n°88 - juillet / août 2007

Le gène existe-t-il encore ?

Par Frédéric JACQUEMART

Publié le 31/07/2007, modifié le 08/12/2023

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La conception simpliste et réductionniste du fonctionnement du génome, vu comme un “programme génétique”, n’a jamais été la seule défendue par les biologistes, mais c’est celle qui est largement majoritaire (sans doute car la plus facile à concevoir) et qui se trouve soutenue par la classe dirigeante (politique et industrielle).
Ayant décidé, sans aucun argument expérimental, qu’il existait des séquences d’ADN nommées gènes, chaque gène codant une protéine et une seule, elle-même responsable d’une fonction spécifique, les biologistes réductionnistes étaient fondés à chercher le moyen, pour conférer une fonction souhaitée à un organisme qui ne la possède pas, d’introduire, dans cet organisme, “le gène correspondant”. C’est donc ainsi, sur une base théorique aussi squelettique qu’invraisemblable, que sont nés les OGM.

Depuis quelques années, l’essentiel de ces présupposés gratuits sont tombés. Un “gène” (si tant est que ce terme ait encore un sens précis) peut coder de nombreuses protéines différentes, une protéine peut avoir plusieurs fonctions identifiables, elle peut même, pour une même structure primaire (suite des acides aminés la constituant), prendre plusieurs conformations dans l’espace, etc.
Les parties du génome qui ne codent pas des protéines et qui donc étaient jugées inutiles, se sont avérées être tout à fait impliquées dans le fonctionnement génétique. La place même de “chef d’orchestre” du génome a été remise en cause, notamment par le développement récent de l’épigénétique, qui a fait tomber l’une des croyances les plus solides de la biologie en montrant la possibilité de transmission de caractères acquis.
Très curieusement (mais nous sommes les premiers à affirmer que le comportement humain, et donc scientifique, ne découle pas du rationnel), cela n’a pas suffit pour que la conception simpliste, et rendue fausse par l’expérience, soit abandonnée, et avec elle les OGM qui en sont l’application directe.

Récemment, une étude nommée ENCODE, réunissant plus de 80 organisations dans le monde et coordonnée par le National Human Genome Research Institute (NHGRI) a porté sur plus de 600 millions de données ponctuelles concernant le génome humain. Le programme a sélectionné 1% du génome humain de manière à ce que cette fraction soit représentative du génome global. Les réponses sont édifiantes et bouleversent encore plus les idées reçues, tant en ce qui concerne le fonctionnement du génome qu’en ce qui concerne sa place dans l’évolution des espèces. En plus de remises en cause très pointues mais décapantes, c’est la vision globale de l’organisation du génome qui se trouve transformée, éradiquant la conception dominante au profit d’une complexité enfin reconnue. Citons le NHGRI : “La découverte bouleverse la vision traditionnelle de notre organisation génétique sous forme d’une collection ordonnée de gènes indépendants, orientant tout au contraire vers un réseau d’interactions complexes dans lequel les gènes, avec les éléments régulateurs et d’autres types des séquences d’ADN qui ne codent pas des protéines, interagissent dans des voies qui se superposent les unes aux autres d’une manière non encore totalement comprise”.

N’ayant plus maintenant, scientifiquement, aucune justification, l’usage de la transgénèse doit logiquement cesser.

 

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– “Identification and analysis of functional elements in 1% of the human genome by the ENCODE pilot project”, Nature, vol. 447, pp. 799-816, 14 juin 2007, [->http://www.nature.com/nature/focus/encode/index.html]
– Histoire de la notion de gène, A. Pichot, éd. Flammarion, 1999
– [->http://www.giet-info.org]

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