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SUISSE – Peu ou pas d’avantages économiques pour les OGM
Agroscope, institut public de recherche agronomique suisse, a publié (16 mai 2011) une étude (uniquement en allemand) sur les coûts économiques liés aux cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) [1].
Cette étude, réalisée par la station Agroscope Reckenholz-Tänikon (ART) dans le cadre du programme de recherche national PNR 59 [2], s’est intéressée à cinq cultures GM : le maïs Bt, le maïs tolérant un herbicide, le blé d’hiver résistant au fusarium, et le colza et la betterave, tous deux tolérant un herbicide. Les herbicides et le nom précis des variétés ne sont pas précisés. Pour chaque culture, trois scénarios sont envisagés : « favorable aux PGM », « moyen » et « défavorable ». En effet, les chercheurs établissent un premier lien entre le cadre légal et les surcoûts : « plus la distance prescrite par rapport aux parcelles voisines exploitées de manière conventionnelle est grande, plus les coûts de coexistence sont élevés ». Dit autrement, et ce n’est pas un scoop, plus le cadre légal est contraignant et moins les PGM sont intéressantes pour les agriculteurs. L’autre facteur qui influence la « rentabilité » des cultures transgéniques est la taille des exploitations. Et là encore rien qui ne soit déjà connu : plus les parcelles sont grandes, plus la culture GM est rentable.
La conclusion de l’étude, au-delà des chiffres que nous allons présenter, est que « les résultats indiquent que la culture GM n’a pas trop d’influence sur la rentabilité si les mesures de coexistence futures sont comme dans les deux premiers scénarios (moyen et défavorable) ».
D’autres aspects, comme l’opinion personnelle face aux OGM, seront souvent plus importants dans la prise de décision. Les chercheurs continuent en affirmant que le contexte global jouera aussi un rôle important sur l’acceptation des OGM. Dans le dernier chapitre de l’étude, ils estiment que plus les agriculteurs cultiveront des OGM et/ou plus ils se concerteront entre eux sur les plans de cultures, moins la coexistence sera coûteuse.
Mais revenons-en aux calculs en tant que tels et aux hypothèses de travail qui sous-tendent cette étude. Deux postulats qui ont servi de base de calcul sont remis en cause par les chercheurs eux-mêmes (chapitre 6) mais influencent pourtant, tout au long de l’étude, les résultats. Premièrement, les chercheurs considèrent que les plantes transgéniques ont un rendement supérieur de 5% par rapport aux cultures conventionnelles et que les PGM permettent une réduction du travail via le semis direct. Mais ils disent précisément (page 17) que ce rendement supérieur peut être mis en question, et que le semis direct peut être pratiqué indépendamment des PGM.
Le second postulat est un prix de vente identique des PGM et des plantes conventionnelles, ce qui peut être fortement contesté. Actuellement, il existe par exemple des primes pour les agriculteurs qui cultivent du soja non GM au Brésil et aux Etats-Unis et du colza non GM en Australie (qui peut aller jusqu’à 50 dollars la tonne) [3]. Enfin, le Japon souhaite aussi acheter du maïs non GM même s’il est plus cher sur le marché international… Autre hypothèse : ils se sont basés sur un prix de semence GM de 25% supérieur au prix des semences non GM.
Cette étude mêle les coûts liés à la coexistence [4] et d’autres coûts de production tels que le prix d’achat des semences, le coût des machines, du travail sur la parcelle, etc.
Selon cette modélisation, la culture GM la plus intéressante économiquement est la betterave à sucre GM tolérante à un herbicide qui permettrait de dégager un bénéfice de 640 CHF (510 euros) par hectare par rapport à la même culture conventionnelle (voir encadré ci-dessous). Et la culture la moins intéressante, toujours selon cette étude, est le blé GM résistant au fusarium qui engendre une perte de 209 CHF par hectare (167 euros)… Si on se borne aux coûts de coexistence, le scénario le moins intéressant est la culture du colza tolérant un herbicide sur des petites surfaces (+1123 CHF / ha (896 euros)) et le scénario le plus intéressant est la betterave à sucre tolérant un herbicide, cultivée sur des grandes surfaces (+ 73 CH fr. /ha (soit 58,4 euros)). C’est ce qu’il faut comprendre du communiqué de presse qui annonce : « les coûts supplémentaires de la coexistence se situent entre [58 et 892 euros] par hectare suivant la culture et les conditions de mise en place. Cela représente entre 1 à 20 pour cent du total des coûts de production ».
Au sein d’une même culture, les différents scénarios engendrent des différences considérables. Pour la betterave, le coût de la coexistence varie ainsi de 73 CHF/ ha (58 euros) à 428 CHF / ha (342 euros) et pour le colza, la différence est encore plus forte, puisque le surcoût passe de 123 CHF / ha (98 euros) à 1123 CHF / ha (899 euros).
Tout d’abord, les chercheurs notent (page 13) que la betterave GM ne peut pas se reproduire. Ainsi, il n’y a pas besoin de déterminer et de faire respecter des distances de sécurité, ni de tester les récoltes des parcelles voisines. Les rares betteraves montées en graines doivent être arrachées, qu’elles soient conventionnelles ou transgéniques, il n’y a donc pas là de surcoût pour la filière GM. D’autre part, en matière de coexistence, ils estiment qu’une betterave (GM ou non) qui tombe du camion pendant le transport ne pose pas de problème de dissémination. Donc il n’y a aucun coût à prendre en charge pour « sécuriser » le transport. Enfin, précisent-ils, les betteraves peuvent être gérées facilement par la même usine : il suffit de décaler temporairement les arrivages.
Dans ces conditions, les frais de coexistence pour la betterave à sucre GM s’élèvent à 209 CHF à l’hectare (167 euros).
Les chercheurs ont ensuite pris en compte d’autres aspects pour déterminer une balance plus complète entre les deux types de betterave : surcoûts pour l’achat des semences GM et pour les engrais. Ils parlent aussi « d’autres coûts directs » (sans détailler) qui sont en faveur du conventionnel (mais également des diminutions des coûts liés à la protection des cultures, au travail et aux machines. Enfin, les chercheurs partent du postulat que les betteraves GM ont un meilleur rendement que les betteraves conventionnelles. D’où la conclusion que les betteraves à sucre GM permettent de dégager un gain de 640 CHF par hectare (512 euros) par rapport aux betteraves conventionnelles.)
Pour le blé, la différence de gain (-167 euros pour les variétés GM par rapport aux non GM) résulte principalement du non versement d’une subvention (Extenso- und Anbaubeitrag) de 162 euros aux agriculteurs qui choisiraient de cultiver du blé d’hiver GM.
Les chercheurs concluent aussi que le colza est plus dur à « contenir », en terme de contamination, que les betteraves, ce qui n’est pas non plus un scoop…
Ainsi, dans un scenario « moyen » – exploitations de taille « moyenne » (25 hectares) et cadre légal « moyennement » contraignant – les chercheurs évaluent que le bénéfice des PGM par rapport aux cultures traditionnelles va de -4% à +8% du total des coûts. On est donc loin des résultats économiques annoncés par les grands semenciers. Et comme ces maigres gains sont de plus fragilisés par les risques environnementaux (non chiffrés dans cette étude), l’avenir des PGM semble décidément bien compromis dans l’environnement européen.
[1] « Wirtschaftlichkeit gentechnisch-veränderter Ackerkulturen in der Schweiz », Agroscope, mai 2011, http://www.agroscope.admin.ch/data/…
[4] Ces coûts sont analysé selon neuf mesures modélisées : « planification de la mise en place, distance de sécurité, bandes tampons, échantillonnage de la récolte, récolte, sécurisation du transport, distance de transport, mesures après la récolte et assurances pour la mise en place de grandes cultures génétiquement modifiées »