Du moratoire à l’interdiction totale des OGM ?
Le dernier éditorial (non signé) de la revue de la recherche européenne, RDT info [1], titre, au sujet des supposés clones de la secte Raël : « un clone trop loin ». Et dans un premier temps, de se glorifier que l’article 3 de la Charte européenne des droits fondamentaux établisse explicitement « l’interdiction du clonage reproductif des êtres humains ». Ensuite, le Commissaire à la recherche, Philippe Busquin, confirme que le sixième programme cadre européen de recherche ne financera aucune activité de recherche sur ce thème, et qu’il soutient l’initiative franco-allemande visant à établir une convention mondiale interdisant le clonage reproductif humain. Pourtant, l’article se termine en rappelant la fameuse loi de Gabor : « tout ce qui est possible sera nécessairement réalisé ».
Dès lors, se pose le débat sur la liberté de la recherche. Car c’est souvent un argument, sinon l’Argument, avancé par les chercheurs, lorsqu’il traitent les anti-OGM d’obscurantistes : « Faudrait-il renoncer à la recherche, à l’expérimentation, à l’innovation, au progrès ? », s’insurgeait ainsi Alain Catala, directeur du groupe Limagrain, après la destruction de maïs transgénique dans la Drôme [2]. Selon ces chercheurs, la recherche serait neutre, et ce sont ses applications qu’il faudrait encadrer. Mais puisque aujourd’hui tous s’accordent à dire que la loi de Gabor est vraie, il devient évident que la sacro-sainte liberté de recherche doit se poser en amont, dans le choix même des sujets de recherche, et que certaines recherches doivent être interdites.
Et pour les OGM ? Les manipulations génétiques sont à mon sens un formidable outil de laboratoire pour tenter de comprendre la complexité du vivant. Mais, dilemme, si la recherche en fabrique, d’autres en mettent aussitôt sur le marché. Alors, faut-il interdire toute manipulation génétique ? La plupart des anti-OGM exigent simplement un moratoire sur la commercialisation. Dans la mesure où l’on ne connaîtra jamais toute la complexité du vivant, il me semble qu’il serait plus clair d’exiger une interdiction définitive de commercialisation. Ainsi assurées d’un non-retour sur investissement, les firmes se retireraient de cette course stupide et dangereuse, laissant la place à une recherche publique de connaissance, applicable au décryptage et fonctionnement des relations entre des êtres non génétiquement manipulés.