Lorsque les promesses sont image-in(n)ées
Voir ses forces augmenter, vaincre des maladies, faire la découverte de ce qui rend la vie éternelle ; mais aussi, être réduit à son génotype, payer plus cher son assurance car il aura été scientifiquement prouvé qu’on a plus de probabilité qu’un autre d’être malade… : entre rêves de toute puissance et angoisse de contrôle sociétal, la génétique s’invite dans nos imaginaires à travers le cinéma.
Amusons-nous de ces deux films : Bienvenue à Gattaca, film emblématique réalisé en 1997 par Andrew Niccol, et Les secrets de la banquise, film français de Marie Madinier de 2016. Dans un cas comme dans l’autre, ce qui semble intéresser les réalisateurs c’est : la faille ! Pour le premier, il s’agit de montrer qu’aussi performant soit le système, la nature humaine et la force morale peuvent permettre d’y échapper ; le second s’attache au monde de la recherche médicale et met en scène le off target, les fameux effets hors-cible qui sont aujourd’hui évoqués comme limites face à l’usage de nouvelles techniques OGM.
Pourquoi nous n’irons pas à Gattaca demain ?
Ce film – dont le titre est composé des fameuses quatre lettres représentant les quatre nucléotides composant l’ADN – donne à voir un monde dans lequel l’être humain est optimisé en mettant au monde des enfants conçus in vitro pour lesquels sont sélectionnés les meilleurs gènes des « parents ». Sont donc plus vulnérables ceux conçus de manière naturelle. Ils deviennent une erreur dans un monde où la nature commet trop d’imperfections, les rebuts de la société, et vont devoir servir les autres ! Ainsi, le potentiel de chacun est connu dans son ADN, plus besoin d’entretien d’embauche, de rencontres, séduction – les amoureux deviennent des partenaires comme dans une entreprise – les choix sont faits par un ordinateur qui, en croisant des données génétiques, propose des parcours rationnels et optimisés. La machine se charge de tout : l’être humain n’a plus besoin de désirer, « on » sait pour lui là où il sera bon, « on » sait pour lui ce qui le rendra heureux, il peut enfin se consacrer pleinement à son travail ! Mais voilà, dans ce système si parfait, il existe une faille : Vincent n’accepte pas les règles du jeu, il veut accomplir son rêve, car… enfant de l’amour, lui rêve encore ! Ce petit garçon né hors contrôle parviendra, adulte, à déjouer les contrôles en utilisant l’ADN d’un autre.
Passer entre les mailles du filet, c’est possible dans un film, mais dans la vraie vie ? Aujourd’hui, la loi de bioéthique nous protège d’avoir à fournir une prise de sang aux compagnies d’assurance, mais l’idée de pouvoir obtenir des caractéristiques techniques et objectives sur les individus et de les réduire à des tests génétiques est dans les tuyaux… Comment se protéger de telles évolutions à long terme ? Plus globalement, comment vaincre l’eugénisme ?
Devenir un pingouin, au nom de la Science…
Autre film pour comprendre ce qu’est un effet hors-cible : Les secrets de la banquise. Ce film nous plonge avec un certain humour dans le monde de la recherche médicale. Tout y est, il faut publier des résultats car la compétition est sévère avec les États-Unis. La France est bloquée par des mécanismes trop éthiques qui empêchent les chercheurs de pouvoir aller au bout de leurs expériences. Alors une jeune fille du laboratoire, plus ou moins amoureuse du grand professeur, fait le choix dément de s’administrer le fameux gène de pingouin, un gène qui assurerait à l’espèce humaine une immunité parfaite, pour que le professeur puisse aller au bout de son étude. Après quelques jours, le gène s’active dans le corps de Christophine, et des recherches faites en parallèle sur des souris confirment bien cette réussite. Mais voilà, ce n’est pas le seul critère qui va s’exprimer : au final, Christophine va devenir un pingouin, certes son immunité est bien indestructible, mais elle va devoir aller vivre sur la banquise… cette tragédie est nuancée puisque son beau professeur s’administre le même gène et la rejoint sur la banquise « où ils vécurent heureux et eurent beaucoup de pingouins… ».
Morale : en introduisant des gènes dans le corps humain, nous transformons tout, jusqu’à la fin de nos contes de fées… c’est d’une transformation culturelle profonde qu’il s’agit !