Gouvernance environnementale : les OGM absents du projet de loi
En septembre 2010, le président de la République lançait un vaste chantier sur l’information et la participation du public aux décisions environnementales, en donnant pour mission au député UMP Bertrand Pancher d’amorcer ces réflexions dans le cadre d’un rapport, lequel serait traduit dans une proposition de loi [1]. Une première version de ce rapport a été publiée par le député sur un blog [2] et était soumise aux commentaires du public pendant un mois. Une synthèse de ces commentaires devrait être annexée au rapport final, attendu « cet été ».
La directive 2001/18, texte encadrant au niveau européen la question des OGM, impose aux États membres de prendre des mesures afin de fixer les modalités d’information et la consultation du public sur les disséminations volontaires. A cette fin en France, après une première condamnation européenne [3], deux décrets ont été publiés en 2007 [4]. La loi de 2008, sur les OGM, ne pose quant à elle que des principes généraux sans spécifier les modalités de mise en œuvre.
Un vide juridique encore loin d’être comblé
Or, selon la Charte de l’environnement, texte adossé à la Constitution française, c’est la loi qui doit encadrer la participation et l’information du public sur les questions touchant à l’environnement, et non des textes règlementaires. Le Conseil d’État, en juillet 2009, a donc annulé les dispositions sur ces questions, présentes dans ces deux décrets. Cette annulation n’était effective qu’à partir de juin 2010, pour laisser le temps à l’État français de légiférer et de ne pas être en carence vis-à-vis de la réglementation européenne.
En juin 2011, soit un an après la prise d’effet de la décision du Conseil d’État, il n’y a toujours pas de texte en vu, mettant la France face au risque d’une nouvelle condamnation pour non transposition, si la Commission européenne ou une partie lésée par cette non transposition l’attaque devant la CJUE. Rappelons qu’en décembre 2008, la France a été condamnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes à une amende de 10 millions d’euros pour absence de transposition de la Directive de 2001/18 [5].
Suite à cette annulation, Chantal Jouanno, alors secrétaire d’État à l’Ecologie, avait annoncé que la question des Plantes Génétiquement Modifiées (PGM) serait intégrée à un texte plus large, encadrant information et participation du public en matière de décisions environnementales. C’est à cette tâche que s’est attelé, en octobre dernier, le député Pancher [6].
Le projet de rapport du député Pancher a été publié début mai [7], suite à l’audition d’une cinquantaine de personnalités intéressées aux questions de gouvernance en matière environnementale, auditions auxquelles Inf’OGM et d’autres veilles citoyennes d’information ont participé [8]. On peut noter globalement quelques bonnes intentions de démocratie participative, demandée en partie par nos associations, comme le fait, évident mais jusqu’à maintenant peu respecté, de débattre avant que les décisions soient prises (!), de justifier les décisions en fonction des apports des citoyens, d’obliger l’administration à appliquer les décisions de la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs), de rendre accessibles les données brutes des études, etc.
Mais lors de ce rendez-vous, la veille juridique d’Inf’OGM avait aussi rappelé la nécessité d’un texte de loi propre aux PGM, encadrant la gouvernance et traduisant en applications concrètes l’information et la participation du public. C’est notamment la loi qui doit encadrer les informations que les semenciers doivent communiquer, car n’entrant pas dans le secret industriel, ainsi que les informations communicables par l’administration française. Le collectif d’associations a souligné le manque de transparence dont souffre la question des PGM en France, notamment les carences du site gouvernemental dédié à ces questions, qui reste bien trop insuffisamment alimenté et très partial [9]…
Le rapport Pancher : un contenu général pour un avenir incertain
En matière de PGM, il y a beaucoup à faire sur la gouvernance. Pourtant les 23 propositions retenues dans le rapport de Bertrand Pancher n’abordent pas spécifiquement le sujet (cf. encadré page 9). Certaines organisations auditionnées et jugées plus pertinentes sur la question par le député, ont été conviées à un second entretien commun, pour rediscuter des propositions et tirer un bilan des commentaires laissés sur le blog. Si durant toute la procédure de consultation, le député a été particulièrement soucieux de la transparence, on peut regretter que ce second rendez-vous n’ait pas été entouré de toute la publicité nécessaire : ni en ce qui concerne son organisation, ni dans les conclusions tirées. Les suites données à ce rapport d’étape ne sont pas très claires et l’absence de la question des OGM en son sein est également plus que dommageable.
Mais on peut également s’interroger sur le statut de ce rapport final. L’idée initiale était de baliser la réflexion par un rapport, lequel devait inspirer une proposition de loi [10]. Or, le calendrier de ce rapport qui ne cesse d’être repoussé (la version finale du rapport était attendue fin 2010, à la demande du président de la République, voir note 1), se heurte désormais à un autre calendrier : celui des prochaines élections présidentielles. Dans ce laps de temps, il semble vain d’espérer l’émergence d’un texte sur la question.
Interrogé par Inf’OGM à ce propos, le ministère de l’Environnement envisage d’accélérer les choses sur la thématique des PGM, notamment parce que la carence vis-à-vis de l’Union Européenne peut coûter très cher à un État. C’est par la voie d’une ordonnance que pourrait être envisagée cette accélération. Par cette procédure, le gouvernement peut en effet prendre des mesures relevant habituellement du domaine de la loi, en esquivant les débats parlementaires. Ce raccourci serait d’autant plus problématique que le sujet même de cette ordonnance relève de la démocratie participative. Si par cette ordonnance le gouvernement ne se contente que de transposer la directive 2001/18, un certain nombre de points, telle la publication des données brutes d’évaluation, serait abandonné. Il n’est pas sûr que la démocratie sur la question des PGM sorte grandie de cette accélération.
Finalement, fallait-il ou non que nos veilles citoyennes d’information participent à cette consultation ? Le troisième objectif statutaire d’Inf’OGM, renforcer la transparence des pouvoirs publics sur l’information, nous a conforté dans le choix d’aller présenter nos propositions. L’avenir dira si nous avons perdu notre temps…
[1] Voir la lettre de mission : http://gouvernanceenvironnementale….
[2] Le rapport est publié sur le blog Gouvernance environnementale, créé par le député dans le cadre de sa mission : http://gouvernanceenvironnementale….
[3] cf. note 2
[4] Il s’agit des décrets 2007-358 et 2007-359.
[6] FRANCE – OGM et information du public : une proposition de loi sur la gouvernance environnementale avant fin 2010
[7] cf. note 2
[8] Comme FSC, le Réseau environnement Santé, Avicenn, Robin des toits et la veille juridique d’Inf’OGM. Cette dernière, qui représente un collectif de sept signataires (les Amis de la terre, la Confédération paysanne, la FNAB, Greenpeace, Inf’OGM, Nature & Progrès et l’UNAF), a rencontré le député le 18 janvier pour lui faire part de leurs propositions propres au domaine des PGM. cf. Future loi sur la transparence environnementale : propositions associatives, Inf’OGM n°108, janvier/février 2011, http://www.infogm.org/spip.php?arti…
[10] À ce sujet, B. Pancher écrit d’ailleurs sur son blog « je maintiens mon souhait de faire aboutir ces propositions à une proposition de loi qui, je l’espère, retiendra toutes l’attention de mes collègues ».