n°147 - novembre / décembre 2017

Afrique de l’Ouest : BEDE accompagne les organisations paysannes

Par Frédéric PRAT et Anne Berson Déna (BEDE)

Publié le 21/12/2017

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Association de solidarité internationale, BEDE (Biodiversité : Échange et Diffusion d’Expériences) contribue depuis 1994 à la protection et à la promotion des agricultures paysannes. Zoom sur les collaborations et actions en Afrique de l’Ouest.

Comme certaines ONG qui refusent un statut d’expert, l’association BEDE intervient principalement en mettant en contact des organisations de différents réseaux (français, européens et internationaux), et en réalisant du matériel pédagogique d’information. BEDE permet ainsi au grand public de se saisir des enjeux et aux paysans et organisations d’améliorer tant leur travail de terrain que leurs capacités de négociation pour participer aux prises de décisions, notamment sur le plan législatif. Maghreb, Europe, sud de la France… l’association est présente sur de nombreux territoires et interagit avec de nombreuses organisations paysannes, de la société civile, de la recherche publique et des institutions, y compris en Afrique de l’Ouest.

Les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest sont nombreuses, structurées et dynamiques. Elles sont auto-organisées et couvrent tous les champs des activités de la production alimentaire dans des pays où la population rurale et paysanne est encore majoritaire. Très ouvertes aux collaborations et aux échanges de pair à pair, elles innovent à partir de la tradition pour des systèmes semenciers autonomes bio-diversifiés et la souveraineté alimentaire.

Depuis plus de 20 ans, BEDE tisse des collaborations notamment au Sénégal, Mali, Togo, Bénin… L’un de ses thèmes privilégiés dans ces pays concernent la promotion des systèmes semenciers autonomes en agroécologie paysanne, essentiel pour promouvoir la biodiversité agricole pour la souveraineté alimentaire. BEDE accompagne notamment l’organisation de foires des semences paysannes et d’espaces de formation et d’échanges de savoirs.

En Afrique de l’Ouest, en réaction à l’introduction de semences améliorées, hybrides, voire de variétés génétiquement modifiées, de plus en plus de paysan·ne·s prennent conscience de l’intérêt de conserver, multiplier et sélectionner leurs variétés traditionnelles locales et paysannes. Avec eux, BEDE « sème et cultive » les « Maisons de la semence », concept venu du Brésil et devenant en Afrique de l’Ouest des « Cases de semences ». Chaque case est différente, tant dans sa naissance, son histoire que dans son organisation.

Fête des semences à Tabi, Togo (décembre 2013)
Fête des semences à Tabi, Togo (décembre 2013)
Crédits : BEDE

La case des semences paysannes, système territorialisé et dynamique

Une case de semences paysannes n’est pas seulement un lieu de conservation des semences paysannes, elle est vivante. Elle est basée sur un réseau de producteurs et de productrices qui multiplient les semences paysannes en agroécologie paysanne. Elle prend également en compte la promotion des races animales locales et paysannes.

Au Togo par exemple, tout a commencé en 2009, quand BEDE a facilité la participation de paysan·ne·s de la sous-région à la foire des semences paysannes de Djimini au Sénégal. Pour Jacques Nametougli, qui vend des semences certifiées et des engrais depuis son centre de formation agricole (Centre pour le Développement Agricole et Artisanal – CD2A), ça a été un déclic : il s’engage alors à reconvertir ses champs et pratiques en agroécologie paysanne. Il commence en 2010 la tournée des villages à la recherche des connaissances sur les variétés locales auprès des anciens. Un réseau informel se constitue. BEDE l’accompagnera pour que soit créée, fin 2011, la coopérative Agrobio-Savanes, première Case de semences au Togo. Il ne s’agit pas de case physique centralisée. Les semences sont stockées le plus souvent chez les adhérents et/ou au CD2A, d’où elles sont mises en circulation, souvent en vente, parfois données, prêtées ou échangées, et, après des formations, multipliées : gombo, sorgho, riz, oignon violet des savanes, et bientôt tomates.

Au Bénin, le contexte est différent. Mais la naissance du grenier de semences de Bariénou commence également suite aux échanges de 2009 au Sénégal puis au Mali. Omer Agoligan, alors producteur de semences de maïs en agriculture chimique, découvre qu’il est, comme beaucoup d’agriculteurs, victime des multinationales qui bénéficient de la complicité des gouvernements. Il se lance alors dans le combat pour l’agroécologie et les semences paysannes. Avec les paysans de Bariénou, près de Djougou au centre du Bénin, il crée l’Orad (Organisation des Ruraux pour une Agriculture Durable). Les premières actions concernent la formation au compostage, puis des ateliers sur l’importance de la diversité de variétés cultivées. Un grenier traditionnel mais collectif est créé. Ce dernier reçoit les échantillons des semences cultivées dans le village. Et pour faire face à l’introduction annoncée du niébé Bt dans les pays voisins, Orad s’est lancée dans la reconquête de la diversité de deux variétés de niébé, katché et toura, et a redéveloppé les savoir-faire de sélection et conservation des semences paysannes de niébé (voir l’excellent Semences paysannes en Afrique de l’Ouest, guide de production).

D’autres cases de semences ont été développées au Sénégal, au Mali… : chacune ont leur spécificité et leur chemin. Il reste encore beaucoup de choses à affiner : s’organiser sur la sélection, les bonnes pratiques de conservation, de stockage-étiquetage, la valorisation, la promotion, etc. Mais la dynamique est lancée et il faut maintenant qu’évolue cette diversité de cases des semences adaptées à chaque terroir.

Promouvoir des lois en faveur des semences paysannes

Au Mali, comme dans beaucoup de pays africains, coexistent deux systèmes semenciers : celui des semences certifiées des semenciers, et celui des semences traditionnelles et paysannes produites et diffusées à travers les pratiques paysannes. Au niveau national, la législation ne semble prendre en compte que les semences certifiées, et se trouve peu adaptée aux variétés traditionnelles et paysannes. Les droits des agriculteurs sur ces variétés qu’ils ont conservées et diversifiées s’en trouvent fragilisés.

C’est dans ce cadre que l’Institut de Recherche et de Promotion des Alternatives en Développement (Irpad), et BEDE ont accompagné trois organisations paysannes – l’Association des Organisations Paysannes Professionnelles (AOPP), la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) et le Comité Ouest Africain des Semences Paysannes (COASP)-Mali – dans un processus baptisé SNP, « Semences, Normes et Paysans : construire un cadre de concertation multi-acteurs sur le cadre normatif des semences et les droits des petits producteurs au Mali ». L’objectif final de cette initiative est de mettre en place un espace de dialogue pour dégager un cadre juridique consensuel protégeant les droits des petits producteurs maliens sur les semences traditionnelles/paysannes. L’initiative engagée par l’Irpad et BEDE a permis de réaliser en 2016 une étude destinée à faire un état des lieux du cadre normatif et institutionnel des semences végétales au Mali, état des lieux synthétisé et diffusé dans un livret bilingue « Semences paysannes et droit des agriculteurs dans le système semencier au Mali » pour une appropriation par les organisations paysannes, les ONG, la recherche et les services étatiques. Des consultations et formations des organisations paysannes sur leurs droits ont permis de construire une vision commune portée à un atelier multi-acteurs en septembre 2017 qui a réuni les ministères de l’Agriculture, de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, les points focaux aux conventions du Traité des semences (Tirpaa), de la Convention sur la diversité biologique, et de la FAO. Cette rencontre a permis de partager les réalités paysannes ainsi que d’autres expériences législatives de pays européens, asiatiques ou sud-américains. À son issue, un cadre de concertation multi-acteurs a été mis en place pour faire reconnaître les semences paysannes et les droits des agriculteurs.

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