n°57 - octobre 2004

FRANCE – Missions d’information parlementaire sur les conséquences des OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 19/10/2004

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Le 15 septembre 2004, Noël Mamère, député vert, a demandé la création d’une commission d’enquête relative à la légalité et à l’impact sur l’environnement et la santé des essais OGM en plein champ. Le 19 octobre, la mission d’information parlementaire sur les conséquences des OGM a tenu sa réunion constitutive. Elle a choisi comme président Jean-Yves Le Déaut (PS) et comme rapporteur Christian Ménard (UMP) et comprend 31 membres (18 UMP, 8 PS, 2 UDF, 2 PCF et 1 Vert). Elle a comme but de s’informer sur “les conséquences environnementales et sanitaires des autorisations d’essais d’organismes génétiquement modifiés”.

Tribune libre L’Humanité du 11 mai 2005

OGM : réflexions de fin de mission parlementaire

Par André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme.

Le 14 avril, la mission d’information parlementaire sur les organismes

génétiquement modifiés a rendu les conclusions de ses six mois de travaux.

Des dizaines d’auditions ont permis d’échanger avec cent trente personnes

concernées par le sujet – scientifiques, syndicalistes, représentants

d’associations, ministres et anciens ministres, personnalités diverses…

Premier constat : les confrontations organisées par la mission, comme les

voyages dans plusieurs pays où les OGM sont cultivés (États-Unis, Afrique du

Sud, Espagne), sont au moins parvenus à éclaircir les enjeux d’un débat miné

depuis des années.

Au titre de secrétaire de cette mission, j’ai assidûment participé à ses

différents travaux avec le souci de construire un positionnement politique

sans a priori […]. Les propositions de la mission, mesurées et d’un grand

intérêt, ont malheureusement été occultées par le rapport final, trop

orienté. Pour ma part, et à l’issue d’un investissement passionnant, je

souhaiterais livrer les premières conclusions de mes réflexions.

Les OGM cultivés aujourd’hui, dits de première génération, visent

essentiellement à accroître l’efficacité des pesticides utilisés dans

l’agriculture contre les mauvaises herbes et les insectes. Aucune

observation scientifique ne permet à ce jour d’affirmer que leur

consommation présente un danger spécifique pour la santé humaine, mais il

n’en est pas moins – indispensable d’amplifier les recherches dans les

domaines de la toxicologie et de l’épidémiologie. Il est aussi indéniable

que la puissance des pesticides jumelés à ces OGM (et vendus par les mêmes

entreprises…) peut réduire la diversité de la faune et de la flore au sein

des champs concernés par ces cultures. Leur principal intérêt est d’élever

la rentabilité de l’agriculture en limitant les intrants chimiques et en

réduisant l’intervention humaine.

Pourtant, malgré ce tableau peu réjouissant, nous ne pouvons pas ignorer les

promesses ouvertes par les OGM dits de seconde génération. Ils sont certes

encore très limités, tant du fait de leur plus grande complexité technique

que du faible intérêt des multinationales du secteur pour ce type de

produits transgéniques. De nombreux chercheurs publics travaillent cependant

sur des OGM thérapeutiques, sur des semences adaptées à la culture dans des

milieux naturels hostiles ou bien encore sur des plantes aux capacités

nutritionnelles supérieures.

Les potentialités ouvertes par les OGM peuvent être d’autant moins négligées

que, quoi que l’on fasse, les grandes sociétés transnationales effectueront

ces recherches. Et, bien sûr, elles les orienteront dans les directions

intéressant au mieux leurs objectifs. Ces industries dominent déjà à la fois

le marché des semences et celui des engrais vendus aux agriculteurs. Leur

développement accompagne dans le monde le parti pris d’une agriculture basée

sur le productivisme, un commerce international débridé et le déclin de

l’exploitation familiale. Elles inscrivent donc le développement des OGM

dans une dynamique libérale dont les effets sont désastreux pour les

paysans, mais aussi pour les consommateurs du monde entier, puisqu’elles

nient la dimension culturelle de l’alimentation et l’exigence

d’autosuffisance alimentaire des grandes régions du monde […]. Devant de

telles perspectives, la politique de l’autruche serait, comme d’habitude,

bien mauvaise conseillère. Bien au contraire, il est de notre responsabilité

de chercher à reprendre le contrôle d’un domaine de recherche capital pour

notre avenir.

Cette reprise en main suppose au préalable de donner aux scientifiques les

moyens, financiers mais aussi juridiques, d’effectuer leurs recherches en

toute indépendance, en vue d’élaborer des produits finalement utiles à

l’humanité. Aussi, et parce que les chercheurs nous ont affirmé combien les

essais étaient indispensables à la poursuite de leurs travaux, je suis

désormais persuadé que des expérimentations en plein champ d’organismes

transgéniques sont inévitables. Ces expérimentations devront évidemment être

justifiées, objectivement validées et assorties de nombreux contrôles,

notamment pour évaluer les conséquences de la culture de ces OGM

expérimentaux sur la santé et l’environnement : les scientifiques, notamment

ceux des instituts publics, nous ont démontré que la plupart des

expérimentations ne pouvaient pas être menées à leur terme en milieu confiné

(laboratoires et serres). Le fauchage volontaire, que j’ai moi-même approuvé

par le passé, a certes attiré l’attention de l’opinion publique sur des

questions éthiques d’importance. Mais il a aussi des conséquences terribles

pour l’évolution des recherches dans notre pays ; je pense notamment aux

travaux remarquables des chercheurs de l’INRA.

En outre, parce qu’il convient de prévenir tout risque de privatisation de

la nature, nous devons bien insister sur la nécessaire dimension – publique

de ces expérimentations comme sur la promotion d’un régime juridique de

brevets autorisant la mutualisation de la propriété intellectuelle ou le

principe de licences d’utilisation des semences transgéniques gratuites pour

les paysans du monde entier.

Enfin, la question du passage à la culture commerciale de ces

expérimentations se posera inévitablement un jour : elle est même d’ores et

déjà posée en Auvergne avec le développement de la culture d’un maïs

transgénique pour la production, par une entreprise locale, d’un médicament

contre la mucoviscidose. La culture des OGM posera la délicate question de

la coexistence entre les différents types de cultures : l’application de

normes de protection et de zonage extrêmement strictes est une exigence

incontournable. Il s’agit notamment de protéger la filière biologique contre

tout risque de contamination et les consommateurs qui font le choix d’une

alimentation excluant toute présence d’OGM.

Ainsi, la maîtrise publique du processus de recherche et de mise sur le

marché des OGM est d’autant plus essentielle qu’elle seule pourrait garantir

la compatibilité de la production d’OGM avec un modèle agricole alternatif

de celui que veulent nous imposer l’OMC et l’Union européenne […].

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