recherche scientifique – vache à lait du capitalisme suisse – n’est pas inquiétée et la domination technologique progresse. Notons que le champ ultra-sécurisé de Reckenholz sert de refuge pour la recherche européenne, les essais en plein champ ayant été rendus trop difficiles dans leurs pays (Pays-Bas, Allemagne) par les mouvements anti-OGM.
[1] , « Faucheurs d’OGM : un renouveau du luddisme ? », Inf’OGM, 21 juin 2017