n°143 - janvier / février 2017

Cosmétiques : se « tartine-t-on » de cosmétiques OGM ?

Par Marie Cheruy

Publié le 03/03/2017

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Des cosmétiques, beaucoup de Français et de Françaises s’en appliquent tous les jours sur la peau et les muqueuses. Savon, shampoing, démaquillant, crème pour le corps, mousse à raser… ils sont partout dans notre salle de bain. Si la question des OGM dans la cuisine est bien connue du grand public et que les cosmétiques sont de plus en plus suspectés pour leurs composants polémiques en termes de santé, qui sait que nous nous « tartinons » potentiellement chaque jour le corps d’OGM ? Est-il encore possible de se faire une beauté sans OGM ?

De plus en plus de cultures OGM sont autorisées dans le monde. Par conséquent, tous les ingrédients cosmétiques, mêmes bruts, dérivés de ces plantes sont susceptibles de provenir de variétés génétiquement modifiées (colza, soja, coton, riz, betterave à sucre, maïs). On peut notamment citer les lécithines de soja qui, comme dans l’agro-alimentaire, ont un rôle d’émulsifiant, et le tocophérol, ou la vitamine E, un anti-oxydant très utilisé dans les cosmétiques bio (voir encadré ci-dessous).

Le tocophérol : OGM ?


Le tocophérol entre dans la composition de la vitamine E. Très utilisé dans les cosmétiques bio, cet ingrédient est un antioxydant : il « inhibe les réactions au contact de l’oxygène, évitant ainsi les phénomènes d’oxydation et de rancissement ». Contacté, Cosmébio affirme que la vitamine E contenue dans les produits certifiés est garantie sans OGM. Cela n’est cependant peut-être pas le cas pour tous les labels car cet ingrédient est souvent produit à partir d’OGM (il peut être obtenu par exemple à partir de soja GM) et il serait difficile de trouver des cosmétiques industriels qui n’en contiennent pas.

Les composants concernés

La présence de composants d’origine génétiquement modifiée peut également provenir des ingrédients produits par fermentation ou biocatalyse. Il faut distinguer deux hypothèses concernant les caractéristiques de l’organisme fermenteur et le substrat utilisé pour la fermentation de la matière première.

Si l’organisme fermenteur a été conçu à l’aide de biotechnologie, il sera considéré comme un micro-organisme GM. Cependant, il est tout à fait possible que l’ingrédient que l’on fait fermenter (distinct de l’organisme fermenteur), à cause d’une purification ou d’un traitement important, ne contienne plus de trace d’ADN transgénique. Concernant le substrat utilisé pour la fermentation, il pourra produire un ingrédient génétiquement modifié ou contenant de l’ADN GM s’il est lui-même d’origine génétiquement modifié.

Dans le cas de la biocatalyse, c’est-à-dire l’utilisation de catalyseurs naturels comme des enzymes dans une réaction de synthèse organique, l’ingrédient cosmétique est produit à l’aide d’une enzyme purifiée. Aujourd’hui, la plupart de ces enzymes sont produites à partir de micro-organismes GM car elles sont généralement moins coûteuses que leurs équivalents produits à partir de tissus végétaux ou animaux. Là encore, l’ingrédient cosmétique peut, en fin de processus, ne plus présenter de trace d’ADN transgénique.

L’absence de réglementation

La question des OGM dans les cosmétiques est peut-être si peu connue parce que le sujet n’est pas du tout abordé par la réglementation européenne. En effet, la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement ne concerne pas du tout les produits cosmétiques. Le règlement 1829/2003 ne concerne que les denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés. Le règlement 1830/2003 concerne pourtant l’étiquetage et la traçabilité des OGM mais se cantonne aux produits destinés à l’alimentation humaine ou animale produits à partir d’OGM.

Rien non plus du côté de la réglementation des cosmétiques. Le règlement 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques n’aborde pas la question des OGM, ni le règlement 655/2013 qui établit pourtant des critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre pour pouvoir être utilisées.

Le règlement 834/2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ne concerne que les produits non transformés ou destinés à l’alimentation humaine et animale. Les cosmétiques réalisés à partir de produits transformés en sont donc exclus.

Par ailleurs, il n’existe aucun texte de l’Union européenne relatif aux cosmétiques biologiques, les seules mesures en la matière étant élaborées par des organismes privés.

Les labels bio

Il existe ainsi différentes chartes et cahiers des charges en matière de cosmétiques biologiques et naturels. Tous interdisent les OGM, mais à des degrés différents.

écocert, organisme certificateur ayant élaboré, entre autres, un référentiel pour la cosmétique bio, prévoit parmi ses principes fondamentaux « l’utilisation d’ingrédients issus de ressources renouvelables et transformés par des procédés respectueux de l’environnement » et vérifie notamment « l’absence d’OGM ». Les ingrédients végétaux ou d’origine végétale doivent être garantis non dérivés d’OGM : lorsqu’ils sont issus de l’action d’une bactérie ou d’une enzyme sur un substrat, ce dernier doit être garanti non dérivé d’OGM. Les enzymes et bactéries directement incorporées dans un cosmétique sont considérées comme des ingrédients et doivent être garanties non dérivées d’OGM.

Cosmébio est l’un des labels les plus connus et utilisés en France. Depuis la création du premier cahier des charges en 2002, l’organisme applique le principe de précaution et interdit les matières premières végétales génétiquement modifiées.

Le label international Cosmos est une norme privée européenne développée par cinq membres fondateurs (BDIH, Cosmébio, écocert Greenlife, Icea et Soil Association) « dans le but de définir des exigences minimales communes, d’harmoniser des règles de certifications des cosmétiques biologiques et naturels et de faire du lobbying auprès des institutions afin de défendre la filière ». Il est plus large que les labels classiques, il couvre l’ensemble du processus de fabrication du produit cosmétique : origines des matières premières, procédés de transformation, choix des matériaux d’emballage. Il s’adresse à l’ensemble des acteurs de la chaîne de fabrication : fabricants d’ingrédients, formulateurs, fabricants et distributeurs. Il prévoit des contrôles supplémentaires pour mieux limiter les risques d’utilisation d’ingrédients issus d’OGM.

La mention Nature et Progrès, qui dispose également d’un cahier des charges cosmétiques, est plus stricte. Elle prévoit une clause générale d’interdiction des OGM et impose aux producteurs des obligations plus spécifiques : les végétaux ne doivent pas avoir été traités par des pesticides ou des engrais issus d’OGM ou en contenant, l’utilisation de manipulations génétiques est interdite, les ingrédients d’origine naturelle issus de fermentations avec des microorganismes sont autorisés sous réserve de garantie non OGM des souches, la lécithine, la xanthane, l’acide citrique, l’acide tartrique, la xylite, le sorbitol doivent être garantis non issus d’OGM, l’utilisation d’enzymes dérivées d’OGM est interdite.

Solutions pour se faire une beauté sans OGM

Mais alors, comment se faire une beauté sans OGM ? Plusieurs pistes sont envisageables. Tout d’abord, privilégier les cosmétiques labellisés, en particulier Cosmos ou sous mention Nature et Progrès. Même si les labels ont leurs failles, ils ont le mérite d’interdire un certain nombre d’ingrédients problématiques dont les OGM.

Une solution peut être également, dans la mesure du possible, d’utiliser des produits bruts et le moins transformés possibles voire mono-ingrédient, comme les huiles végétales, les hydrolats (c’est-à-dire les extraits de plantes obtenus par entraînement à la vapeur) et les huiles essentielles. Pour les produits nécessairement plus transformés (shampoings, savons, gels douche…) il est préférable de favoriser les compositions courtes et que l’on comprend. En effet, même en bio, la liste Inci (International nomenclature of cosmetic ingredients : liste des ingrédients contenus dans chaque produit, qui figure obligatoirement sur le flacon ou l’emballage) d’un gel douche peut être très longue et incompréhensible. Plus les ingrédients sont simples et non-transformés, plus le risque de présence d’OGM est faible. De plus, les marques qui font l’effort de traduire cette liste en français sont souvent dans une démarche globale de transparence et répondent généralement volontiers aux questions des consommateurs sur la composition de leurs produits.

Pour les adeptes de la cosmétique maison, il faut poser la question marque par marque, produit par produit. Mais on peut facilement trouver par exemple de la vitamine E garantie sans OGM, destinée à la cosmétique maison.

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