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ETATS-UNIS – Les OGM ne seront pas étiquetés en Californie
Le 6 novembre 2012, les Étatsuniens étaient appelés à voter pour leur nouveau président : ils ont réélu Barack Obama. Les Californiens devaient aussi se prononcer sur une modification constitutionnelle : l’obligation d’étiqueter les produits destinés à l’alimentation humaine contenant des OGM (connue sous le nom de « proposition 37 »)… Et c’est le « non » qui l’a emporté avec une avance au final assez faible vu les moyens mis en oeuvre pour faire échouer cette initiative.
En effet, 53,1% (soit 4 835 045 voix) des Californiens ont rejeté cette proposition et 46,9% (soit 4 277 985 voix) l’ont soutenue [2]. Ce résultat s’inscrit donc dans la longue tradition des États-Unis, premier producteur de plantes génétiquement modifiées (PGM) au monde qui a toujours refusé de rendre l’étiquetage obligatoire. La pression des entreprises [3], très forte, a donc réussi à faire basculer le vote par un déferlement de publicité via télé et radio. Ainsi, c’est presque huit fois plus d’argent qui a été mobilisé du côté des opposants à l’étiquetage – Monsanto en tête – démontrant, s’il en est encore besoin, l’énorme enjeu qui se jouait là pour l’industrie agroalimentaire [4]. La transparence n’aurait-elle pas permis enfin aux consommateurs de faire un choix éclairé et de mieux tracer les effets éventuels d’une consommation régulière et à long terme ? Un risque qui semble avoir en tout cas effrayé les industries et mobilisé toute leur énergie pour faire échouer cette proposition. Comme le rappelle Sophie Chapelle dans un article publié dans Bastamag [5], citant un sondage publié dans le Los Angeles Times : « Les effets sur les sondages ont été immédiats. Fin septembre, les partisans du oui était largement majoritaires (61% en faveur du texte, 25% contre) mais fin octobre, la proposition n’avait plus que 44% de défenseurs contre 42% d’opposants ».
Les partisans de la proposition 37, certes déçus du résultat, considèrent que la forte mobilisation citoyenne autour de ce thème est en soi une victoire. Pour eux, il s’agissait du combat déloyal de David contre Goliath, et les lobbies ont fait ce qu’il fallait pour faire échouer ce référendum. Le site Natural News [6] évoque même des pratiques frauduleuses de la part de l’industrie qui « a fabriqué des fausses citations de la FDA [NDLR : l’agence des États-Unis en charge de la sécurité alimentaire], et des messages ont été expédiés avec le logo de la FDA ». Toujours d’après ce site, la coalition « non à la proposition 37 » aurait aussi envoyé des messages aux électeurs leur précisant que la police serait opposée à l’étiquetage des OGM. Une plainte a d’ailleurs été déposée auprès du FBI.
La Californie est l’État de la fédération le plus peuplé, avec 37,2 millions d’habitants (en 2010), soit 12,5% de la population américaine. Il s’agit aussi du premier État en termes de produit intérieur brut et, enfin, il s’agit d’une région très riche en biodiversité, même si, l’urbanisation et l’exploitation forestière, notamment, menacent cette richesse. Ainsi, à n’en pas douter, ce vote aura des répercussions sur l’ensemble du pays. Mais les partisans de l’étiquetage ne désespèrent pas et en appellent dès à présent au Président nouvellement réélu qui avait promis, il y a quatre ans, lors de sa première campagne électorale, de mettre en place un étiquetage.
Pour les partisans de la proposition 37, l’intérêt d’un tel étiquetage est de faire savoir à l’industrie agroalimentaire que les citoyens refusent concrètement les PGM dans leur alimentation. La polémique sur leur innocuité tant sanitaire qu’environnementale est toujours aussi vive et de nombreux étatsuniens estiment qu’ils ne doivent pas servir de cobayes… A l’inverse, les opposants à cette proposition soulignent le coût exorbitant qu’impliquerait cette obligation d’étiquetage : sur le site « no on 37 » [7], on évoque un surcoût annuel lié au contrôle d’environ un million de dollars qui serait pris en charge par l’administration. Inf’OGM, dans une brochure publiée en juillet 2012, a montré que ce type d’argumentaire, largement répandu, était inconsistant [8]. L’Union européenne (UE), qui a mis en place un tel étiquetage, n’a pas vu les coûts de ses produits alimentaires renchéris. Bien entendu, l’ampleur de la présence des PGM est beaucoup plus faible dans l’UE qu’aux États-Unis où ils seraient présents dans plus de la moitié des produits. Mais les entreprises ont tout intérêt à exagérer ces chiffres, dans un but évident de maintenir l’opacité et d’empêcher ainsi les consommateurs de marquer leur opposition. Dans l’UE, l’étiquetage a conduit progressivement à l’élimination des OGM dans les produits destinés à l’alimentation humaine… Reste bien entendu tous les produits issus d’animaux nourris aux OGM qui eux ne sont toujours pas étiquetés…
Petit retour historique
Ce « ballot » (terme pour désigner le vote sur une proposition de loi) a été rendu possible suite au recueil d’un million de signatures de la pétition réclamant ce droit à l’étiquetage en 2011. Cette possibilité n’est pas sans rappeler l’initiative de pétition européenne sur les OGM et son rejet par la Commission européenne [9].
D’autres initiatives ont déjà existé mais toutes ont, jusqu’à présent, échoué. En 2002, dans l’Oregon, le vote pour demander l’étiquetage obligatoire a vu le « non » gagner avec 73% des suffrages. Déjà à l’époque, les opposants aux OGM avaient souligné que ce résultat n’illustrait que la disparité des moyens de « communication » entre les industriels et les ONG [10].
Plus récemment encore, le Vermont a tout simplement renoncé avant même le vote à la proposition de loi devant les menaces de Monsanto de poursuivre cette loi devant la justice étatsunienne [11]. Cet État avait en effet déjà subi les affres de la justice suite à l’interdiction, dans les années 90, de l’utilisation de l’hormone de croissance bovine.
En France, les militants (…)
En France, les militants demandent un étiquetage complet
Le 4 novembre, en France, des militants anti-OGM, membres de la Confédération paysanne, des Faucheurs volontaires mais aussi du Comité catholique contre la faim dans le monde, d’Attac, du Front de gauche, des Verts…, ont investi un supermarché Leclerc de Carcassonne pour dénoncer un étiquetage partiel [12]. En effet, si dans l’Union européenne, il est possible de connaître l’origine transgénique des produits végétaux destinés à l’alimentation humaine, ce n’est pas le cas pour les produits issus d’animaux nourris avec des OGM, comme le lait, la viande, les œufs. Or, c’est pour nourrir le bétail que l’Union européenne importe massivement du soja transgénique. Michel David, secrétaire départemental de la Confédération paysanne souligne : « nous mangeons des OGM sans le savoir. Les cobayes, c’est nous ». Les manifestants exigent donc « l’arrêt de toute importation et l’interdiction de tous les organismes génétiquement modifiés dans l’alimentation animale, l’étiquetage des produits concernés, la refonte totale de l’évaluation des OGM ». Et dans l’attente de ces décisions, ils demandent aux supermarchés « de regrouper, dans des rayons séparés les produits garantis sans OGM, afin que les consommateurs n’aient pas à perdre leur temps à traquer les étiquettes » et d’interdire les OGM dans les cantines gérées par les deux Conseils, départemental et régional.
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[4] 44 millions de dollars de la part des partisans du « non » – dont huit millions de Monsanto – contre six millions de dollars des partisans du « oui », voir http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/agro-alimentaire/201211/07/01-4591397-la-californie-dit-non-a-letiquetage-des-ogm.php
[11] Inf’OGM n°116