Des OGM pour éviter des émeutes ?
Alors que de nombreuses émeutes de la faim ont éclaté un peu partout dans le monde, les entreprises de biotechnologies, à l’instar de Monsanto et de Syngenta, ont quitté en avril 2008 les discussions sur le devenir de l’agriculture, initiées par la Banque mondiale et les Nations unies. Elles souhaitaient que les biotechnologies végétales soient présentées comme la solution à la faim dans le monde, ce que les autres participants ont refusé de valider. Un point sur la relation entre OGM et faim dans le monde s’impose donc.
Les rendements toujours pas au rendez-vous
Le premier raisonnement défendu par les promoteurs des biotechnologies est simpliste : 850 millions de personnes souffrent de la faim, donc il faut produire plus, donc il faut investir dans des techniques agricoles en vue d’améliorer le rendement des plantes. Or, plusieurs éléments contredisent cette analyse. Tout d’abord, deux études scientifiques récentes concluent que le soja transgénique roundup ready n’a pas un meilleur rendement que le soja conventionnel. Le professeur Barney Gordon (Université du Kansas) précise avoir mené une étude sur trois années consécutives après avoir reçu des plaintes d’agriculteurs surpris par les résultats de leur soja GM [1] [2]. L’étude révèle aussi que les cultures GM peuvent combler cette différence de rendement en ajoutant une dose plus élevée de manganèse, un fertilisant. Le chercheur en déduit que la modification génétique altère la capacité de la plante à utiliser les éléments du sol. L’autre étude, menée par l’Université du Nebraska, conclut elle aussi que la modification génétique a pour effet secondaire de réduire la productivité de la plante. L’autre élément d’explication avancé est que le temps nécessaire pour élaborer une espèce GM étant conséquent, d’autres espèces conventionnelles sont améliorées pendant ce temps pour augmenter le rendement selon les techniques traditionnelles de sélection.
Mais, plus fondamentalement encore, 10% d’augmentation des rendements du soja GM permettraient-ils de mieux nourrir l’humanité ?
Tout d’abord, répétons-le, la faim est un problème économique et politique. Pour preuve, la FAO reconnaît “qu’au stade du développement actuel de ses forces de production agricole, la planète pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’êtres humains, soit le double de l’actuelle population mondiale”. Autre élément, que nous rappelle Mariela Zunino, diplomée de l’Université de Buenos Aires, l’Argentine est le troisième producteur de soja transgénique au Monde et cette année “les récoltes de soja ont battu de nouveaux records. Au même moment, on recensait au moins 14 décès d’autochtones dans le nord du pays dus à la dénutrition. Actuellement en Argentine, 27% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté” [3]. De quoi remettre en cause durablement le lien entre production transgénique et sécurité alimentaire.
Prolongation du moratoire béninois
Ainsi, n’écoutant pas le chant des sirènes, le Bénin a décidé de reconduire, pour une nouvelle période de cinq ans, son moratoire sur l’importation, la commercialisation et l’utilisation, sur son territoire, des OGM et de leurs dérivés. Le premier moratoire devait permettre au Bénin de se doter d’un cadre juridique et technique clair (équipement de détection, de suivi et de contrôle des OGM) pour évaluer et autoriser les OGM. Or, en 2008, ce cadre n’est toujours pas fonctionnel. Pour le Bénin, il n’y a pas urgence à autoriser les OGM.