n°47 - novembre 2003Tribune

L’Europe n’est pas le centre du monde

Par Guy KASTLER

Publié le 21/12/2003

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La présence de paysans d’Europe de l’Est et de représentants

d’ONG qui ne regardent pas la planète uniquement

depuis Paris a libéré un courant d’air rafraîchissant sur les

rencontres du FSE autour d’ »OGM, semences et brevet »

(cf. page 4). Ainsi, pendant que Bruxelles ergote sur la traçabilité,

l’étiquetage et la « coexistence », les OGM envahissent

les grandes exploitations à l’Est. Le Catalogue des

variétés et le C.O.V., présentés comme le dernier rempart

contre le brevet sur le vivant, rendront alors illégales 90%

des semences non OGM utilisées par les paysans de l’Est.

En effet, seuls les semenciers de l’Ouest, « protégés » par

cet arsenal, auront les capacités financières et technologiques

de confisquer la totalité du marché légal des

semences à l’Est. Pire, les règlements sur la traçabilité et

l’étiquetage seront une machine à éliminer les millions de

petits paysans de l’Est. Leurs semences fermières sont déjà

polluées, leurs récoltes seront étiquetées OGM. Or seules

les grosses coopératives et les multinationales achètent les

récoltes GM, à la condition qu’elles aient elles-mêmes fourni

la semence GM.

Répondant aux pressions des consommateurs, de grands

groupes agroalimentaires ou de la distribution abandonnent

les OGM en Europe de l’Ouest. Rassurés, les consommateurs

européens qui boycottent les produits GM engraissent

Nestlé, Carrefour et les autres. Mais dans le même temps,

ces firmes disséminent des OGM sur les autres continents

et polluent les centres d’origines du maïs, du coton, du riz,

ou, comme Carrefour, y implantent de « grands magasins »

qui ruinent le commerce local et les petits paysans.

Un représentant d’une ONG italienne interpella ainsi les participants

du séminaire : « Pouvons-nous nous contenter de

notre « propreté »au Nord alors que nous déversons nos poubelles

au Sud ? Car ce sont bien « nos » multinationales du

Nord qui envahissent la Planète entière avec leurs OGM ».

Loin de moi l’idée de décréter inutiles les « guérillas institutionnelles »

sur l’étiquetage ou la « coexistence » : la transparence

est toujours utile ; plus le consommateur est informé,

plus il s’oppose aux OGM. Mais, seule, elle pourrait

devenir l’outil de l’acceptation sociale au Nord d’une pollution

génétique à l’Est et au Sud, qui, rapidement généralisée,

reviendra immanquablement au Nord. Les multinationales

déploient toutes la même stratégie : rendre irréversible

la présence des OGM dans les champs par la pollution

des semences. Ce FSE 2003 sera-t-il une étape vers la

construction d’une stratégie mondiale du mouvement social

pour l’autonomie alimentaire des peuples, la défense et la

promotion des systèmes agraires alternatifs, des semences

paysannes et des petits paysans, seuls remparts durables

contre les OGM ?

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