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Soja OGM : des effets imprévus
Le soja transgénique Roundup Ready profite moins bien de l’apport de soufre qu’une variété proche, mais non génétiquement modifiée. Ce genre d’effet pleïtropique avait déjà été observé et analysé.
Une étude brésilienne (qui implique notamment des chercheurs de l’Embrapa, l’équivalent de l’Inrae dans ce pays) compare le comportement agronomique de deux lignées de soja issues du même programme de sélection, l’un génétiquement modifié pour tolérer des herbicides à base de glyphosate (BRS 360RR), qui est le principe actif du Roundup®, et l’autre non-modifié et sensible à cette molécule (BRS 317) [1]. Plus précisément, les chercheurs ont traité ces deux variétés avec du soufre. Le soufre, utilisé en agriculture depuis des siècles, permet d’améliorer la croissance des plantes et de lutter contre certaines maladies et champignons. Les chercheurs concluent que la variété non-modifiée utilise mieux le soufre que la variété transgénique. Concrètement, ils indiquent que « l’augmentation des taux de soufre a permis au cultivar sensible aux herbicides (BRS 317) de présenter les meilleurs indices physiologiques (efficacité de l’utilisation de l’eau et teneur en chlorophylle) par rapport au cultivar tolérant aux herbicides (BRS 360RR), ainsi qu’une augmentation du rendement en grains (GY), du rendement en poids sec des pousses (SDWY), de la concentration en calcium (Ca), en bore (B), en NO2-N et en fer (Fe) dans les tissus foliaires ».
Cette étude corrobore d’autres études, plus anciennes, qui indiquaient que le transgène « Roundup Ready » a des impacts sur l’écologie de la plante. Ainsi, le professeur Barney Gordon (Université du Kansas) soulignait dans une étude, publiée en 2008, que la modification génétique altère la capacité de la plante à utiliser le manganèse, un des éléments du sol important pour la croissance des plantes [2]. Et, dès 2001, des chercheurs de l’Université du Nebraska avaient déjà mis en exergue que la modification génétique liée à la résistance au glyphosate engendrait une baisse de rendement de 5 % et que le poids des graines des lignées non-tolérantes était supérieur à celui des lignées Roundup Ready (RR).
Si l’on en reste à une interprétation mécaniste et réductionniste du vivant, on ne peut pas comprendre. En fait, le gène RR produit une protéine nouvelle. Cette protéine peut interagir avec les autres protéines. Elle n’a donc pas que la fonction pour laquelle le scientifique l’insère ! De plus, la synthèse de cette nouvelle protéine consommera des acides aminés, qui pourraient être rares et donc manquer à la synthèse d’une autre protéine. Décidément, le vivant n’est pas qu’un jeu de Meccano.
[1] Rafael Petineli, Larissa A. C. Moraes, Reges Heinrichs, Luiz Gustavo Moretti & Adônis Moreira, « Conventional and Transgenic Soybeans : Physiological and Nutritional Differences in Productivity under Sulfur Fertilization, Communications in Soil Science and Plant Analysis », 51:15, 2045-2053, 21 septembre 2020.
[2] Gordon, B., « Manganese Nutrition of Glyphosate-Resistant and Conventional Soybeans », 2016.