OGM transgéniques : moins de 4 % des terres agricoles mondiales
Après une forte croissance (1996 – 2010), la progression des cultures transgéniques s’est considérablement ralentie. À l’heure actuelle, de nouveaux OGM sont cultivés dans la plus grande opacité, parfois même de façon illégale.
Les OGM cultivés restent principalement des plantes transgéniques. L’arrivée des nouvelles techniques de modification génétique pourrait changer la donne. Fin 90, tous les États s’étaient accordés pour encadrer, plus ou moins fortement, les OGM transgéniques. On avait donc accès à certaines données officielles. Désormais, pour certains gouvernements (États-Unis, Argentine, Brésil, Canada, Japon…), les OGM non transgéniques peuvent bénéficier d’un allégement législatif supprimant toute traçabilité. Savoir qui cultive quoi, où, sur quelle surface devient extrêmement difficile, sinon impossible.
Cependant, même pour les cultures transgéniques, une sorte d’omerta régnait. C’était surtout l’International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (Isaaa), une organisation favorable aux OGM qui, depuis 20 ans, proposait un bilan annuel, avec parfois des chiffres contestables [1]. Son dernier rapport porte sur 2019 [2], et annonce 190,4 millions d’hectares (Mha) cultivés (une baisse de 0,7 % par rapport à 2018), ce qui représente moins de 4 % des terres agricoles mondiales.
Le paysage global ne change pas
Depuis le début, ce sont toujours les pays américains qui cultivent majoritairement des OGM. Selon l’Isaaa, les États-Unis, le Brésil, l’Argentine et le Canada représentaient, en 2019, 84,5% des surfaces mondiales (soit 160,8 Mha). Ce sont toujours les mêmes plantes (soja, maïs, coton, colza) et les mêmes modifications génétiques (résistance à un herbicide et/ou production d’un insecticide).
Soja | 91,9 | 48,3% | 74% |
Maïs | 60,9 | 32% | 31% |
Coton | 25,7 | 13,5% | 79% |
Colza | 10,1 | 5,3% | 27% |
Source : Isaaa, 2020 (donc surfaces 2019)
Luzerne, betterave, canne à sucre, papaye, carthame, pomme de terre, aubergine, courge, pomme, ananas, eucalyptus et niébé, tous ensemble, représentent environ 1 % des cultures commerciales transgéniques.
Dans l’Union européenne (UE), seuls l’Espagne et le Portugal cultivent l’unique plante transgénique autorisée, le maïs MON810 (après l’abandon de la pomme de terre Amflora). L’UE n’a jamais été très encline à cultiver des OGM transgéniques. Si jusqu’à dix pays ont tenté l’aventure transgénique [3], 17 pays, dont la France, interdisent la culture du maïs OGM.
Les nouveaux pays transgéniculteurs sont principalement en Afrique, où le lobby semencier est intense. En 2019, l’Éthiopie, le Malawi et le Kenya ont autorisé le coton Bt et le Nigeria le niébé Bt (une sorte de haricot consommé par les humains). Ce sont encore des surfaces limitées. L’Afrique du Sud et le Soudan continuent de façon stable de cultiver des plantes transgéniques. Le Burkina Faso et l’Égypte les ont, eux, abandonnées.
Et les essais en champs ?
Selon l’Isaaa, 29 pays (sur 193 États membres de l’ONU) cultivaient commercialement des OGM en 2019. Mais le nombre de pays ayant des essais en champs est plus important, tout comme le nombre d’espèces. Au minimum, des essais ont été menés sur plus de 60 cultures avec 10 traits dans 45 pays. Dans l’Union européenne, 18 pays sur 28 ont accueilli, à un moment ou à un autre, des essais en champs de plantes transgéniques entre 2003 et 2020, auxquels on peut ajouter l’Islande, la Suisse et la Serbie. Sur cette même période, 36 espèces ont été testées , avec une chute du nombre d’essais annuels depuis 2012.
Le maïs domine largement, mais on trouve également des peupliers, de la betterave et du blé. Mais d’autres plantes, comme tomate, concombre, chicorée, chou, fraisier, aubergine… ont également fait l’objet d’un ou deux dossiers depuis 2003. Récemment, des essais d’OGM modifiés avec Crispr (Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Suède) sont apparus mais sont peu nombreux (13 essais répertoriés depuis 2018) [4]. En revanche, aucun essai d’OGM issus de mutagénèse aléatoire in vitro n’est déclaré.
Cette différence entre cultures commerciales et expérimentales montre que les essais en champs jouent plusieurs rôles. Il peut s’agir d’essais pré-commerciaux permettant à l’obtenteur de décider s’il engage une demande d’autorisation ou d’essais exigés par les protocoles d’autorisation. Ils peuvent servir à formater les chercheurs à la cause biotechnologique, comme ce fut le cas dans certains pays d’Afrique [5]. Ils servent également d’arguments auprès des autorités politiques sur le foisonnement de la recherche. Enfin, ils constituent une forme de publicité commerciale car, finalement, les essais en champs font entièrement partie de l’économie de la promesse et de la stratégie des lobbies.
Les OGM non transgéniques
Le suivi des OGM non transgéniques est à ce jour impossible. En France, des variétés de colza et de tournesol issues de la mutagenèse pratiquée sur cellules isolées in vitro sont cultivées dans les champs. Le gouvernement, contrairement aux requis de la législation, n’impose toujours pas de déclarer les champs cultivés avec de tels OGM. Les chiffres existants pour certains OGM sont issus des seules déclarations des semenciers. Pour d’autres, les estimations sont très approximatives. Interrogé par Inf’OGM, le ministère de l’Agriculture considère que 37 000 ha de colza muté tolérant un herbicide – toute technique de mutagénèse confondue – ont été semés en 2016 (2,6% de la sole nationale). Toujours en 2016, le tournesol tolérant un herbicide – là encore sans préciser le type de mutagénèse impliquée – a été cultivé sur 160 000 ha selon AgroDistribution (soit 27,3 % de la sole française). BASF indiquait qu’en 2011, « dans la zone Europe élargie » en incluant l’Ukraine, la Russie et la Turquie, 2,85 Mha de tournesol Clearfield avaient été semés, contre 240 000 ha en 2007 [6]. Et, pour 2019, la Confédération paysanne annonçait que 1000 hectares environ de colza rendu tolérant aux herbicides par mutagénèse aléatoire in vitro avaient été semés pour la production de semences [7].
Quant aux OGM issus des nouvelles techniques, là encore les données sont absentes. Le ministère de l’Agriculture étasunien indique avoir reçu, entre 2010 et 2020, 49 dossiers d’OGM présentés comme sans transgène. Le gouvernement a répondu que 48 d’entre eux sont non soumis à la réglementation OGM [8]. Cette liste est incomplète : le colza de Cibus n’y figure pas alors qu’il est déjà cultivé et que son huile est vendue aux États-Unis [9] . En 2015, Cibus annonçait même qu’il allait favoriser la production de ce colza en Chine [10]. En l’absence de traçabilité, on ne peut avoir aucune indication sur les quantités éventuellement exportées en UE.
[1] , « OGM : Inf’OGM dévoile les chiffres inexacts de l’Isaaa », Inf’OGM, 10 mai 2017
[2] Isaaa, « Global Status of Transgenic Crops in 1997 », ISAAA Briefs No. 5, 1997
[3] Allemagne, Bulgarie, Espagne, France, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède.
[4] , « UE – Moins d’essais en champs, mais avec des nouveaux OGM », Inf’OGM, 2 juin 2020
[5] , « Les portes d’entrée des OGM en Afrique », Inf’OGM, octobre 2005
[6] , « Progression des OGM « cachés » en France et en Europe », Inf’OGM, 25 avril 2018
[7] ,
, « OGM non transgéniques – La justice européenne à nouveau saisie », Inf’OGM, 17 novembre 2021
[8] , « ÉTATS-UNIS – Une cinquantaine de nouveaux OGM dans les tuyaux », Inf’OGM, 21 avril 2020