Santé et PGM : des doutes renforcés
Des rats qui mangent du soja transgénique ont le foie et les testicules altérés, une protéine de haricot exprimée par un petit pois déclenche une réaction immunitaire… Ces données ne sont pas des arguments inventés pour s’opposer aux promesses des PGM mais des études publiées selon les standards scientifiques habituels. Dans le cadre de sa mission d’information, Inf’OGM fait le choix de présenter les grandes lignes de ces deux publications, en complément d’une synthèse des précédentes études sur la santé.
Les études montrant des impacts des Plantes Génétiquement Modifiées (PGM) sur la santé se multiplient dans la presse scientifique. Aux Etats-Unis, certaines voix d’élus se lèvent pour demander que des études d’impacts sur la santé soient effectuées systématiquement et au cas par cas. En Europe, les Etats et la Commission reprochent à l’EFSA (European Food Safety Agency) de ne pas tenir compte des avis nationaux et notamment des questions soulevées sur les études analysant les risques sur la santé, son absence de transparence et surtout, certains commissaires comme celui de l’environnement, S. Dimas, lui reprochent sa méconnaissance des effets à long terme.
Pour compléter le tableau des études jetant un doute sur l’innocuité sanitaire des PGM, dont un résumé avait été remis à la mission parlementaire française de 2005, d’autres études majeures ont été publiées en 2005 : un soja transgénique qui induit des altérations dans les cellules de foie et de testicules des rats et une protéine transgénique qui provoque des allergies alors même que sa séquence n’a pas changé.
Quelques exemples d’études précédentes
Depuis quelques années, plusieurs études scientifiques ont analysé les impacts sur la santé des PGM. Ces études se sont intéressées à plusieurs questions : 1) l’intégrité, la stabilité, le nombre de copies et l’emplacement du transgène inséré dans le génome de la plante ; 2) le comportement des gènes étrangers permettant l’insertion du transgène dans ce génome (promoteur et / ou terminateur) ; 3) le comportement de la protéine transgénique ; 4) et enfin la toxicité de l’aliment génétiquement modifié (GM).
1) Sur la stabilité de l’ADN transgénique inséré dans le génome de la plante, une étude conduite en 2003 s’est intéressée à la séquence même de ce transgène dans cinq variétés différentes1. Des scientifiques du Laboratoire pour les méthodes de détection et du Laboratoire de Biométrie et d’Intelligence Artificielle de l’Inra (France), ont montré des différences entre les lignées transgéniques déclarées et celles effectivement présentes dans les plantes cultivées : absence de séquences attendues ou présence de séquences d’ADN non prévues. La question est aujourd’hui de savoir quand ces modifications ont eu lieu mais aussi si elles se poursuivent dans la durée.
2) En août 2000, une étude de l’Université de Leeds a montré que l’ADN n’est pas complètement dégradé dans les aliments pour animaux : ni par la plupart des conditions de transformation des produits commerciaux, ni au cours de l’ensilage2. Chez l’Homme, T. Netherwood et ses collègues montraient en 2004, la persistance de l’ADN transgénique dans le tube intestinal et un transfert de faible intensité de cet ADN aux bactéries de la microflore3. Concernant le promoteur (séquence génétique permettant l’expression du transgène) le plus utilisé dans les constructions transgéniques, le promoteur 35S, une étude publiée dans le journal “European Food Research and Technology” en octobre 2005, montre que le promoteur 35S peut être actif dans des cellules humaines. Pour les auteurs, ces résultats impliquent surtout que des études in vivo et des analyses sanitaires en conséquence doivent être réalisées4.
3) Sur la protéine transgénique en elle-même, un article5 publié en 2004 montre que des tests imprécis et une réglementation inadaptée ont permis l’entrée de produits comme le maïs MON810 sur le marché et ce, malgré la présence possible d’allergènes. Les auteurs ont notamment démontré que l’Agence états-unienne pour la Protection de l’Environnement a, dans un dossier d’autorisation de maïs GM, choisi d’ignorer une étude effectuée par la Food and Drug Administration qui montrait des risques allergènes. Concernant les résultats déjà connus, des analyses portant sur l’aliment lui-même ont montré que des différences de métabolisme et donc, de molécules présentes dans le produit ont lieu lorsque celui-ci est transgénique. Ces nouvelles molécules peuvent avoir des conséquences sanitaires lors de la consommation du produit transgénique. Ainsi, en 2004, des différences significatives entre un soja conventionnel et un soja transgénique, tolérant l’herbicide RoundUp (RR) ont été rapportées par un article de chercheurs de Monsanto6. Le soja RR brut contient 27% de plus d’un inhibiteur d’une enzyme digestive du suc pancréatique qui a pour but de digérer les protéines. Cela peut donc inhiber la digestion de certaines protéines et peut retarder la croissance des animaux. Par ailleurs, en 2003, le Pr. Chowdhury a montré que la protéine transgénique (Cry1Ab) persistait dans l’organisme humain après consommation7.
4) Pour les études toxicologiques (cf. encadré ci-dessous), rappelons que, dans le cadre des procédures européennes, ces analyses sont effectuées par les entreprises sollicitant la mise sur le marché d’OGM. Elles consistent en l’alimentation de deux lots de rats, l’un avec l’aliment conventionnel, l’autre l’aliment transgénique. Mais, pour G. Pascal, membre de la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) : « Que le rat comme la souris ne soit pas le bon animal [pour les analyses de toxicologie], je n’arrête pas de le dire, mais personne ne m’écoute ! […] C’est un modèle insuffisamment sensible et nous ne trouverons jamais rien, pas plus en 90 jours qu’en deux ans, sinon des effets réellement marqués » 8. Pourquoi cette affirmation ? Parce qu’à 90 jours, le rat développe des signes physiologiques de vieillesse : seuls les effets de toxicologie de forte intensité seront détectés, ceux de faibles ou moyennes intensité ne le seront pas. Mais, comme le souligne J. Testart “Cette conclusion étonnera tous les chercheurs qui utilisent le rat comme modèle expérimental… bien au-delà de trois mois ! Elle ignore également le fait qu’il existe d’autres modèles animaux potentiellement utilisables” 9. Par ailleurs, une polémique anglaise a porté sur l’autorisation de commercialisation du maïs T25 d’Aventis. Le Pr. A. Gray, directeur de l’Advisory Committee on Release to the Environment qui a avalisé cette autorisation, a admis que les recherches auraient dû être poursuivies puisqu’il a été démontré que les poulets nourris au maïs T25 avaient eu un taux de mortalité deux fois plus élevé que ceux élevés traditionnellement. Il ajoutait qu’une deuxième étude réalisée sur des rats ne pouvait autoriser de conclusion : c’est une étude de toxicologie et non d’alimentarité 10.
Test de toxicologie
Tests d’allergénicité – La séquence de la protéine transgénique produite est comparée aux séquences de protéines connues pour leur capacité à provoquer des allergies. En cas d’homologie, une objection est soumise. Sinon, le test est considéré comme réussi.
Tests d’alimentarité – L’objectif est d’évaluer l’impact de l’aliment GM sur la croissance de l’organisme le consommant. Ils sont effectués sur deux lots de poulets (animal à croissance rapide) durant une période de 29 jours, un lot étant nourris avec l’aliment modifié, l’autre avec le même aliment mais non modifié.
Tests de toxicité – L’objectif est d’évaluer la toxicité d’un aliment, c’est-à-dire sa propension à déclencher une réaction de lutte contre une toxine de l’organisme consommateur. Ces tests sont conduits sur deux lots de rats sur une période de 90 jours. Ce sont les plus importants car ils mettent en évidence un impact direct de l’aliment GM sur la santé de l’organisme le consommant.
Plus généralement, concernant les études de toxicologie, outre la fameuse étude11 du Pr. Pusztaï en 1999, la polémique sur le dossier du maïs MON863 en 2005 a permis de mettre en évidence les lacunes des évaluations. Dans ce dossier, les analyses toxicologiques de Monsanto ont été rendues publiques par la justice allemande. Ces analyses effectuées par Monsanto sur des rats, durant 90 jours, et sur la base desquelles l’autorisation de commercialisation a été donnée, montraient, chez les mâles nourris au MON 863 : “une augmentation significative des globules blancs et des lymphocytes et une fréquence plus élevée d’anomalies (inflammation, régénération…) dans les reins » ; et, chez les femelles nourries au MON863 : une “baisse des réticulocytes” (jeunes globules rouges) et une “augmentation significative de la glycémie” (cf. Inf’OGM n°65).
Deux études récentes
Du soja GM altère des cellules hépatiques et des testicules
L’équipe du Pr. Malatesta (Université d’Urbino, Italie) a présenté ses résultats lors du 46ème symposium d’histochimie à Prague en septembre 2004. L’alimentation de souris à base de soja transgénique tolérant au glyphosate pendant une à cinq semaines, entraîne des perturbations dans les testicules : modification d’activités enzymatiques, modification des cellules de Sertoli (impliquées dans le fonctionnement hormonal des testicules), forte activité de l’ADN témoignant d’une synthèse de protéine accrue. Les auteurs précisent toutefois que les effets peuvent être dus non à la modification génétique de la plante, mais au glyphosate présent dans la plante après application de l’herbicide RoundUp12.
Une autre étude plus récente du même laboratoire montre que les effets secondaires d’une alimentation à base de soja transgénique tolérant l’herbicide Roundup sur les cellules du foie (modifications de composants du noyau de ces cellules, impliqués dans les processus de synthèse de protéine) s’avèrent potentiellement réversibles (cf. encadré ci-dessous 13. Les auteurs reconnaissent ne pas connaître les mécanismes impliqués dans ces phénomènes. Les hépatocytes (cellules du foie) représentent un bon modèle pour étudier les effets d’un régime alimentaire, le foie étant potentiellement la première cible d’effets négatifs. Les multiples fonctions métaboliques et en particulier, le rôle central du foie dans la transformation des nutriments, pourraient expliquer une telle influence immédiate des aliments transgéniques sur les caractéristiques des noyaux d’hépatocytes. Parmi les facteurs potentiellement responsables, la présence possible de glyphosate dans les aliments, matière active du Roundup, doit également être prise en considération. Par ailleurs, il est signalé que les graines de soja sont riches en phytœstrogènes, des composés présents naturellement chez beaucoup de plantes et ayant la capacité à se lier aux récepteurs d’œstrogène. Les graines de soja transgéniques se sont révélées contenir moins de molécules de ce type que les graines non transgéniques 14. Considérant l’influence des phytœstrogènes à plusieurs niveaux de l’activité cellulaire et en particulier chez les hépatocytes, une différence quotidienne de quantité ingérée de ces composants pourrait également être une explication des modifications observées.
Augmentation du métabolisme chez les souris nourries aux PGM
Dès leur sevrage, des souris sont nourries pendant trois mois avec du soja transgénique. A l’aide de microscopie électronique, les chercheurs ont identifié des changements dans les noyaux des cellules (cf. paragraphe suivant). On donne ensuite à ces souris du soja non GM durant un mois. Ce changement de régime alimentaire provoque un retour aux caractéristiques typiques du noyau des cellules. En parallèle, afin d’évaluer l’influence du soja transgénique sur l’intégrité physique d’individus adultes, des souris nourries avec du soja non GM sont à leur tour passées à un régime de soja transgénique. Pour ce groupe de souris, des modifications similaires à celles observées sur le premier groupe, lors de son régime initial à base de soja transgénique, ont été mises en évidence.
Les noyaux des hépatocytes (cellules du foie) sont généralement de forme ronde, avec des points de condensation de l’ADN répartis à la périphérie. Dans le nucléole (un composant du noyau), les souris passées d’une alimentation normale à une alimentation transgénique présentent des centres de fibrillation et d’abondants composants fibreux denses – tandis que les souris passées d’une alimentation transgénique à une alimentation normale présentent des nucléoles plus compacts, avec moins de composant fibreux denses et plus de composants granuleux.
Généralement, la diminution de la surface du noyau et l’augmentation de la fréquence des pores sont considérées comme révélatrices de l’augmentation du métabolisme en lien avec le trafic moléculaire entre le noyau et le cytoplasme de la cellule. C’est ce qui se passe dans le cas des souris nourries au soja transgénique. En 1993, Schwarzacher et Wachtler montraient déjà que le pourcentage de composants fibreux denses augmentait significativement chez les souris nourries avec des aliments transgéniques alors que les composants granuleux diminuaient, suggérant une plus grande activité enzymatique1. Enfin, la surface du noyau, qui s’était révélée inférieure chez des souris nourries avec du soja transgénique par rapport aux souris nourries au soja normal, a gardé cette infériorité dans le cas des souris changeant de régime alimentaire dans les deux sens. Les auteurs précisent que le régime alimentaire affecte principalement les composants structurels des noyaux.
1,“The nucleolus”, Schwarzacher HGet al., Anat Embryol 1993 ; 188:515-36
La suite de ce travail portera sur deux points : étudier plus avant les impacts sur le foie des souris nourries avec du soja transgénique ainsi que les impacts sur des embryons de souris. Mais à ce jour, ces deux travaux n’ont pu avancer, les chercheurs devant faire face à des problèmes financiers pour leur recherche15.
Une protéine transgénique à la structure altérée et fortement immunogène
Récemment, des pois GM exprimant le gène d’un inhibiteur de l’ ?-amylase prélevé chez le haricot ont été développés pour protéger les graines en inhibant l’a-amylase des bruches (insectes ravageurs de pois, pois chiches et haricots). Une étude, qui va plus loin que ce qui est demandé par les instances d’évaluation pour juger de l’allergénicité d’une PGM16 et publiée le 15 octobre 200517, démontre que l’expression transgénique du gène de cette protéine de haricot dans des pois GM aboutit à une protéine dont la structure est différente. Par ailleurs, cette protéine à structure modifiée se révèle immunogène, c’est-à-dire capable d’induire une réaction immunitaire, lorsqu’elle est produite dans le pois. Cette étude a poursuivi deux objectifs principaux :
1) caractériser les transformations de la protéine inhibitrice de l’ ?-amylase (?AI), quand elle est transgéniquement exprimée dans le pois (pois ?AI),
2) évaluer les conséquences immunologiques d’une consommation orale de pois ?AI.
Pour commencer, les auteurs effectuent une analyse structurale de la protéine exprimée transgéniquement (pois ?AI) et la comparent à la protéine naturellement produite par diverses variétés de haricots (collectivement dénommées haricot ?AI). Naturellement, l’ ?-amylase de haricot est synthétisée sous forme d’une protéine précurseur pro- ?AI qui est coupée en deux pour donner naissance à deux chaînes protéiques, a et b. A ces deux chaînes sont ajoutées des molécules de Glucose (forme de sucre) et un ou plusieurs acides aminés sont retirés de leur extrémité C terminale : c’est la glycosilation. Cette modification, qui a lieu après la synthèse de la protéine (post-traductionnelle), génère des formes majeures de chaînes a et b de masse respective 11646 et 17319, et des formes mineures comportant différents glucides. La comparaison détaillée de la protéine de haricot ?AI avec celle de pois ?AI par Western-blot révèle des différences dans le profil des bandes, suggérant de possibles différences dans la structure de aI native (celle exprimée par le haricot) et ?AI transgénique (celle exprimée par le pois).
Après avoir montré que la structure de la protéine inhibitrice de l’ ?-amylase différait possiblement selon si la protéine est exprimée naturellement par le haricot ou de manière transgénique par le pois, les scientifiques ont voulu étudier la capacité de la protéine transgénique à déclencher une réaction immunitaire suite à sa consommation. Cette réaction immunitaire pouvant être due à la protéine transgénique seule ou suite à une interaction avec une autre protéine, cette deuxième hypothèse a également été étudiée.
En général, pour les aliments que nous consommons, les petites parties d’une protéine contre lesquelles le système immunitaire réagit, appelées antigènes, subissent une digestion gastrique menant à la formation de petites protéines non immunogènes et à l’induction d’un état de non réactivité immunologique nommée tolérance orale. L’induction de la tolérance orale aboutit à l’impossibilité du système immunitaire d’initier une réponse immunitaire active à une exposition ultérieure au même antigène au niveau de la peau (réponse de type Hypersensitivité retardée HSR) ou au niveau des poumons (inflammation médiée par les cellules auxiliaires T, CD4-T).
De leurs expériences (cf. encadré ci-dessous), les auteurs ont conclu que : 1) la protéine de haricot (exprimée dans le haricot non GM) n’induit pas de réaction immunitaire ; 2) le pois non GM ne contient aucune protéine induisant une réaction immunitaire ; 3) la protéine de haricot exprimée transgéniquement par le pois GM induit une réaction immunitaire spécifique ; et 4) cette protéine transgénique induit également des réactions immunitaires à d’autres protéines alimentaires qui normalement n’en déclenchent aucune.
Quelle réaction à quelle protéine ?
Différences de structures des protéines
L’analyse des protéines ?AI produites par plusieurs variétés de haricot confirme que les diverses variétés possèdent les mêmes modifications post-traductionnelles bien caractérisées et une abondance relative très semblable des variants minoritaires. Les formes mineures de la chaîne a se différencient par la perte d’un à trois résidus de sucre. Au contraire, les formes les moins glycosylées dominent dans la chaîne ? de pois- ?AI. En outre, le profil de la protéine pois- ?AI diffère de celui de haricot- ?AI, indiquant d’autres modifications de certaines chaînes ? de pois- ?AI.
Les analyses d’allergénicité
Afin d’examiner de possibles différences de réactivité immunologique, des souris nourries avec des haricots Pinto qui expriment une forme native de ?AI, reçoivent une fraction purifiée de l’inhibiteur du haricot au niveau cutané et pulmonaire. Globalement, la consommation orale de la forme native de l’inhibiteur de l’ ?-Amylase du haricot (h- ?AI) suivie d’une exposition respiratoire à l’inhibiteur du haricot purifié ne provoque pas de réactions immunologiques ni d’inflammation.
Pour déterminer si la consommation orale de la forme transgénique ?AI du pois provoquait une réaction immunologique, les souris reçoivent par voie orale une farine de graines de pois transgéniques et les réponses de type hyper sensitivité (HSR) sont enregistrées. Chez les souris nourries de pois transgéniques, des anticorps IgG1 spécifiques de ?AI sont détectés après deux semaines et à des niveaux significatifs après quatre semaines d’exposition orale. En concordance avec les résultats d’anticorps, les souris nourries de pois non transgéniques ne développent pas de réponse HSR après exposition des coussinets à une forme purifiée de l’inhibiteur. Par contre, les souris nourries de pois transgéniques développent une réponse HSR significative par comparaison au groupe exposé au pois non transgénique.
Comme contrôle d’un quelconque effet généré par la modification génétique, les expériences sont répétées avec deux autres plantes GM, un lupin GM exprimant l’albumine de la graine de tournesol (tA) et un pois chiche exprimant la forme dérivée du haricot (h- ?AI). Des groupes de souris reçoivent une farine de lupin (GM ou non) ou de pois chiches (GM ou non), et sont par la suite exposés à tA ou ?AI avec examen des réponses HSR. Contrairement au pois transgénique, les souris nourries de lupins ou de pois chiches GM ne développent pas de réponse HSR. Donc, la consommation de pois transgéniques contenant ?AI provoque une réactivité immunologique spécifique.
Après avoir caractérisé le type de réponse immunitaire contre p- ?AI, les chercheurs ont montré que l’inhibiteur de l’ ?-amylase du pois (p- ?AI) déclenche des réponses immunitaires à d’autres antigènes oraux. Diverses études ont montré que de nombreuses protéines végétales telles la tomatine possèdent une activité immuno-modulatrice et potentialisent les réponses immunitaires à d’autres allergènes. Les auteurs démontrent que la consommation de pois transgéniques en présence d’un grand nombre d’allergènes alimentaires dans le tractus gastro-intestinal induit une réponse immunitaire systémique contre l’ ?-amylase du pois (p- ?AI). Pour ce faire, des souris sont nourries avec l’inhibiteur du haricot, du pois transgénique ou l’inhibiteur transgénique purifié, avec ou sans adjonction d’ovalbumine, à raison de trois fois par semaine pendant deux semaines. Une semaine après ce régime, une solution d’ovalbumine purifiée ou saline est injectée dans la trachée et la réponse inflammatoire des souris est évaluée.
L’ovalbumine seule ou en combinaison avec l’inhibiteur du haricot ne provoque pas de réponse inflammatoire au niveau des pattes ou des poumons. Par contre, la consommation de l’inhibiteur transgénique purifié, avec ou sans adjonction d’ovalbumine, déclenche une forte réponse d’anticorps spécifiques de l’ovalbumine et prédispose les souris à l’inflammation en cas de contact. Ce résultat suggère que l’inhibiteur transgénique favorise des réactions croisées à d’autres protéines, ce qui est confirmé par les taux sériques d’anticorps spécifiques d’autres protéines (viciline-4, globuline, lectine) plus élevés chez les souris nourries avec le pois transgénique que chez celles nourries du pois non GM.
D’après les auteurs, “le séquençage ADN du transgène dans le pois et sa comparaison avec la séquence publiée confirment que les séquences nucléotidiques sont identiques et permet d’établir que les formes supplémentaires observées de pois- ?AI sont liées à des variations dans les modifications post-traductionnelles y compris la glycosylation…. Il est clair que l’expression du gène ?AI de haricot dans les pois conduit à des différences de glycosylation et à de possibles autres différences à la fois dans les chaînes a et b […] Ces études suggèrent que l’immunogénicité altérée de l’inhibiteur de l’ ?-amylase n’est pas liée à ses propriétés d’inhibiteurs de l’a-amylase…”. Ils concluent : “Dans cette étude, nous avons démontré que l’expression transgénique de l’inhibiteur de l’ ?-amylase dans le pois peut conduire à une forme modifiée de la protéine avec des propriétés antigéniques altérées. De plus, nous montrons que l’exposition concomitante du tractus gastro-intestinal à l’inhibiteur de l’ ?-amylase modifiée et à des antigènes alimentaires hétérogènes provoque des réactions croisées et déclenche l’immunogénicité… Ces investigations, cependant, démontrent que l’expression transgénique de protéines non natives dans des plantes peut conduire à la synthèse de variants structuraux avec une immunogénicité altérée”.
Un processus d’évaluation à revoir ?
Ces deux études s’ajoutent donc à la liste de celles existantes et ayant amené nombre d’acteurs à interroger les pouvoirs publics pour que des études similaires et systématiques soient conduites par des laboratoires publics, et non par ceux des entreprises requérant l’autorisation de commercialisation comme c’est le cas actuellement. La lecture des comptes-rendus de séance de l’EFSA sur l’évaluation de l’impact sanitaire des PGM amène également à se poser la question de la prise en compte de ces études par les membres de cette instance. Suite aux résultats présentés dans ce dossier, les demandes d’autorisation en cours vont-elles être suspendues afin de demander à des laboratoires publics de répéter la même expérience ? Cette étude va-t-elle être ignorée et d’autres sojas transgéniques autorisés ? L’absence de transparence sur les protocoles d’évaluation suivis par les scientifiques de l’EFSA ne permet aujourd’hui pas de répondre à ces questions.
Ces questions ont récemment trouvé échos chez certains états membres et commissaires européens. En avril 2006, la Commission européenne a soutenu les mesures proposées par deux de ces membres, le commissaire chargé de la santé et de la protection des consommateurs, M. Kyprianou, et le commissaire responsable de l’environnement, S. Dimas, pour améliorer le travail de l’EFSA. Parmi elles : “l’EFSA sera invitée à détailler davantage, dans les avis qu’elle formule au sujet de demandes individuelles, les raisons pour lesquelles elle rejette les objections scientifiques des autorités nationales compétentes – à expliquer quels protocoles les demandeurs devraient utiliser dans leurs études scientifiques (en toxicologie, par exemple) – les demandeurs et l’EFSA seront invités à aborder les effets potentiels à long terme et les questions de biodiversité d’une manière plus explicite lors de l’évaluation des risques post-commercialisation – lorsque la Commission estimera que les observations formulées par un État membre soulèvent de nouvelles questions scientifiques importantes que l’EFSA n’a pas abordées de manière adéquate ou suffisante dans son avis, elle pourra suspendre la procédure et renvoyer la question à l’EFSA pour un examen plus approfondi”18.
Mais n’apparaissent toujours pas l’assurance de prise en compte des résultats tels que ceux présentés dans ce dossier ni la volonté que ces études d’évaluation de la toxicité des PGM soient effectuées par des laboratoires publics. Ces demandes, portées par les acteurs s’opposant à la commercialisation trop hâtive des PGM, ne semblent pas encore à l’ordre du jour.