Pacifique : vers une meilleure information sur les OGM
Depuis plusieurs années, l’association STOP OGM Pacifique sensibilise les citoyens et élus du Pacifique à la question des OGM. Inf’OGM l’a interrogée sur ses principales actions et avancées obtenues. Entretien avec Claire Chauvet et Frédéric Guérin.
Inf’OGM : Depuis plusieurs mois, Stop OGM Pacifique travaille à l’élaboration d’une réglementation sur les OGM en Nouvelle-Calédonie. Où en est l’adoption de cette réglementation ?
STOP OGM Pacifique est née du constat du manque d’information en Nouvelle-Calédonie, mais également dans d’autres territoires du Pacifique, et d’un flou juridique en ce qui concerne les OGM. Pourtant, une part importante de l’alimentation des calédoniens provient de produits importés d’Europe, mais également de pays où les OGM sont couramment cultivés et consommés, sans faire l’objet d’un étiquetage spécifique (États-Unis…) ou d’un étiquetage très contraignant (par exemple en Australie et Nouvelle Zélande, les produits raffinés ne sont pas concernés). Dans ce contexte, nous avons travaillé à l’élaboration d’un texte pour encadrer les OGM en Nouvelle-Calédonie. Un premier texte a été adopté en 2014 pour interdire l’importation de semences fruitières et de céréales génétiquement modifiées. Une première victoire pour nous, mais une victoire incomplète, car les semences maraîchères ne sont pas concernées par cette interdiction… Pour autant, cette réglementation va entraîner la réalisation de tests des semences GM de papaye et de blé. Non concassé, ce dernier, bien que destiné à l’alimentation humaine et animale, entre dans le champ d’application de l’interdiction. Ces tests, dont on attend les résultats, permettront d’avoir une idée plus précise sur la nature du blé d’Australie.
Concernant les papayes, STOP OGM Pacifique demande, malgré l’adoption de la règlementation, un moratoire sur l’importation de semences et la mise en place d’une véritable expertise sur la contamination déjà réalisée. Une pétition pour soutenir cette demande vient d’être lancée [1].
Les aliments vendus en Nouvelle-Calédonie doivent-ils être étiquetés lorsqu’ils contiennent des OGM ?
Un autre texte est en attente de validation et concerne la mise en place d’un étiquetage des aliments. Si les produits en provenance de l’Union européenne sont soumis aux règles européennes, ce n’est pas le cas des autres produits. Et beaucoup de produits pourraient être concernés. La question des OGM devait ainsi être intégrée à un texte plus global sur l’étiquetage en Nouvelle-Calédonie en attente de vote par le Congrès, mais de nouvelles élections ont modifié l’échiquier politique, et donc la composition du gouvernement et Congrès, et les textes en attente doivent recommencer le processus législatif. Le Congrès travaille à un texte spécifique à l’étiquetage des OGM qui reprend dans ses grandes lignes les dispositions du texte initial sur la question.
Autres projets de l’association : les cantines sans OGM. Nous avons récemment contacté de nombreuses communes pour diffuser de l’information sur cette question et pour prendre position en faveur de l’exclusion des OGM au menu des enfants. Notre recommandation est d’exclure les produits contenant des OGM mais également les produits d’animaux nourris aux OGM. Nous avons beaucoup de retours positifs de la part des communes, notamment les communes de l’agglomération du Grand Nouméa (près de 30 000 repas par jour), et elles commencent à travailler à cette possibilité notamment auprès de leur prestataire, la Sodexo, qui a le monopole sur l’île. À terme, nous souhaitons sensibiliser plus largement et parvenir à toucher collèges, lycées, hôpitaux. En tous les cas, le travail est en marche !
Suite à un cyclone et aux nombreuses destructions provoquées, le Vanuatu traverse une grave crise. STOP OGM Pacifique s’est rendu sur les lieux.
En effet, la chambre de l’agriculture de la Nouvelle-Calédonie a demandé au gouvernement et au Congrès de débloquer des fonds pour acheter des semences à distribuer aux familles et paysans du Vanuatu (environ 100 000 euros ont été débloqués). STOP OGM Pacifique a immédiatement demandé plus de transparence en ce qui concerne la nature des semences données, sans aucun retour de la part de la chambre de l’agriculture. Nous avons décidé de nous rendre sur place et, en lien avec des membres ni-Vanuatu de STOP OGM Pacifique, nous avons obtenu les accréditations pour participer au comité de gestion de la crise, chargé de répartir localement l’aide internationale. Avec l’appui des autorités locales, nous avons finalement pu constater qu’il s’agissait principalement de semences hybrides et une incertitude quant au caractère transgénique des semences de papayes (alors qu’il reste de nombreuses papayes sur place), les certificats d’importation n’ayant pas été fournis par la chambre de l’agriculture.
En tout état de cause, il s’agit de semences non adaptées à la réalité agricole locale. Il s’agit d’une aide à court terme qui va surtout faire entrer les paysans dans un système de dépendance. STOP OGM Pacifique demande également une plus grande transparence sur le prix d’achat de ces semences : 100 000 euros pour 300 kg de semences, contre une tonne initialement annoncée par la chambre de l’agriculture. La chambre de l’agriculture a préféré attaquer violemment STOP OGM Pacifique plutôt que de répondre aux questions posées. Nous avons décidé d’attaquer la chambre en diffamation… On nous a notamment accusés d’ingérence, pourtant nous étions accompagnés de partenaires locaux et c’est sur les actions de la Nouvelle-Calédonie que nous demandons plus de transparence.
Quelles sont vos autres actions dans le Pacifique ?
STOP OGM Pacifique constate une situation similaire sur les différents territoires visités : Vanuatu, Iles Salomon, Samoa, Fidji… Il y a un manque flagrant d’information, il n’y a pas de réglementation et il y a une importante importation de semences (notamment de papaye en provenance d’Hawaï). Mais sur tous les territoires visités, il y a une demande d’information et de prise en main de cette question. Notre objectif est de constituer un réseau de personnes relais dans l’ensemble des territoires pour échanger information et retours d’expérience, mais à chaque territoire de se doter de la réglementation la mieux adaptée à sa réalité.