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États-Unis : l’étiquetage des OGM restera partiel
Dans un jugement très attendu, rendu le 13 septembre 2022, une juridiction fédérale des États-Unis a validé la quasi-totalité des règles relatives à l’étiquetage des aliments contenant des OGM. Seule victoire, certes pas des moindres, obtenue par les associations : l’information des consommateurs au seul moyen d’un « QR code » est illégale.
Depuis le 1er janvier 2022, les aliments contenant des OGM doivent être étiquetés aux États-Unis. Mais les règles d’étiquetage, issues d’un décret du ministère de l’Agriculture pris en 2018, en réduisent fortement la portée [1]. C’est ce qui a poussé l’association Center for Food Safety (CFS) et plusieurs autres associations à introduire un recours contre le ministre de l’Agriculture, M. Tom Vilsack, en juillet 2020. Des organisations de défense des intérêts des agriculteurs, pro-OGM (American Farm Bureau Federation, U.S. Beet Sugar Association et American Sugarbeet Growers Association), sont intervenues en faveur du ministère.
Le 13 septembre 2022, le juge fédéral a rendu son jugement [2]. Il valide l’essentiel des règles relatives à l’étiquetage. Mais il reconnaît l’illégalité d’une disposition controversée et contestée par le Center for Food Safety : celle permettant d’étiqueter les OGM sous la seule forme d’un lien numérique, aussi appelé « QR code ».
Une victoire pour la transparence
Quand la loi fédérale sur l’étiquetage des OGM était débattue en 2016 [3], la toute première sur le sujet au niveau fédéral, l’un des aspects les plus controversés était la disposition autorisant les entreprises à utiliser un « QR code » comme méthode d’information des consommateurs. Une fois scanné avec un smartphone, ce « QR code » permet aux consommateurs d’obtenir des informations par SMS sur la composition du produit, et donc la présence ou non d’OGM.
Les règles relatives à l’étiquetage issues du décret adopté en 2018 maintiennent la possibilité pour les entreprises de choisir l’étiquetage de leurs aliments contenant des OGM au moyen soit d’un symbole, d’un texte ou d’un « QR code ». Une étude, commandée par le ministère, concluait que l’information des consommateurs au moyen d’un « QR code » ne serait pas suffisante. Pour améliorer l’accès des consommateurs aux informations, le ministère a décidé de prévoir un mode d’étiquetage alternatif supplémentaire sous la forme d’un message texte.
Mais il s’agit uniquement d’une option alternative. Autrement dit, le seul étiquetage sous la forme d’un « QR code » est possible. Or, comme l’expliquent le Center for Food Safety et les autres requérants, tous les consommateurs n’ont pas accès à un smartphone lorsqu’ils font leurs courses, il n’y a pas toujours d’accès à Internet dans les épiceries ou supermarchés, et beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles peuvent obtenir des informations sur un produit en scannant les « QR codes ».
Dans son jugement du 13 septembre, le juge fédéral donne raison au Center for Food Safety. Il estime en effet que le fait de prévoir un moyen d’étiquetage distinct sous la forme d’un message texte, à la place du « QR code », ne permet pas de « résoudre le problème de l’inaccessibilité des modes d’étiquetage électroniques » [4].
Le ministère de l’Agriculture doit maintenant revoir son décret sur ce point précis. Les dispositions ne sont pas pour autant annulées. Selon le juge, l’annulation immédiate perturberait l’accès des consommateurs à l’information mais également l’industrie alimentaire. La règle reste donc en vigueur jusqu’à ce que le ministère de l’Agriculture la révise d’une manière conforme à la décision du juge (aucun délai n’est imposé).
Pour l’association Center for Food Safety, cette décision est « une victoire pour tous les Étasuniens. […] (Elle) marque une étape clé vers la fin des pratiques trompeuses et discriminatoires de l’industrie alimentaire en matière d’étiquetage des OGM, qui ont maintenu les consommateurs dans l’ignorance en dissimulant ce que contiennent leurs produits » [5].
Des restrictions importantes à l’étiquetage jugées légales
Il s’agit toutefois d’une victoire en demi-teinte : de nombreux autres arguments mis en avant par l’association et les autres requérants n’ont pas été retenus.
L’un de ces arguments est le fait que l’usage des expressions « GMO » (organisme génétiquement modifié) ou « GE » (genetically engineered, pour « produit issu du génie génétique« ), largement utilisées et bien connues des consommateurs, est proscrit au profit du seul terme de « bioengineered » (« issu de la bio-ingénierie »). Même si le juge reconnaît que « les consommateurs sont plus familiers avec des termes comme GE et OGM qu’avec ceux de bio-ingénierie », il estime que la décision du ministère est « motivée et raisonnable » [6].
Un autre argument de taille soulevé par les requérants portait sur le champ de l’obligation d’étiquetage, trop restrictif à leur yeux. Selon le décret, les entreprises sont seulement tenues d’indiquer qu’un produit est issu d’une modification génétique si l’ADN modifié est détectable. Ce qui exclut les aliments contenant des ingrédients génétiquement modifiés hautement transformés (huiles, sucre, etc.).
Pour le juge, cependant, les règles telles qu’elles sont actuellement rédigées prévoient une information adéquate des consommateurs. Il souligne ainsi que le ministère de l’Agriculture a mis en place « une sorte de filet de sécurité en adoptant une » liste d’aliments issus de la bio-ingénierie » ». Sur cette liste, que le ministère de l’Agriculture s’est engagé à mettre à jour chaque année, figurent des cultures et des aliments présumés être issus de modification génétique. La liste actuelle comprend la luzerne, la pomme (variétés ArcticTM), le canola, le maïs, le coton, l’aubergine (variétés BARI Bt Begun), la papaye (variétés résistantes au virus de la tache annulaire), l’ananas (variétés à chair rose), la pomme de terre, le saumon (AquAdvantage®), le soja, la courge (d’été) et la betterave à sucre [7]. Selon les règles d’étiquetage, un aliment hautement raffiné qui contient un ingrédient figurant sur la liste doit être étiqueté, sauf si l’entreprise fournit des documents démontrant qu’il ne s’agit pas d’un aliment issu de modification génétique.
Les produits hautement raffinés resteront donc exclus de l’obligation d’étiquetage, sauf si le matériel génétiquement modifié est détectable… selon la méthode de détection choisie par le fabricant [8].
Le Center for Food Safety et les autres requérants ont annoncé envisager toutes les options, y compris l’appel.
[1] , « Étiquetage OGM aux États-Unis : partiel et contesté », Inf’OGM, 25 janvier 2022
[2] United States District Court Northern District of California, « Natural Grocers et al. V. Tom Vilsack et al. », 13 septembre 2022.
[3] , « États-Unis – Vers un étiquetage obligatoire des OGM a minima », Inf’OGM, 3 août 2016
[4] United States District Court Northern District of California, ibid.
[5] Center for Food Safety, « Court Rules « QR » Codes Alone Unlawful for GMO Food Labeling », 14 septembre 2022 (consulté le 19 septembre 2022).
[6] United States District Court Northern District of California, ibid.
[7] US Department of Agriculture, « List of bioengineered foods, Agricultural marketing service » (consulté le 20 septembre 2022).
[8] Le décret relatif à l’obligation d’étiquetage n’impose pas une méthode de détection donnée. Elle précise simplement des normes générales de performance à respecter. Les entreprises doivent notamment s’assurer que la méthode de détection choisie est adaptée à l’objectif visé (article 66.9 National Bioengineered Food Disclosure Standard).