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ARGENTINE – La justice suspend l’autorisation de l’usine de semences OGM de Monsanto
En juin 2012, les habitants de Malvinas Argentinas, dans l’agglomération de Cordoba, apprennent par la télévision que Monsanto est sur le point de construire « sa plus grande usine de production de semences transgéniques », notamment de maïs GM. Concrètement, l’entreprise prévoit d’installer 240 silos de 16 tonnes. Une autre usine est annoncée en parallèle dans la province de Tucumán. La résistance s’organise immédiatement et « l’assemblée des habitants de Malvinas Argentinas – Lutte pour la vie » voit le jour.
En janvier 2013, la municipalité de Córdoba approuve la construction de l’usine (ordonnance 812) malgré une opposition citoyenne et un rapport universitaire très critique. L’argument principal des partisans de l’installation de Monsanto est la création d’emplois qu’elle engendrera, alors que les opposants soulignent les impacts sanitaires et environnementaux des PGM déjà observés.
L’assemblée des habitants a organisé en septembre 2012 une grande manifestation pour exprimer le refus de la population à cette usine, et un recours judiciaire et un projet de loi ont été déposés… La première action judiciaire de l’assemblée, soutenue par l’organisation fondation « Club de Derecho », a été de contester l’ordonnance municipale : les opposants demandent la suspension des travaux en attendant une étude préalable d’impact environnemental et des audiences publiques avec la participation des habitants, comme l’exige la loi générale de l’environnement (loi 25.675). En première instance, la juge du tribunal civil, Claudia Zalazar, a rejeté la demande citoyenne. Mais le 22 février 2013, en seconde instance, la 2° chambre de conciliation du Travail a ordonné au maire, Gustavo Asis, de suspendre l’ordonnance (et donc les travaux). Les juges soulignent l’importance du principe de précaution de la loi 25.675 : « L’affirmation selon laquelle les travaux commencés ou à venir n’auraient pas d’impact sur l’environnement est inconsistante, car ils font partie d’un projet général d’installation de l’usine de semences suspectées de provoquer un impact négatif sur l’environnement ». Le jugement fait donc explicitement référence à l’article 41 de la Constitution nationale, à l’article 66 de la Constitution de Córdoba et à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et ainsi souligne que « le principe de précaution est le principe directeur » et qu’il est important d’interdire des activités potentiellement risquées pour l’environnement même sans certitude scientifique. En cas de doute, précisent les juges, « le devoir est d’être pour l’environnement et contre l’activité polluante ». Les juges demandent donc que Monsanto se soumette à la loi qui impose que « tous travaux ou activités susceptibles de dégrader l’environnement ou affecter la qualité de vie de la population [soient] sujets à un processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement, avant son exécution ».
La santé menacée, mais Monsanto continue
D’autre part, plusieurs universités, de Cordoba et de Rio Cuarto, ont dénoncé le bien-fondé de l’installation de Monsanto dans la région. Le rapport [1] publié par la Faculté de Médecine de Córdoba conclut, suite à une étude interdisciplinaire, que le projet n’est « pas recommandable du point de vue médical et est intolérable du point de vue social ». Le rapport met en exergue les graves problèmes de santé dans cette localité : une prévalence de 15,46 % de pneumopathies et dans les zones soumises aux fumigations (quartier Nicolás de Bari), elle atteint 20,25 %, les maladies de la peau affectent 10% de la population et dans le quartier de Nicolás de Bari elles atteignent 30%. Les chercheurs rapportent que 178 femmes ont souffert d’avortement spontané ces dernières années, soit une prévalence de 22% des femmes en âge de procréer dans l’échantillon étudié. A Nicolás de Bari, le pourcentage est plus élevé (25,6 %). Or, au niveau national, la prévalence des avortements spontanés est de 6% des femmes en âge de procréer. « Ce pourcentage d’avortements spontanés à Malvinas Argentinas nous dit que quelque chose de grave est en train de se passer ».
Mais Monsanto, malgré cette suspension, continue les travaux. D’après un article publié dans Pàgina 12 [2], « la porte-parole de l’entreprise, María Lucila Pentenero, a reconnu que les travaux continuent et déclaré que « ni les permis émis par la Municipalité, ni l’accord sur le projet émis par le Ministère de l’Environnement provincial n’ont été révoqués » et que Monsanto « n’a reçu aucune notification du jugement ».
Cette région est connue pour sa lutte contre les épandages aériens de Roundup sur les cultures de soja Roundup Ready, proche des habitations [3].
[1] La recherche universitaire a été menée par Luciana Ruderman (Red Universitaria de Ambiente y Salud), Betiana Cabrera Fasolis (Cátedra de Medicina Psicosocial), Gloria Dozzo (Alergia e Inmunología), Carlos Nota (Medicina I) y Medardo Avila Vázquez (Clínica Pediátrica) par le croisement d’enquêtes sociales y économiques et de “données sanitaires directes” concernant 3563 personnes.
[3] , « Argentine : la culture de soja OGM qui rend malade », Inf’OGM, 29 janvier 2013