FRANCE – Missions d’information parlementaire sur les conséquences des OGM
Le 15 septembre 2004, Noël Mamère, député vert, a demandé la création d’une commission d’enquête relative à la légalité et à l’impact sur l’environnement et la santé des essais OGM en plein champ. Le 19 octobre, la mission d’information parlementaire sur les conséquences des OGM a tenu sa réunion constitutive. Elle a choisi comme président Jean-Yves Le Déaut (PS) et comme rapporteur Christian Ménard (UMP) et comprend 31 membres (18 UMP, 8 PS, 2 UDF, 2 PCF et 1 Vert). Elle a comme but de s’informer sur “les conséquences environnementales et sanitaires des autorisations d’essais d’organismes génétiquement modifiés”.
Tribune libre L’Humanité du 11 mai 2005
OGM : réflexions de fin de mission parlementaire
Par André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme.
Le 14 avril, la mission d’information parlementaire sur les organismes
génétiquement modifiés a rendu les conclusions de ses six mois de travaux.
Des dizaines d’auditions ont permis d’échanger avec cent trente personnes
concernées par le sujet – scientifiques, syndicalistes, représentants
d’associations, ministres et anciens ministres, personnalités diverses…
Premier constat : les confrontations organisées par la mission, comme les
voyages dans plusieurs pays où les OGM sont cultivés (États-Unis, Afrique du
Sud, Espagne), sont au moins parvenus à éclaircir les enjeux d’un débat miné
depuis des années.
Au titre de secrétaire de cette mission, j’ai assidûment participé à ses
différents travaux avec le souci de construire un positionnement politique
sans a priori […]. Les propositions de la mission, mesurées et d’un grand
intérêt, ont malheureusement été occultées par le rapport final, trop
orienté. Pour ma part, et à l’issue d’un investissement passionnant, je
souhaiterais livrer les premières conclusions de mes réflexions.
Les OGM cultivés aujourd’hui, dits de première génération, visent
essentiellement à accroître l’efficacité des pesticides utilisés dans
l’agriculture contre les mauvaises herbes et les insectes. Aucune
observation scientifique ne permet à ce jour d’affirmer que leur
consommation présente un danger spécifique pour la santé humaine, mais il
n’en est pas moins – indispensable d’amplifier les recherches dans les
domaines de la toxicologie et de l’épidémiologie. Il est aussi indéniable
que la puissance des pesticides jumelés à ces OGM (et vendus par les mêmes
entreprises…) peut réduire la diversité de la faune et de la flore au sein
des champs concernés par ces cultures. Leur principal intérêt est d’élever
la rentabilité de l’agriculture en limitant les intrants chimiques et en
réduisant l’intervention humaine.
Pourtant, malgré ce tableau peu réjouissant, nous ne pouvons pas ignorer les
promesses ouvertes par les OGM dits de seconde génération. Ils sont certes
encore très limités, tant du fait de leur plus grande complexité technique
que du faible intérêt des multinationales du secteur pour ce type de
produits transgéniques. De nombreux chercheurs publics travaillent cependant
sur des OGM thérapeutiques, sur des semences adaptées à la culture dans des
milieux naturels hostiles ou bien encore sur des plantes aux capacités
nutritionnelles supérieures.
Les potentialités ouvertes par les OGM peuvent être d’autant moins négligées
que, quoi que l’on fasse, les grandes sociétés transnationales effectueront
ces recherches. Et, bien sûr, elles les orienteront dans les directions
intéressant au mieux leurs objectifs. Ces industries dominent déjà à la fois
le marché des semences et celui des engrais vendus aux agriculteurs. Leur
développement accompagne dans le monde le parti pris d’une agriculture basée
sur le productivisme, un commerce international débridé et le déclin de
l’exploitation familiale. Elles inscrivent donc le développement des OGM
dans une dynamique libérale dont les effets sont désastreux pour les
paysans, mais aussi pour les consommateurs du monde entier, puisqu’elles
nient la dimension culturelle de l’alimentation et l’exigence
d’autosuffisance alimentaire des grandes régions du monde […]. Devant de
telles perspectives, la politique de l’autruche serait, comme d’habitude,
bien mauvaise conseillère. Bien au contraire, il est de notre responsabilité
de chercher à reprendre le contrôle d’un domaine de recherche capital pour
notre avenir.
Cette reprise en main suppose au préalable de donner aux scientifiques les
moyens, financiers mais aussi juridiques, d’effectuer leurs recherches en
toute indépendance, en vue d’élaborer des produits finalement utiles à
l’humanité. Aussi, et parce que les chercheurs nous ont affirmé combien les
essais étaient indispensables à la poursuite de leurs travaux, je suis
désormais persuadé que des expérimentations en plein champ d’organismes
transgéniques sont inévitables. Ces expérimentations devront évidemment être
justifiées, objectivement validées et assorties de nombreux contrôles,
notamment pour évaluer les conséquences de la culture de ces OGM
expérimentaux sur la santé et l’environnement : les scientifiques, notamment
ceux des instituts publics, nous ont démontré que la plupart des
expérimentations ne pouvaient pas être menées à leur terme en milieu confiné
(laboratoires et serres). Le fauchage volontaire, que j’ai moi-même approuvé
par le passé, a certes attiré l’attention de l’opinion publique sur des
questions éthiques d’importance. Mais il a aussi des conséquences terribles
pour l’évolution des recherches dans notre pays ; je pense notamment aux
travaux remarquables des chercheurs de l’INRA.
En outre, parce qu’il convient de prévenir tout risque de privatisation de
la nature, nous devons bien insister sur la nécessaire dimension – publique
de ces expérimentations comme sur la promotion d’un régime juridique de
brevets autorisant la mutualisation de la propriété intellectuelle ou le
principe de licences d’utilisation des semences transgéniques gratuites pour
les paysans du monde entier.
Enfin, la question du passage à la culture commerciale de ces
expérimentations se posera inévitablement un jour : elle est même d’ores et
déjà posée en Auvergne avec le développement de la culture d’un maïs
transgénique pour la production, par une entreprise locale, d’un médicament
contre la mucoviscidose. La culture des OGM posera la délicate question de
la coexistence entre les différents types de cultures : l’application de
normes de protection et de zonage extrêmement strictes est une exigence
incontournable. Il s’agit notamment de protéger la filière biologique contre
tout risque de contamination et les consommateurs qui font le choix d’une
alimentation excluant toute présence d’OGM.
Ainsi, la maîtrise publique du processus de recherche et de mise sur le
marché des OGM est d’autant plus essentielle qu’elle seule pourrait garantir
la compatibilité de la production d’OGM avec un modèle agricole alternatif
de celui que veulent nous imposer l’OMC et l’Union européenne […].