L’Europe n’est pas le centre du monde
La présence de paysans d’Europe de l’Est et de représentants
d’ONG qui ne regardent pas la planète uniquement
depuis Paris a libéré un courant d’air rafraîchissant sur les
rencontres du FSE autour d’ »OGM, semences et brevet »
(cf. page 4). Ainsi, pendant que Bruxelles ergote sur la traçabilité,
l’étiquetage et la « coexistence », les OGM envahissent
les grandes exploitations à l’Est. Le Catalogue des
variétés et le C.O.V., présentés comme le dernier rempart
contre le brevet sur le vivant, rendront alors illégales 90%
des semences non OGM utilisées par les paysans de l’Est.
En effet, seuls les semenciers de l’Ouest, « protégés » par
cet arsenal, auront les capacités financières et technologiques
de confisquer la totalité du marché légal des
semences à l’Est. Pire, les règlements sur la traçabilité et
l’étiquetage seront une machine à éliminer les millions de
petits paysans de l’Est. Leurs semences fermières sont déjà
polluées, leurs récoltes seront étiquetées OGM. Or seules
les grosses coopératives et les multinationales achètent les
récoltes GM, à la condition qu’elles aient elles-mêmes fourni
la semence GM.
Répondant aux pressions des consommateurs, de grands
groupes agroalimentaires ou de la distribution abandonnent
les OGM en Europe de l’Ouest. Rassurés, les consommateurs
européens qui boycottent les produits GM engraissent
Nestlé, Carrefour et les autres. Mais dans le même temps,
ces firmes disséminent des OGM sur les autres continents
et polluent les centres d’origines du maïs, du coton, du riz,
ou, comme Carrefour, y implantent de « grands magasins »
qui ruinent le commerce local et les petits paysans.
Un représentant d’une ONG italienne interpella ainsi les participants
du séminaire : « Pouvons-nous nous contenter de
notre « propreté »au Nord alors que nous déversons nos poubelles
au Sud ? Car ce sont bien « nos » multinationales du
Nord qui envahissent la Planète entière avec leurs OGM ».
Loin de moi l’idée de décréter inutiles les « guérillas institutionnelles »
sur l’étiquetage ou la « coexistence » : la transparence
est toujours utile ; plus le consommateur est informé,
plus il s’oppose aux OGM. Mais, seule, elle pourrait
devenir l’outil de l’acceptation sociale au Nord d’une pollution
génétique à l’Est et au Sud, qui, rapidement généralisée,
reviendra immanquablement au Nord. Les multinationales
déploient toutes la même stratégie : rendre irréversible
la présence des OGM dans les champs par la pollution
des semences. Ce FSE 2003 sera-t-il une étape vers la
construction d’une stratégie mondiale du mouvement social
pour l’autonomie alimentaire des peuples, la défense et la
promotion des systèmes agraires alternatifs, des semences
paysannes et des petits paysans, seuls remparts durables
contre les OGM ?