n°94 - septembre / octobre 2008

FRANCE – Protéger les lanceurs d’alerte

Par Jacques TESTART

Publié le 10/09/2008

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Les “lanceurs d’alerte” sont souvent impliqués dans la recherche ou la production mais ce sont parfois de simples citoyens (riverains, consommateurs…), témoins de l’existence d’un risque pour la santé ou l’environnement. Si les autorités (institutions professionnelles, élus…) prenaient au sérieux chaque alarme, en vérifiaient la teneur et paraient aux éventuelles conséquences, il n’y aurait pas besoin de lanceur d’alerte. Mais l’alarme est presque toujours contrée par ceux qui estiment leurs intérêts menacés et qui utilisent alors tous les moyens pour faire taire le gêneur : menaces, harcèlement, mise au placard, licenciement, procès… Et souvent ça marche ! Alors l’alerte s’éteint, chacun peut circuler, il n’y a plus rien à voir ! Ceux qui s’obstinent connaissent des temps difficiles. Brebis galeuses dans leur entreprise car nuisibles à la compétitivité, ils deviennent insupportables pour leurs proches qu’ils agacent par leurs “obsessions”, se retrouvent isolés, conspués, parfois légalement condamnés… Pourtant le lanceur d’alerte n’est pas un simple plaignant qui revendiquerait pour lui, il sert l’intérêt collectif. L’amiante ne tuerait pas dix personnes par jour si on avait écouté les alertes il y a un siècle !

Les lanceurs d’alerte protégés par une loi ?

Il existe des lanceurs d’alerte pour des risques variés : plombages dentaires (au mercure), excès de sel dans les aliments industriels, impacts des plantes transgéniques (cf. article ci-dessous), des champs électromagnétiques ou des nanotechnologies, hécatombe des abeilles, fragilité des installations nucléaires, potentiel eugénique des identifications par l’ADN… Certaines de ces alarmes sont certainement exagérées, voire sans fondement, mais comment les identifier ? Ainsi, toutes méritent examen. Pour cela il faut d’abord promouvoir une loi de protection des lanceurs d’alerte, afin que ne soient plus pénalisés ces vigiles nécessaires, et même que ce comportement citoyen soit encouragé. Mais, au-delà de la légitime protection du citoyen qui alerte, il importe de prendre des dispositions contre le danger annoncé, ce qui exige d’abord que le risque soit confirmé et évalué. C’est pourquoi le traitement de l’alerte passe par l’expertise. Or, la recherche scientifique ayant des liens de plus en plus étroits avec l’industrie, les experts estimés les plus compétents sont souvent les moins indépendants… La science marchandisée ne peut plus prétendre détenir seule la vérité car, dans ce monde incertain modelé par la recherche du profit, les risques imprévus augmentent en même temps que les pressions économiques se généralisent.

Une véritable méthodologie de l’expertise

La Fondation sciences citoyennes demande la création d’une Haute Autorité de l’expertise et de l’alerte afin de parvenir à des analyses non influencées par des conflits d’intérêt. Ces analyses doivent prendre en compte des savoirs variés afin que les expertises spécialisées portent sur tous les éléments du risque dénoncé par l’alerte. Elles doivent être contradictoires c’est-à-dire rechercher des argumentations opposées, telles qu’on les trouvent fréquemment dans l’institution d’une part et dans la société civile d’autre part. Pour cela, il faut reconnaître que certains militants associatifs contribuent aussi à la connaissance et à l’intelligence collective. Ainsi s’agit-il de définir une véritable méthodologie de l’expertise, sans oublier la nécessaire transparence à tous les niveaux et de promulguer une loi ambitieuse sur l’alerte et l’expertise. Ces propositions ont été bien reçues lors du Grenelle de l’environnement mais, comme il arrive dans bien d’autres domaines, la mascarade est terminée et les intérêts supérieurs de la production compétitive sont redevenus hégémoniques. Ce combat-là aussi continue !

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